Cop 29 : “Il y a des évolutions, mais les enjeux restent assez conséquents”, estime Adama Mariko, secrétaire général du Sommet Finance en commun

Actus. La Cop 29 s’est achevée dimanche 24 novembre en Azerbaïdjan. Durant cette conférence, le financement climatique était au cœur des négociations. Cependant, les accords conclus ont été jugés insuffisants.

Cop 29 : “Il y a des évolutions, mais les enjeux restent assez conséquents”, estime Adama Mariko, secrétaire général du Sommet Finance en commun
Adama Mariko, secrétaire général du Sommet Finance en Commun et directeur adjoint chargé de la mobilisation, des partenariats et de la communication à l’Afd, (Agence française de développement) - Keisha MOUGANI


Écoutez Adama Mariko, ecrétaire général du Sommet Finance en Commun et directeur adjoint chargé de la mobilisation, des partenariats et de la communication à l’Afd, (Agence française de développement)

La Cop 29 s'est achevée le 24 novembre en Azerbaïdjan. Elle a été surnommée “la COP du financement". Les pays développés  se sont engagés  à augmenter de 100 à 300 milliards de dollars par an leur engagement de financement pour les pays en développement. Cependant, ces derniers ont jugé que cela était insuffisant : ils  demandaient un financement à hauteur de 1,300 milliards de dollars. Et vous que retenez-vous de cette COP et est-ce que vous jugez que les annonces faites sont suffisantes ? 


La Cop est toujours un exercice compliqué. C’est un exercice de négociation entre des États et effectivement, les intérêts peuvent être assez divergents. Il faut quand même noter qu’il y a eu des progrès par rapport au volume financier annoncé.

Il y a eu une promesse de passer de 100 à 300 milliards, par an, de financement additionnel, alors que les pays en développement demandaient plutôt 1 300 milliards. Et  c'est quand même l'ampleur des besoins, qui sont colossaux, pour lutter contre le changement climatique et respecter des conditions fixées il y a à peu près 10 ans dans l'Accord de Paris où l’on visait que la planète ne dépasse pas un niveau de température, pour que la condition de vie soit acceptable pour nous tous. 

Les engagements qui sont pris, c'est un triplement quand même des volumes actuels, et  il y a eu, effectivement, une promesse qui est de créer un Fonds pertes et dommages. 

C'est quelque chose qui a été discuté dès la Cop  28,  qui s'est matérialisé au cours de cette année, avec, désormais, une équipe et la nomination d’un Africain à la tête de ce fonds.

L’objectif, c'est aussi de pouvoir dédommager des pays qui subissent de plein fouet les conditions du changement climatique. 


Il y a eu différents acteurs présents à cette Cop et j'aimerais qu'on s'arrête un moment sur les chefs d'État notamment les chefs d'État africains. En marge de cette Cop, le 14 novembre, certains d'entre eux se sont réunis lors d'une réunion intitulée “Mesurer la richesse verte de l'Afrique”. Il  semble y avoir une prise de conscience collective : il y a eu ,en 2023, un Sommet africain pour le climat, il y a eu aussi le Sommet des Trois Bassins au Congo. Est-ce que vous voyez une évolution concernant l'engagement des États africains sur les questions climatiques ? 


Je ne suis pas sûr qu'on puisse parler d'évolution. Ce n’est pas comme s'ils ne se préoccupaient pas avant de la question climatique. En tout cas, les négociations internationales ont toujours impliqué le bloc des pays en développement et des pays riches et les pays africains comme d'autres États. 


Je pense que ce qu'il y a aussi c'est, peut-être, dans la communauté africaine, une prise de conscience qui est plus forte, au-delà des dirigeants. La vulnérabilité au changement climatique, c'est un peu le fléau de l'Afrique depuis pas mal de temps avec les sécheresses, les inondations, la famine. 

L'aspect politique de cette discussion est important et je pense que c'est pour ça aussi que les chefs d'États africains veulent amener ce débat sur le territoire africain, car pendant longtemps ça s'est passé ailleurs. L'initiative du président Ruto de faire le Sommet du climat en 2022 était une initiative très importante qui a remis le marqueur sur des propositions politiques africaines et des solutions africaines.

L'Afrique a contribué à hauteur de 4 % aux émissions de gaz à effet de serre, par contre, elle subit autant, voire plus que  les autres, les conséquences du réchauffement climatique. C’est une forme d'injustice et il y a aussi une forme d'injustice financière. 

Quand bien même il y a une masse financière sur la finance climat qui existe,  avec les centaines de milliards qu'on annonce,  l'Afrique ne capte que très peu de ces montants-là. 

