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Au Bénin, le Zangbéto, divinité vaudoue, au secours de la mangrove

A bord d'une pirogue, un cône de deux mètres de haut coiffé de cornes et recouvert de raphia sillonne la mangrove: le "Zangbéto", divinité vaudoue très respectée au Bénin, a été appelé à la rescousse pour protéger l'écosystème menacé par l'homme.

Au rythme des chants traditionnels, l'embarcation glisse sous un ciel mena&ccedil;ant jusqu'&agrave; l'"&icirc;le aux oiseaux", un caillou situ&eacute; dans le delta du fleuve Mono, au sud-ouest du B&eacute;nin.Un groupe d'initi&eacute;s accroche aux branches de pal&eacute;tuviers, qui constituent l'essentiel de la mangrove, deux petites repr&eacute;sentations de Zangb&eacute;to.
Jadis, le Zangb&eacute;to ("gardien de la nuit") chassait les ennemis et parcourait les rues pour assurer l'ordre &agrave; la nuit tomb&eacute;e.Aujourd'hui, cette divinit&eacute; toujours crainte et invoqu&eacute;e pour r&eacute;gler les conflits entre villageois oeuvre aussi pour l'environnement.
"Si vous venez t&ocirc;t le matin, il y a des milliers d'oiseaux, on trouve ici des esp&egrave;ces migratrices, explique Gautier Amoussou, coordonnateur national de l'ONG Eco-B&eacute;nin, d&eacute;ploy&eacute;e dans cette zone depuis 2011.
La mangrove sert aussi de fray&egrave;re aux poissons et aux crustac&eacute;s.
Mais elle est menac&eacute;e par la collecte du bois de chauffe et la p&ecirc;che.Dans le delta du Mono, sa surface a r&eacute;tr&eacute;ci de 30% en dix ans entre 1995 et 2005, passant de 13.000 &agrave; 9.000 hectares.
Pour la prot&eacute;ger, Eco-B&eacute;nin a cr&eacute;&eacute; il y a deux ans une r&eacute;serve de biosph&egrave;re reconnue par l'Unesco qui englobe 17 villages.Et l'ONG s'appuie sur les croyances mystiques locales pour susciter l'adh&eacute;sion des populations.Huit sites ont d&eacute;j&agrave; &eacute;t&eacute; "sacralis&eacute;s" avec l'aide de la divinit&eacute; Zangb&eacute;to, sur un total de 500 hectares.
Pendant des ann&eacute;es, les actions de sensibilisation men&eacute;es par l'Etat et les ONG de d&eacute;fense de l'environnement se sont heurt&eacute;es aux r&eacute;ticences et aux pratiques des communaut&eacute;s pauvres, qui vivent essentiellement de la p&ecirc;che et cuisinent au feu de bois.La peur de la sanction divine semble bien plus persuasive.

