Nouvelle application Africa Radio

Soudan: les combats continuent avant des discussions en Arabie saoudite

Les combats font rage samedi à Khartoum alors que l'armée et les paramilitaires en lutte pour le pouvoir au Soudan doivent discuter en Arabie saoudite d'une nouvelle trêve.

AFRICA RADIO

6 mai 2023 à 11h36 par AFP

Khartoum (AFP)

Comme chaque jour depuis le 15 avril, les habitants de la capitale se sont réveillés dans le vacarme des bombardements. 

Ironie du sort, des témoins rapportent à l'AFP que l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane mène des raids aériens sur le quartier de Ryad --qui tire son nom de la capitale saoudienne-- quelques heures avant le début à Jeddah, autre ville saoudienne, de négociations entre ses représentants et ceux des Forces de soutien rapide (FSR) du général rival Mohamed Hamdane Daglo.

Des combats ont lieu ailleurs dans la capitale, ajoutent-ils.

- Différents médiateurs -

Les Etats-Unis et l'Arabie saoudite, qui semblent désormais à la manoeuvre sur le plan diplomatique, ont parlé de "discussions pré-négociations", exhortant les belligérants à "s'impliquer activement" pour aboutir à un cessez-le-feu.

Les deux camps répètent depuis des jours que leurs émissaires discuteront uniquement "des détails de la trêve" plusieurs fois renouvelée mais jamais respectée.Aucun volet politique n'est prévu dans l'immédiat.

L'armée a confirmé envoyer ses négociateurs à Jeddah et vouloir discuter d'un cessez-le-feu.Les FSR, elles, n'ont pas commenté mais selon des responsables soudanais, elles y seront représentées par des proches du général Daglo et de son très puissant frère Abderrahim, qui passe pour le financier des FSR via ses mines d'or. 

Côté armée, seront présents des haut-gradés connus pour leur hostilité aux FSR, selon ces mêmes sources.

Les Saoudiens sont de grands alliés et bailleurs de fonds des deux camps au Soudan.Et les Etats-Unis ont permis le retour du Soudan dans le concert des nations en levant deux décennies de sanctions en 2020. 

Ces deux pays semblent vouloir prendre le pas sur les initiatives régionales.L'Igad, le bloc d'Afrique de l'est, tente aussi de faire revenir les généraux à la table des négociations par l'entremise du président sud-soudanais Salva Kiir, médiateur historique au Soudan. 

L'Union africaine, elle, a perdu ses leviers de pression quand elle a suspendu le Soudan après le putsch de Burhane et de Daglo en 2021, disent les experts.

Quant à la Ligue arabe, elle doit réunir dimanche les ministres des Affaires étrangères de ses pays membres, profondément divisés sur le Soudan. 

Sur le terrain, les combats qui entrent dans leur quatrième semaine ont fait quelque 700 morts, selon l'ONG ACLED qui recense les victimes de conflits.Et d'après l'ONU, ils ont fait aussi 5.000 blessés, 335.000 déplacés et 115.000 réfugiés.  

Vendredi, ils ont également tué 12 civils à el-Obeid, à 300 km au sud de la capitale, où les affrontements ont récemment repris, selon le syndicat des médecins. 

- Spectre de la faim -

Au-delà des victimes directes, cette nouvelle guerre fait progresser la faim, un fléau qui touchait déjà un tiers des 45 millions de Soudanais.Selon l'ONU, entre 2 et 2,5 millions de personnes supplémentaires pourraient souffrir de malnutrition aiguë d'ici six mois si le conflit se poursuit.

Face à la "catastrophe" dénoncée par les humanitaires, la communauté internationale peine à agir en rangs organisés. 

Le Conseil des droits de l'homme de l'ONU doit tenir une session spéciale le 11 mai pour discuter du sort du pays sorti en 2019 de 30 années de dictature militaro-islamiste pour replonger sous la coupe des militaires avec le putsch de 2021.

Pour les experts, la guerre sera longue tant les deux belligérants semblent avoir les mêmes capacités de combat et être peu enclins à engager des négociations politiques avant de l'avoir emporté sur le terrain.

Au Darfour, dans l'ouest frontalier du Tchad, des civils ont été armés pour participer aux affrontements mêlant militaires, paramilitaires et combattants tribaux ou rebelles, selon l'ONU.

L'ONG Norwegian Refugee Council (NRC) dénombre, du 24 au 28 avril, "au moins 191 morts, des dizaines d'habitations incendiées et des milliers de déplacés" dans cette région ravagée dans les années 2000 par un conflit ayant fait environ 300.000 morts et 2,5 millions de déplacés selon l'ONU.

Dans la ville côtière de Port-Soudan, épargnée par les violences, l'ONU et de plus en plus d'ONG tentent de négocier l'acheminement de cargaisons d'aide vers Khartoum et le Darfour où hôpitaux et stocks humanitaires ont été pillés et bombardés.