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Les journalistes travaillant dans plusieurs pays du Sahel font un métier à haut risque, trop souvent exercé "la peur au ventre", expliquent un certain nombre d'entre eux après la mort de deux confrères espagnols au Burkina Faso et l'enlèvement d'un collègue français au Mali.

Ces journalistes racontent la difficult&eacute; de continuer &agrave; informer malgr&eacute; la propagation jihadiste et les agissements criminels, la quasi impossibilit&eacute; d'acc&eacute;der &agrave; de vastes &eacute;tendues de territoire et &agrave; certaines sources, ainsi que les pressions et les intimidations multiples, qu'elles viennent du pouvoir ou d'ailleurs, sans parler du manque de moyens de la profession.&nbsp;
Olivier Dubois, collaborateur de divers m&eacute;dias maliens et fran&ccedil;ais, est apparu mercredi dans une vid&eacute;o o&ugrave; il dit avoir &eacute;t&eacute; enlev&eacute; d&eacute;but avril &agrave; Gao, dans le nord-est du Mali, par un groupe affili&eacute; &agrave; Al-Qa&iuml;da.
Ce journaliste aguerri de 46 ans, qui vit et travaille depuis 2015 au Mali, avait arrang&eacute; un rendez-vous avec le commandant d'un groupe jihadiste de la r&eacute;gion, Abdallah Ag Albakaye.Il a &eacute;t&eacute; vu pour la derni&egrave;re fois alors qu'il embarquait dans une voiture avec plusieurs hommes.
Au Burkina Faso, les reporters espagnols David Beri&aacute;in et Roberto Fraile, ainsi que l'Irlandais Rory Young, pr&eacute;sident d'une ONG de protection de la faune sauvage, ont &eacute;t&eacute; tu&eacute;s alors qu'ils se trouvaient avec une patrouille antibraconnage qui a &eacute;t&eacute; attaqu&eacute;e fin avril par des hommes arm&eacute;s.
Leur mort "vient encore rappeler combien on peut &ecirc;tre expos&eacute; dans notre m&eacute;tier", confie le journaliste reporter d'images burkinab&egrave; Salif Zangre.&nbsp;"Cela n'entame pas notre volont&eacute; de couvrir l'actualit&eacute;", assure-t-il, mais en prenant toutes les pr&eacute;cautions possibles.
Il est d&eacute;sormais "quasiment impossible" de faire du terrain au-del&agrave; des villages environnants, admet un journaliste burkinab&egrave; en poste dans la r&eacute;gion du Nord, frontali&egrave;re du Mali, dont l'AFP a choisi de ne pas divulguer l'identit&eacute;.

- Cibles de choix -

Le Burkina figure au 37e rang du classement mondial de la libert&eacute; de la presse 2021 de Reporters Sans Fronti&egrave;res (RSF), le Niger au 59e et le Mali au 99e.
RSF d&eacute;crit m&ecirc;me le Burkina comme "une des r&eacute;ussites du continent" en la mati&egrave;re.Mais l'organisation &eacute;voque les vicissitudes de la presse dans les pays sah&eacute;liens: ins&eacute;curit&eacute; largement r&eacute;pandue, restrictions de mouvement et sanctions impos&eacute;es par les autorit&eacute;s au nom de la lutte contre les jihadistes, tours de vis justifi&eacute;s par la pand&eacute;mie de Covid-19.
Les journalistes &eacute;trangers sont des cibles, pour ce qu'ils repr&eacute;sentent et pour leur valeur d'&eacute;change.Mais les locaux sont aussi expos&eacute;s.
"La vie d'un journaliste au Sahel n'est pas toujours gaie, m&ecirc;me &agrave; Bamako (relativement pr&eacute;serv&eacute;e, NDLR): barbel&eacute;s autour de la maison, pr&eacute;cautions &agrave; prendre dehors", constate Serge Daniel, le correspondant dans la capitale malienne depuis plus de 25 ans de Radio France Internationale (RFI) et de l'Agence France-Presse (AFP).
L'assassinat d'une journaliste et d'un technicien de RFI en 2013 a marqu&eacute; les esprits.Pourtant la situation est peut-&ecirc;tre plus dangereuse aujourd'hui qu'au d&eacute;but de la pouss&eacute;e jihadiste dans le Nord en 2012, assure-t-il.
Au-del&agrave; des risques courus en d&eacute;placement, les journalistes locaux &eacute;voquent le sentiment d'une menace permanente.Le r&eacute;dacteur en chef de la t&eacute;l&eacute;vision priv&eacute;e malienne Renouveau TV, Br&eacute;hima Sogoba, rapporte que certains de ses correspondants, par crainte des repr&eacute;sailles, renoncent &agrave; signer leurs reportages.
Au Niger, o&ugrave; les attaques contre des civils se sont multipli&eacute;es depuis le d&eacute;but de l'ann&eacute;e,&nbsp;le responsable d'une radio communautaire ayant requis l'anonymat reconna&icirc;t qu'il vaut mieux "tourner mille fois sa langue (dans sa bouche) avant de parler".
"Le m&eacute;tier est d&eacute;sormais &agrave; tr&egrave;s haut risque.Les jihadistes et autres bandits &eacute;coutent tr&egrave;s bien nos &eacute;missions" et ont "l'habitude d'adresser des menaces aux radios en leur demandant de +faire tr&egrave;s attention+", ajoute-t-il.
Un journaliste de la m&ecirc;me r&eacute;gion dit redouter surtout l'enl&egrave;vement.Sa radio n'organise plus de d&eacute;bats parce que "les gens ne se bousculent plus devant nos micros", et rediffuse surtout d'anciennes &eacute;missions, dit-il.
Continuer &agrave; rapporter une information complexe dans un tel contexte est un d&eacute;fi constant.Pour le r&eacute;dacteur en chef de Renouveau TV, il faut avant tout "ma&icirc;triser le terrain" et mesurer "tous les enjeux"."Le bon journaliste, c'est quand m&ecirc;me celui qui vit", dit Br&eacute;hima Sogoba.

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