- "Puni par le f&eacute;tiche" -

Ce jour-l&agrave;, Zangb&eacute;to a &eacute;t&eacute; convoqu&eacute; au village d'Alongo, nich&eacute; sur une &eacute;troite bande de terre s&eacute;parant le fleuve Mono de l'oc&eacute;an Atlantique, pour prot&eacute;ger la mangrove.
"A partir de maintenant, personne ne peut plus entrer dans cette for&ecirc;t", annonce Jean Koukpomi, le pr&ecirc;tre vaudou qui dirige la c&eacute;r&eacute;monie dans ce bourg o&ugrave; vivent quelque 200 habitants."Avant les gens venaient avec leur +coupe-coupe+ (machette) prendre le bois n'importe comment.Ils ramassaient les crabes, les &oelig;ufs des oiseaux...Maintenant c'est interdit".
A ses c&ocirc;t&eacute;s, Damien Egbenou, le chef du village, un pagne nou&eacute; &agrave; la taille, rench&eacute;rit: "Si tu rentres dedans, tu seras puni par les lois de notre f&eacute;tiche.Tu peux &ecirc;tre +bastonn&eacute;+ devant tout le monde.Il (Zangb&eacute;to) est redout&eacute;".
Autour d'Alongo, le labyrinthe de pal&eacute;tuviers a pu &ecirc;tre reconstitu&eacute; partiellement gr&acirc;ce au reboisement men&eacute; par les ONG locales.&nbsp;Il s'agit d&eacute;sormais de pr&eacute;server cet acquis.Dans ce village comme partout au B&eacute;nin, le culte vaudou reste tr&egrave;s pr&eacute;sent dans la vie quotidienne, et ce sont les habitants locaux qui ont souhait&eacute; faire appel &agrave; Zangb&eacute;to pour sacraliser l'&eacute;cosyst&egrave;me.
"&Ccedil;a a &eacute;t&eacute; un processus participatif, depuis la cartographie jusqu'&agrave; la convention locale qui fixe les r&egrave;gles, sign&eacute;e avec les populations et valid&eacute;e par la mairie.Elles nous ont dit +si vous voulez que ce soit durable, il faut que la divinit&eacute; intervienne+", explique Sylvain Daavo, qui a travaill&eacute; sur le projet pour Eco-B&eacute;nin.&nbsp;
Ici, on avait d&eacute;j&agrave; recours &agrave; la sacralisation pour prot&eacute;ger les ressources du fleuve, souligne le jeune homme: "&ccedil;a s'appelait le vodounto, &ccedil;a veut dire +cette partie du fleuve appartient au vaudou+, &ccedil;a permettait de pr&eacute;server la ressource&nbsp;qui &eacute;tait concentr&eacute;e l&agrave; -- et en cas de besoin, la zone pouvait &ecirc;tre +d&eacute;sacralis&eacute;e+".

- Un d&eacute;coupage en zones -

Sur les murs d'Alongo, des affiches rappellent aux habitants tout ce qui leur est d&eacute;sormais interdit: tuer les lamantins, p&ecirc;cher &agrave; l'acadja (parcs &agrave; poissons faits de branchages), ou encore utiliser des produits chimiques dans les champs &agrave; proximit&eacute; du fleuve.
Mais tout n'est pas interdit: la r&eacute;serve naturelle est d&eacute;coup&eacute;e en zones sacralis&eacute;es r&eacute;serv&eacute;es &agrave; la recherche et &agrave; l'&eacute;cotourisme, et en des zones o&ugrave; les activit&eacute;s humaines sont r&eacute;glement&eacute;es &agrave; des degr&eacute;s diff&eacute;rents.
"C'est ce qui fait qu'on accepte l'initiative (de pr&eacute;servation de la mangrove): on nous laisse la possibilit&eacute; de vivre dans notre milieu", estime Dossou Viho, pr&eacute;sident de l'association Doukpo -- dont le nom signifie "manger et laisser pour les autres" --, qui g&egrave;re la r&eacute;serve et assure des patrouilles en coordination avec les autorit&eacute;s.
"Il n'y a aucun d&eacute;sordre l&agrave; o&ugrave; la divinit&eacute; est pr&eacute;sente.Et aujourd'hui, on sait qu'il faut sauvegarder notre mangrove pour le bien-&ecirc;tre de notre localit&eacute;", dit-il.
La strat&eacute;gie nationale de gestion durable des mangroves 2018-2030, approuv&eacute;e par le gouvernement b&eacute;ninois, recommande de renforcer les pouvoirs traditionnels comme moyen d'action pour pr&eacute;server la biodiversit&eacute;.

- Ecotourisme -&nbsp;

Parall&egrave;lement, la communaut&eacute; locale mise sur le d&eacute;veloppement du tourisme, avec la cr&eacute;ation r&eacute;cente d'un &eacute;colodge et la formation d'&eacute;cogardes par l'ONG Eco-B&eacute;nin.&nbsp;
Julien Kassa est p&ecirc;cheur mais propose aussi d&eacute;sormais des circuits touristiques aux visiteurs sur le fleuve Mono.
Dans sa cour aux murs couverts d'inscriptions philosophiques, il raconte s'&ecirc;tre mis &agrave; dos de nombreux villageois en s'engageant depuis quelques ann&eacute;es pour la protection de la mangrove.
Aujourd'hui, le vent a tourn&eacute; et les habitants locaux ont embrass&eacute; la cause, se f&eacute;licite-t-il."C'est bon pour notre d&eacute;veloppement."

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