Egypte. La réforme de la procédure pénale inquiète les défenseurs des droits humains

Actus. Une réforme pénale en cours de finalisation en Egypte suscite l'inquiétude des défenseurs des droits humains, qui y voient une légalisation de procédures abusives comme les détentions arbitraires ou les procès expéditifs.

Egypte. La réforme de la procédure pénale inquiète les défenseurs des droits humains
La réforme de la procédure pénale inquiète les défenseurs des droits humains en Egypte - Wikimedia commons

Adoptée par le parlement en avril, cette loi - en attente du feu vert final du président Abdel Fattah al-Sissi - vise selon les autorités à rationaliser la procédure judiciaire, de l'arrestation à l'exécution des peines, tout en renforçant la transparence et la lutte anti-corruption. Le ministre des Affaires étrangères, Badr Abdel-Atti, l'a présentée au Conseil des droits de l'Homme de l'ONU comme "une révolution législative dans 
le domaine de la justice pénale" en Egypte. La réforme "introduit un ensemble de nouvelles garanties", clarifie le rôle du parquet et les conditions de détention préventive, a assuré à l'AFP Ihab El-Tamawy, le président de la sous-commission parlementaire chargée de sa rédaction. 

Une réforme dénoncée par la société civile 

Les détracteurs de la réforme disent que la nouvelle loi entérinera des pratiques répressives érodant le droit à un procès équitable. Le nouveau texte, qui n'a pas encore été publié dans sa version définitive, permet au parquet, "en cas d'urgence", d'imposer une interdiction de voyage sans limitation de durée et sans attendre de décision judiciaire. Il autorise aussi les perquisitions sans mandat judiciaire "en cas de danger ou de demande de secours", sans préciser ces situations. 
Pour l'avocat égyptien Khaled Ali, célèbre défenseur des droits humains, la nouvelle loi "n'apporte pas de réponse réelle à la corruption, étend les pouvoirs de la police et du parquet, diminue les droits de la défense (...) essentiels pour un procès équitable"
Le texte "codifie des pratiques qui se déroulaient déjà hors du cadre légal et les légitime dans une tentative d'améliorer l'image" du pays, estime pour sa part Mahmoud Shalaby, expert d'Amnesty International sur l'Egypte. Partageant l'analyse de M. Ali, Karim Ennarah, de l'ONG Initiative égyptienne pour les droits (EIPR), déplore notamment que certaines compétences judiciaires soient confiées à la police, comme les enquêtes ou l'inspection de scènes de crime. Adoptée sans un seul des 176 amendements déposés par un groupe d'avocats indépendants, la loi confère aussi au parquet le droit de censurer les témoins et de restreindre l'accès de la défense aux dossiers, des "pratiques déjà fréquentes" selon M. Ennarah. 

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Autre point critiqué: l'extension des audiences à distance, que le chercheur décrit comme des comparutions virtuelles "expéditives", avec parfois des dizaines de détenus convoqués simultanément devant une caméra pour écouter les décisions judiciaires, sans confidentialité ni véritable défense.  La loi, selon M. Ennarah, affaiblit "le droit de l'accusé de s'entretenir avec son avocat et de comparaître physiquement devant un juge" pour, si nécessaire, faire constater de mauvais traitements. 
La réduction de la durée maximale de détention préventive ne s'accompagne pas non plus de garanties contre "les pratiques de détention prolongée et arbitraire", pointe Amnesty International. Selon M. Shalaby, les prisons égyptiennes comptent des dizaines de milliers de prisonniers politiques, souvent victimes d'un système de "recyclage" permettant à la justice de les poursuivre dans de nouvelles affaires à l'approche de la fin de leurs peines. 

Critiques de l’ONU  

En avril, la Commission des droits de l'Homme de l'ONU a appelé le président al-Sissi à "assurer la pleine conformité" de la réforme "avec les obligations internationales de l'Egypte", avant de la promulguer. Des rapports d'Amnesty International sur les conditions carcérales en Egypte font état de mauvais traitements, négligence médicale et surpopulation. L'Egypte arrive en bas de tableau (135e pays sur 142) dans le classement annuel du World Justice Project (WJP), une ONG évaluant les dispositifs légaux. Le dernier examen par l'ONU de son bilan en matière de droits, en janvier, a été marqué par des accusations de violations des droits "systémiques et généralisées", notamment la torture, les disparitions forcées et les procès inéquitables. 

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