Vous avez créé ce festival en 2013 pour, je cite:" combler l'important fossé qui caractérisait alors les aspirations du public parisien, et notamment celle de la diaspora, et l'offre proposée par les salles de cinéma parisiennes". Douze ans plus tard, quel bilan on en tire ?
Un bilan de douze ans en deux minutes, ce n'est pas évident, mais c'est sûr qu'il y a eu beaucoup de changements. Beaucoup de choses ont évolué entre 2013 et maintenant. Je vois beaucoup plus d'événements et il y a beaucoup plus de visibilité pour les films afro, sur grand écran, notamment. On est satisfait de ça et en même temps, on continue d'exister parce que je pense que notre mission, elle continue d'être une réalité aussi. Le public cherche à connaître davantage ce qui se passe du côté du continent et au niveau de la diaspora, etc. Donc, je dirais le bilan est plutôt positif.
Durant cette 12ᵉ édition, il y aura des films de différents genres: des comédies, des thrillers, des films d'animation, des drames. Pas de films d'horreur qui est pourtant un genre apprécié au Nigeria, pourquoi ?
Si, il y a un film d'horreur, peut-être que c'est passé entre les mailles du filet, mais il y a un film qui s'appelle The Weekend, qui va passer samedi soir, qui est véritablement un film d'horreur, bien dans la tradition du genre. À voir.
Nollywood est la deuxième industrie cinématographique au monde, avec à peu près 2 500 films produits chaque année. Paradoxalement, jusqu'à récemment, c'était une industrie qui n'était pas forcément ouverte, structurée. Mais qu'est-ce qui a changé depuis ?
Beaucoup de choses ont changé depuis qu'on a même commencé ce festival, mais je pense que de plus en plus, quand même, le cinéma nigérian pénètre un peu différentes ondes et est visible à l'étranger, en dehors du continent africain.
Les plateformes comme Netflix ou Amazon y ont joué un rôle, parce que maintenant, il y a des films de Nollywood qu'on retrouve sur ces plateformes-là.
Et puis, de manière générale, c'est une industrie qui est très jeune, il faut le rappeler. C'est une industrie qui a commencé dans les années 90, donc ce n'est pas si vieux que ça par rapport à Hollywood ou par rapport à Bollywood. Il y a beaucoup moins d'antécédents, j'ai envie de dire. Et en même temps, il y a cette soif d'avancer, il y a cette ambition.
Et j'ai envie de faire un parallèle avec la musique. La musique afrobeats aujourd'hui, elle est partout dans le monde. Je pense que ce n'était pas le cas il y a 10 ans, ce n'était pas le cas il y a 5 ans. Nous, on espère qu'au niveau du cinéma, les écrans vont aussi, à l'échelle internationale, être vraiment convertis au cinéma de Nollywood.
Justement, sur les plateformes de streaming, les productions africaines les plus représentées sont les films et séries nigérians et sud-africains. Qu’est-ce qui explique que seuls ces deux pays africains soient les plus représentés ?
Très bonne question. Et justement, c'est pour ça aussi que c'était important, au niveau du festival, d'ouvrir et de ne pas être que sur le Nigéria. Le Nigéria, c'est la locomotive. J'aime bien dire c'est la locomotive, mais derrière, il y a plusieurs wagons.
Et donc, dans ce train, qu'on espère amener le plus loin possible, on amène toutes sortes de pays. On a cette année des films du Bénin, du Cameroun. On a d'autres pays qui sont représentés, le Kenya également.
On a huit nationalités en tout sur cette édition. Et dans le passé, on a montré des films aussi de la Côte d'Ivoire, d'autres pays. Donc vraiment, l'idée, c'est que Nollywood a un peu montré la voie et maintenant, il faut que les autres rentrent dans cette brèche et se développent. Et c'est en train de se passer. Il y a une vraie émulation qui se passe grâce à ce cinéma décomplexé qu'on appelle Nollywood.
Et nous, avec ce festival, on veut donner la parole à tout le monde pour que le public puisse s'y retrouver.
Le Nigeria fait face à une crise économique qui touche l'industrie du cinéma. De plus en plus de réalisateurs se tournent vers YouTube, notamment, parce que c'est gratuit et ça permet d'être diffusé dans le monde entier. Mais qui y perd et qui y gagne ?
C'est une bonne question aussi. D'ailleurs, on a aussi des panels dans le cadre du festival. Il n'y a pas que des films à voir, parce que comme on fait venir des réalisateurs, des producteurs, on a aussi des échanges avec eux après les projections et en dehors des projections.
Il y a vraiment des panels qui vont permettre de rentrer un peu dans les détails des nouveaux modèles économiques aujourd'hui, parce que c'est vrai que ça change énormément.
Je parlais des plateformes tout à l'heure comme Netflix et Amazon, mais elles ont aussi tendance à changer leur stratégie tous les six mois. Parfois, les films africains sont un peu moins plébiscités et c'est le cas actuellement.
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Du coup, YouTube et d'autres alternatives sont intéressantes pour les producteurs qui ont besoin de monétiser leur contenu. Parce que c'est bien beau de faire le nombre de films dont on a parlé, mais derrière, il faut que ça puisse rapporter de l'argent, que ça puisse créer des emplois et que ça puisse être viable, tout simplement. C'est vrai qu'on est dans une période, actuellement, très particulière, mais pas qu'à Nollywood, également aux États-Unis.
Le modèle des studios est complètement remis en question. C'est une véritable crise. D'ailleurs, si vous regardez les films qui sortent, il y a de plus en plus de remakes.
C'est très peu de contenus originaux, c'est vraiment des films, qu'on a déjà vu. là, il y a Mission Impossible qui va sortir bientôt. On en est à combien de Mission Impossible ?
On est vraiment dans une crise généralisée du contenu. C'est vrai que YouTube, est une piste qui est explorée par de plus en plus de producteurs parce qu'ils cherchent à être de plus en plus proche de leur audience, de leur public.
Après, est-ce que YouTube pourra prendre le relais de Netflix ou autres ? Ce n'est pas évident. Il faut savoir aussi que le système des salles de cinéma est quand même assez robuste au Nigeria.
Ça fait partie de ces pays où il y a une dynamique positive, donc on construit des salles, le public va de plus en plus en salles, etc. Je pense que c'est un tout qui permettra à l'industrie de véritablement pouvoir se relever et de pouvoir continuer sa marche vers l'avant, mais il n'y a pas une solution unique, donc YouTube n'est pas forcément la seule solution.
Nollywood Week Festival
Du 7 au 11 mai 2025
Cinéma l'Arlequin,
76 rue de Rennes, 75006 Paris
Site web : nollywoodweek.com
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