Et justement l'Agence française de développement que vous représentez aujourd'hui finance certains projets pour justement lutter contre les effets du réchauffement climatique et dans un article que vous avez publié en 2023 vous estimez que rien que pour le continent africain il faudrait 2,500  milliards de dollars pour le continent africain. Où est-ce qu'on trouve cette somme ?


Quand les chefs d'État, les négociateurs du bloc des pays en développement disent que les 1 300 milliards ne sont pas atteints et que les 300 milliards par an ne suffisent pas, encore une fois, c'est à l'échelle des besoins. 

Ce que je peux dire, c'est que que ce soit l'Agence française de développement ou les autres banques internationales du financement du développement contribuent, de fait, à l'atteinte de ces volumes. 


L'Agence française de développement est une agence bilatérale qui appartient à la France, qui met des moyens publics pour financer les pays en développement et ce que l'on finance, c'est effectivement l'adaptation au changement climatique, des projets d'éducation, de santé, etc.

Mais l'AFD, ce n'est guère plus que 12 milliards de financement par an, dont la moitié est certifiée comme étant de la finance climat. Une partie seulement de ces 6 milliards est concentrée sur l'Afrique, sinon le reste c'est à travers 106 pays dans le monde. 

La moitié de notre finance climat va à l’Afrique. C’est à peu près entre 3 et 4 milliards d'euros. Certes, il y a une contribution forte, qui permet à la France de respecter son objectif de finance climat et sa contribution dans les 100 milliards qui sont annoncés, mais ça ne suffit pas. 

Le financement pour lutter contre les effets du réchauffement climatique, dans les pays en développement, dépend très majoritairement des  aides extérieures. Mais comment ces pays peuvent être moins dépendants de ces aides ? 


L'aide publique au développement, ce terme-là qui est générique, n'est qu'une infime partie du financement. 

Si je compare juste dans les flux internationaux, les envois des migrants ou de la diaspora dans leur pays d'origine, en tout cas des diasporas africaines vers l'Afrique, sont supérieurs à l'aide publique de développement que reçoit l'Afrique de tout ce qu'on appelle les bailleurs de fonds comme la Banque mondiale, l'AFD, etc. 

Donc l’aide publique au développement est un moyen de financement international destiné à financer la lutte contre la pauvreté, mais aussi l'atténuation du changement climatique, en l'occurrence, et d'autres besoins. 

Donc c'est un moyen d'aider le budget des États à financer leur priorité nationale, mais c'est d'abord le budget des États, et quand on dit le budget des états, c'est là c'est la taxation des citoyens, c'est les entreprises qui travaillent dans le pays,  les impôts collectés etc. 

Donc la première source de financement dans un État, ce sont les moyens de l'État lui-même. 

Donc le complément, c'est parfois les aides publiques au développement, si l'État y  est éligible, sinon ce sont les marchés de capitaux, etc. Tous les pays du monde ont la même problématique, en tout cas sur ce qu'ils peuvent financer sur leur budget. 


En Afrique du Sud, en 2025, près de 400 banques publiques de développement seront réunies lors du Sommet Finance en commun. La thématique de ce sommet sera “Favoriser les infrastructures et la finance pour une croissance juste et durable”. Comment les acteurs locaux, les ONG, etc. seront pris en compte dans les discussions que vous aurez ?

Finance en commun est une initiative partenariale. L'idée, c'est que on ne peut pas tout faire soi-même et c'est une façon de rappeler que les banques publiques de développement sont une communauté qui dépasse celles qui sont visibles, comme la Banque mondiale les autres banques. 

On entend parler de ces acteurs internationaux, mais il faut savoir que ces banques-là ne représentent que 10 % de la communauté des banques publiques dans le monde. 

Il y a des banques publiques que l'on ne connaît pas, qui n'ont pas d'activités internationales mais qui, en fait, sont les outils de financement des politiques publiques de leur pays. 

Et donc Finance en commun, c'est cet axe de partenariat là, qui vient aider les États dans la réussite des engagements qu'ils prennent dans les COP ou au G20. 

L'idée derrière tout ça est de se demander comment accompagner le secteur financier public. 

Il faut voir ça aussi comme une opportunité pour l'Afrique.  Si les banques publiques sont clairement mandatées et bien structurées, elles peuvent contribuer très fortement à la mobilisation des capitaux privés sur le marché international pour financer le développement de leurs économies et rendre de moins en moins dépendants leurs États, qui sont leurs actionnaires, à l'aide publique au développement. Les banques de développement sont sous-utilisées. 

 

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