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Depuis vingt ans qu'il fait des affaires en Angola, Antonio Almeida a appris à louvoyer entre les écueils de la corruption au quotidien.A 44 ans, cet ambitieux patron sait mieux que tout autre combien elle gangrène l'économie du pays.

"La corruption a caus&eacute; tant d'in&eacute;galit&eacute;s et de difficult&eacute;s", d&eacute;plore-t-il dans son bureau de la Galeria Vida, le centre commercial de la banlieue de Luanda qu'il a ouvert en 2016."Si vous aviez besoin d'une autorisation pour votre commerce, il n'y avait pas d'autre choix que de payer".
S'il utilise l'imparfait, c'est qu'Antonio Almeida est persuad&eacute; que l'&egrave;re des backchiches, des passe-droits et des arrangements entre amis qui a longtemps pr&eacute;value sera bient&ocirc;t finie.
Depuis son arriv&eacute;e au pouvoir il y a deux ans et demi, le nouveau pr&eacute;sident angolais Joao Louren&ccedil;o a fait de la lutte contre la corruption sa priorit&eacute;.
Au fil des mois, il a m&eacute;thodiquement limog&eacute; tous les patrons d'entreprises publiques, hauts-fonctionnaires et grad&eacute;s de l'appareil militaro-policier du pays r&eacute;put&eacute;s proches de son pr&eacute;d&eacute;cesseur Jose Eduardo dos Santos.
Ma&icirc;tre sans partage de l'Angola pendant trente-huit ans, M. dos Santos, 77 ans aujourd'hui, est accus&eacute; d'avoir mis l'&eacute;conomie du deuxi&egrave;me producteur p&eacute;trolier du continent en coupe r&eacute;gl&eacute;e au profit d'une poign&eacute;e de proches.
Embl&egrave;me de ce syst&egrave;me, sa famille n'a pas &eacute;t&eacute; &eacute;pargn&eacute;e par le nettoyage lanc&eacute; par le nouvel homme fort du pays.
Le fils dos Santos, Jose Filomeno, est jug&eacute; depuis d&eacute;cembre pour avoir d&eacute;tourn&eacute; 500 millions de dollars des comptes du fonds souverain angolais qu'il dirigeait.Et sa milliardaire de fille Isabel a &eacute;t&eacute; inculp&eacute;e d'en avoir siphonn&eacute; le double des comptes de la compagnie p&eacute;troli&egrave;re nationale.
Aujourd'hui &agrave; la t&ecirc;te d'un empire financier, Mme dos Santos nie ces accusations et crie &agrave; la "pers&eacute;cution politique".

- N&eacute;potisme -

Pas de quoi &eacute;mouvoir Antonio Almeida, qui consid&egrave;re comme catastrophique le bilan &eacute;conomique de l'ancien r&eacute;gime.
Auparavant habitu&eacute; &agrave; une croissance &agrave; deux chiffres, l'Angola a &eacute;t&eacute; frapp&eacute; de plein fouet par la chute des cours de l'or noir en 2014.La devise nationale, le kwanza, et l'activit&eacute; ont brusquement plong&eacute;.Quant &agrave; l'inflation, elle n'en finit plus de galoper et d'enfoncer un peu plus le pays dans la pauvret&eacute;.
L'entrepreneur luandais a d&ucirc; fermer cinq de ses sept boutiques de luxe, en faillite car sa client&egrave;le des classes moyennes a vu fondre son pouvoir d'achat.
R&eacute;cemment encore, il a renonc&eacute; &agrave; ouvrir un nouveau centre commercial faute de soutien des banques."Le projet co&ucirc;tait initialement 100 million kwanzas (202.000 dollars)", enrage-t-il, "il serait aujourd&rsquo;hui de 300 millions..."
Malgr&eacute; les promesses de relance du chef de l'Etat, la situation de l'&eacute;conomie reste pr&eacute;occupante.Apr&egrave;s trois ann&eacute;es de r&eacute;cession, la Banque africaine de d&eacute;veloppement (BAD) ne table sur un fragile retour de la croissance que cette ann&eacute;e.
"L'&eacute;conomie reste largement en-de&ccedil;&agrave; de ses capacit&eacute;s.Les liquidit&eacute;s manquent et, plus grave, la dette se creuse", d&eacute;taille Robert Besseling, consultant chez EXX Africa.
Dans ce contexte, la lutte anticorruption vise d'abord, selon lui, &agrave; retrouver des liquidit&eacute;s."Cela soulagerait au moins temporairement l'&eacute;conomie et, dans la foul&eacute;e, la population locale", estime M. Besseling.
La semaine derni&egrave;re, le pr&eacute;sident Louren&ccedil;o a r&eacute;p&eacute;t&eacute; publiquement &agrave; Luanda sa volont&eacute; de remettre la main sur "les avoirs ill&eacute;galement sortis" du pays.
Le Fonds mon&eacute;taire international (FMI) a encourag&eacute; son gouvernement &agrave; poursuivre sur cette voie en lui accordant en d&eacute;cembre un pr&ecirc;t de 247 millions de dollars.

- Fin de l'impunit&eacute; -

L'&eacute;conomiste Yuri Quixina, de l'universit&eacute; Agostinho Neto de Luanda, avertit toutefois que la lutte anticorruption est un travail de longue haleine."Pendant que nous y travaillons (...) le plus important est que la communaut&eacute; internationale y croit et fasse des investissements", souligne-t-il.
Malgr&eacute; les promesses du pr&eacute;sident Louren&ccedil;o, la rue angolaise attend toujours un mieux dans sa vie quotidienne.
Ainsi Eva Mateus, qui vend des ustensiles de cuisine au march&eacute; "congolais" de Luanda."Je suis enseignante dipl&ocirc;m&eacute;e", l&acirc;che-t-elle, "sans corruption, je n'en serais pas l&agrave;".
"Les choses ne sont pas simples ces derniers temps", rench&eacute;rit une de ses coll&egrave;gues, boulang&egrave;re, dans les all&eacute;es largement vides de clients du march&eacute;."On ne sait pas pourquoi", rousp&egrave;te Maria Eunice, 43 ans, "personne ne peux nous expliquer pourquoi les prix augmentent".
D'autres, plus pessimistes, ne croient tout simplement pas &agrave; un quelconque changement.
"Ici, tout le monde est encore impliqu&eacute;.Si vous connaissez quelqu'un (...) il suffit toujours de le payer pour qu'il fasse ou vous donne ce que vous voulez", note Joao Pande, 30 ans, devant son garage de la capitale.
Le m&eacute;canicien regrette m&ecirc;me que la lutte contre la corruption ait compliqu&eacute; les affaires."&Ccedil;a a caus&eacute; beaucoup d'incertitude, franchement je ne sais pas ce que &ccedil;a va apporter au pays".
L'entrepreneur Antonio Almeida, lui, veut croire que le combat est en train de porter ses fruits.
"Dans certains cas, certaines institutions sont devenues plus s&eacute;rieuses (...) les gens comprennent mieux qu'il ne doivent pas demander d'argent pour traiter nos demandes", se r&eacute;jouit-il, "ils ont pris conscience que le temps de l'impunit&eacute; &eacute;tait r&eacute;volu".

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