Les Frères musulmans et l'armée au pouvoir en Egypte apparaissent engagés dans un bras de fer autour de la future Constitution du pays, que les militaires redoutent de voir rédigée au profit des islamistes, grands vainqueurs des élections législatives en cours.
Au-delà de son aspect technique, cette bataille concerne des questions cruciales comme une possible islamisation accrue de la législation, le choix entre régime parlementaire et présidentiel, ou la place de l'armée dans le système politique.
La pomme de discorde porte depuis jeudi sur la nomination des membres de la commission qui sera chargée de rédiger la future loi fondamentale, clé de voûte des prochaines institutions.
Les Frères musulmans revendiquent ce droit pour le Parlement, en passe d'être dominé par les islamistes de toutes tendances qui ont remporté 65% des voix lors de la première phase des législatives qui doivent encore durer plusieurs mois.
L'armée en revanche estime qu'un "conseil consultatif" de trente membres, censé représenter la société civile et la classe politique, a aussi son mot à dire dans le choix des personnalités chargées de rédiger la Constitution.
Forte de la légitimité des urnes, la confrérie islamiste dénonce une volonté de "marginaliser" le Parlement au profit d'une instance non-élue qu'elle a décidé de boycotter.
"Toute tentative d'interférer dans le travail du Parlement pour rédiger la Constitution irait à l'encontre des choix du peuple", a déclaré à l'AFP Ahmed Sobea, un porte-parole du parti de la Liberté et de la Justice (PLJ), issu des Frères musulmans.
L'armée, mais aussi certains partis laïques, estiment de leur côté qu'on ne peut laisser la rédaction de la loi fondamentale entre les seules mains de personnes nommées par un Parlement islamiste.
"Le Parlement sera peut-être à majorité islamiste, mais les islamistes ne représentent pas toute l'Egypte.Il faut s'assurer que tous les Egyptiens pourront s'exprimer" sur ce sujet, fait valoir Mohamed Abou Hammad, un responsable du parti des Egyptiens libres (libéral).
"Tant qu'un compromis ne sera pas trouvé, nous irons vers un conflit entre le futur Parlement et l'armée.Jusqu'à présent, les Frères musulmans n'ont pas manifesté de volonté de compromis", estime Moustafa Kamel Sayyed, de l'université du Caire.
Les adversaires des Frères musulmans redoutent que ces derniers n'instaurent un régime d'assemblée, jugé plus perméable à l'influence islamiste qu'un système présidentiel.
Ils redoutent aussi une référence plus contraignante à la charia que dans la précédente Constitution, où seuls les "principes" de la loi islamique étaient censés inspirer la législation.
L'armée, gardienne du système depuis la chute de la monarchie en 1952, est de son côté soupçonnée par les islamistes de vouloir garder un oeil sur le processus constitutionnel afin de préserver au moins une partie de son influence politique.
"Les Frères musulmans veulent renforcer la place de la loi islamique dans la constitution.Ils veulent aussi redéfinir le rôle de l'armée, mais leur première priorité reste la charia", estime Moustafa Kamel Sayyed.
Cette polémique allonge la liste des désaccords entre les Frères musulmans et le Conseil suprême des forces armées (CSFA) du maréchal Hussein Tantaoui, qui dirige l'Egypte depuis la chute de Hosni Moubarak en février.
Les Frères revendiquent pour la future assemblée le droit d'investir le gouvernement, jusqu'à présent choisi par les militaires qui entendent garder cette prérogative.
Les Frères musulmans se sont également vivement opposés, en organisant une manifestation massive le 18 novembre au Caire, à un projet qui permettrait à l'armée de garder le dernier mot sur toute loi la concernant, et préservant son budget de tout examen parlementaire.
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