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Le "piège tchadien" d'Emmanuel Macron

En soutenant la transition militaire au Tchad au nom de la sécurité du Sahel et par ricochet de l'Europe, le président français Emmanuel Macron se retrouve prisonnier d'enjeux de pouvoir à N'Djamena et d'un vieux parfum de "Françafrique" dont il entendait se départir.

"La France rentre dans une p&eacute;riode difficile parce qu'elle va devoir justifier une position qui est assez injustifiable", estime Roland Marchal, chercheur au Centre de recherches internationales (Ceri) de Sciences Po Paris.
"Il y a eu un coup d'&Eacute;tat, le fils du pr&eacute;sident (d&eacute;funt) se coopte 18 mois de transition avec la promesse de vagues &eacute;lections et la France dit: +bravo, vive la stabilit&eacute; politique!+", explique-t-il &agrave; l'AFP.
Emmanuel Macron a promis vendredi, devant le cercueil d'Idriss D&eacute;by Itno, mort en combattant une r&eacute;bellion dans le nord du Tchad, son soutien &agrave; la junte militaire qui a pris le pouvoir afin de pr&eacute;server la "stabilit&eacute;" du pays, alli&eacute; majeur dans la lutte contre les jihadistes au Sahel.
"La France ne laissera jamais personne remettre en cause la stabilit&eacute; et l'int&eacute;grit&eacute; du Tchad", a-t-il lanc&eacute; tout en appelant le fils d'Idriss D&eacute;by, le g&eacute;n&eacute;ral Mahamat Idriss D&eacute;by, nouvel homme fort du r&eacute;gime, &agrave; promouvoir une "transition d&eacute;mocratique".
Mais &agrave; peine quatre jours plus tard, le pr&eacute;sident fran&ccedil;ais haussait le ton et condamnait "avec la plus grande fermet&eacute; la r&eacute;pression" au Tchad, apr&egrave;s la mort de six personnes - selon les autorit&eacute;s - dans des manifestations interdites par le pouvoir.

- A contrecourant -

"La position fran&ccedil;aise se charge d&rsquo;ambigu&iuml;t&eacute;s, elle est fragilis&eacute;e", pointe Roland Marchal.&nbsp;Elle est aussi, selon lui, &agrave; contrecourant de "l'Afrique du 21e si&egrave;cle" et d'une jeunesse africaine braqu&eacute;e contre les pratiques monarchiques.
Celle-l&agrave; m&ecirc;me &agrave; laquelle Emmanuel Macron s'&eacute;tait adress&eacute; dans son discours de Ouagadougou en novembre 2017, promettant une nouvelle relation entre la France et ses ex-colonies, loin des d&eacute;rives de la "Fran&ccedil;afrique", de son paternalisme et de ses complicit&eacute;s avec des r&eacute;gimes peu fr&eacute;quentables.
Ces d&eacute;clarations sont "contreproductives", rench&eacute;rit Alain Antil, expert de l'Afrique subsaharienne &agrave; l'Institut fran&ccedil;ais des relations internationales (Ifri)."Cela va marquer durablement les esprits et venir confirmer, chez certains en Afrique, les pires caricatures que l'on fait de la France".
Selon les deux chercheurs, la transition d&eacute;mocratique promise par la junte est en outre loin d'&ecirc;tre acquise, tant les &eacute;quilibres entre clans sont complexes et les risques de conflits d'int&eacute;r&ecirc;t nombreux.
La France a pour sa part les yeux riv&eacute;s sur le "verrou strat&eacute;gique" du Tchad, entre une Libye toujours impr&eacute;visible d'o&ugrave; est partie la colonne de rebelles qu'Idriss D&eacute;by &eacute;tait all&eacute; combattre, et le Nigeria, en proie aux jihadistes de Boko Haram.

- "Demandes de d&eacute;mocratie" -

"Le Tchad, c'est un pays qui est au carrefour de beaucoup de menaces.C'est majeur pour la France, majeur pour le Sahel", mart&egrave;le le chef de la diplomatie fran&ccedil;aise Jean-Yves Le Drian."La mort de D&eacute;by change la donne de fa&ccedil;on non n&eacute;gligeable", confirme de son c&ocirc;t&eacute; une source gouvernementale fran&ccedil;aise.
L'arm&eacute;e tchadienne, la plus aguerrie de la r&eacute;gion, apporte un pr&eacute;cieux soutien &agrave; Barkhane - dont le QG est &agrave; N'Djamena - et aux pays voisins du G5 Sahel dans la lutte contre le jihadisme.&nbsp;
Le pr&eacute;sident d&eacute;funt venait d'envoyer 1.200 soldats dans la r&eacute;gion dite des "trois fronti&egrave;res", une des plus vuln&eacute;rables du Sahel, au carrefour du Mali, du Niger et du Burkina Faso.&nbsp;
"Ils ont confirm&eacute; leur engagement au sein de la Minusma (force de l'ONU au Mali) et du G5 Sahel et le bataillon envoy&eacute; dans la zone des trois fronti&egrave;res reste sur place", se f&eacute;licite-t-on d'ailleurs &agrave; Paris.
Mais pour Alain Antil, "la France est prisonni&egrave;re d'une lecture trop unilat&eacute;ralement g&eacute;ostrat&eacute;gique, selon laquelle une instabilit&eacute; du Tchad entra&icirc;nerait m&eacute;caniquement, par sa position g&eacute;ographique, des r&eacute;percussions n&eacute;gatives &agrave; la fois sur l'Afrique centrale et l'Afrique de l'Ouest".
"Depuis l'arriv&eacute;e de D&eacute;by au pouvoir, Paris a justifi&eacute; son soutien sans nuance au r&eacute;gime sur le mode : +c'est D&eacute;by ou le chaos+.Il ne faudrait pas que l'on passe maintenant &agrave; +la junte ou le chaos+", souligne-t-il, en pointant "les demandes de d&eacute;mocratie et de pluralisme des populations".

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