Alors que les opérations de secours ont été entravées ces derniers mois en Méditerranée, une série de naufrages meurtriers ont eu lieu depuis mai.Le dernier en date a fait plus de 80 morts le 1er juillet.
Seuls les récits des quelques rescapés --souvent partis de Libye dans l'espoir d'atteindre l'Europe-- permettent d'en connaître les circonstances.
Ces dernières semaines, plus de 80 corps ont été repêchés sur les côtes tunisiennes, entre la ville portuaire de Zarzis et l'île touristique de Djerba dans le sud du pays, à quelques dizaines de kilomètres de la frontière avec la Libye.
Tous ces corps ont été envoyés vers l'hôpital de Gabès, le seul de la région capable d'effectuer des prélèvements ADN.
Par "humanité" et sous la pression de la société, les autorités ont commencé à prélever de plus en plus systématiquement l'ADN des migrants non identifiés, indique à l'AFP le directeur de l'hôpital, Hechmi Lakhrech.
Ces prélèvements représentent le seul espoir que des proches puissent un jour retrouver leur trace.
Au sous-sol, dans une petite morgue réfrigérée, les cadavres sont entassés à même le sol, tandis que le personnel s'active, le visage protégé d'un masque ou d'un simple foulard.
- "Débordé" -
Depuis le 6 juillet, l'hôpital a reçu 84 corps, alors "que la capacité de cette morgue est de 30 corps maximum", déplore M. Lakhrech.
Le service est "débordé" face à cet afflux soudain et au manque de coordination, explique-t-il, alors que d'autres morgues de la région auraient pu accueillir temporairement les dépouilles.
Le manque d'équipements et de personnel --seulement deux médecins légistes et deux assistants-- ne permettent pas une bonne prise en charge, souligne-t-il.Les services publics de santé peinent déjà à répondre aux attentes des Tunisiens, particulièrement dans le sud du pays.
Après l'expertise médico-légale, les corps ne peuvent quitter la morgue qu'une fois un lieu d'inhumation trouvé, une tâche compliquée, explique le gouverneur de Gabès, Mongi Thameur.
Des représentants locaux de la société civile ont refusé que ces migrants soient enterrés dans les cimetières municipaux.
"Certains craignent que ces corps soient porteurs du choléra, et d'autres refusent d'enterrer des personnes dont la religion est inconnue dans des cimetières musulmans", confie M. Thameur."Il y a un problème de mentalité et d'humanité chez certains, il faut sensibiliser les gens sur ces sujets".
Dans le cimetière de Bouchama, seule des 16 communes de Gabès à avoir accepté d'accueillir ces dépouilles, 16 tombes ont été creusées à l'écart des autres sépultures.Elles restent vides pour le moment.
"Mes parents reposent ici, je ne veux pas que des personnes non musulmanes soient enterrées à leurs côtés", lance un habitant.
- "Problème phénoménal" -
Devant l'hôpital, sous un soleil de plomb, 14 sacs mortuaires blancs soigneusement étiquetés sont chargés dans un camion habituellement utilisé pour transporter gravats et ordures.
Les dépouilles retourneront finalement à Zarzis, pourtant située à plus de deux heures de route.Là-bas, un cimetière improvisé accueillant depuis plusieurs années les migrants noyés est désormais plein et un nouveau cimetière est en cours de construction.
Des ouvriers et employés municipaux, qui s'occupent bénévolement de ces enterrements après leur journée de travail, viennent prêter main-forte ce jour-là.
Après trois heures de préparatifs, les 14 corps sont enterrés auprès de 47 autres dans ce cimetière situé sous les fenêtres d'un foyer où sont hébergés des migrants rescapés.
Et alors même que la construction du cimetière n'est pas achevée, une tombe sur cinq est déjà occupée.Sur chaque sépulture en sable, une simple plaquette indique un numéro de dossier ADN et la date d'inhumation.
"Le 12 juillet, nous avons repêché 45 corps en une seule journée!Ce problème devient phénoménal", alerte Faouzi Khenissi, maire adjoint de Zarzis.
"On ne peut pas se permettre de laisser des dépouilles sans enterrement", affirme-t-il.A Zarzis, l'un des lieux de départs des migrants clandestins vers l'Europe, "nous avons des jeunes qui ont été naufragés en mer", rappelle-t-il.
Face aux critiques de médias sur l'utilisation de camions à ordures pour transporter les cadavres des migrants, l'élu lance un appel à l'aide, empreint de colère."Nous n'avons pas les moyens de faire mieux!", justifie-t-il.
"Le pays peine déjà à prendre en charge les migrants secourus, et encore plus ceux qui sont morts", renchérit Mongi Slim, responsable du bureau régional du Croissant-Rouge."Il faut une mobilisation internationale parce que ce problème ne concerne pas que la Tunisie!".
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