Retour de Joseph Kabila : "Il peut faire changer la dynamique politique et sécuritaire dans le pays", selon le chercheur Bob Kabamba

Actus. L’ancien président congolais Joseph Kabila est sorti du silence. Dans un discours prononcé le 23 mai, il a dénoncé la levée de son immunité parlementaire et attaqué frontalement son successeur, Félix Tshisekedi. Bob Kabamba, enseignant en sciences politiques à l'Université de Liège, l'invité d'Africa Radio ce mercredi 28 mai, revient les enjeux de ce retour dans la vie politique congolaise.

Retour de Joseph Kabila : "Il peut faire changer la dynamique politique et sécuritaire dans le pays", selon le chercheur Bob Kabamba
Joseph Kabila a dirigé la République démocratique du Congo pendant 18 ans. - Flikr

L'ancien président de la République démocratique du Congo, Joseph Kabila, s'est longuement exprimé vendredi 23 mai. Dans un discours d’environ 44 minutes, il est revenu sur la levée de son immunité et a vivement critiqué le président actuel, Félix Tshisekedi. Quel rôle veut se donner Joseph Kabila ?

Il y a plusieurs choses qu’il faut mettre en exergue. Dans un premier temps, Joseph Kabila a essayé de discuter avec les opposants politiques, notamment avec Moïse Katumbi, Martin Fayulu, Franck Diongo et avec d’autres qui sont de l’opposition politique non armée. Et avec ces opposants, l’objectif était d’essayer de créer un front commun.

Mais apparemment, le front n’a pas pu être consolidé puisqu’il n’a pas été en mesure de pouvoir arriver à rassembler cette opposition derrière lui.
Or, quand on remarque l’évolution politique sur le terrain, on se rend bien compte que, du côté de Kinshasa, l’option politique, c’est-à-dire discuter avec les politiciens et le régime de Kinshasa, ne veut pas aller dans ce sens. Par contre, Kinshasa accepte de discuter avec la rébellion.

Quel poids Joseph Kabila peut-il avoir dans la vie politique congolaise ? 

C’est quand même une personnalité qui a dirigé le Congo pendant 18 ans, organisé plusieurs élections et reconstruit l’armée congolaise. Parce que cette armée congolaise a été refaite sous sa présidence.

C’est tout de même un acteur politique qui peut faire changer toute la dynamique, aussi bien politique que sécuritaire dans le pays, puisque la plupart des militaires sont encore ses militaires. Il faut bien se rendre compte qu’en décidant de se rendre à Goma, ça veut dire qu’il va y avoir certainement un changement, non pas politique, mais plutôt vers une approche plus sécuritaire. Ce sera le renforcement de cet axe pour obliger Tshisekedi à devoir discuter avec eux.

Quelle est l'image de Joseph Kabila au sein de la population congolaise ?

Quand il a quitté le pouvoir, tout le monde a eu un coup de soulagement en disant : “Oui, on va avoir maintenant un autre président qui va essayer d'impulser une autre dynamique.”

Mais ce n’est pas une nouvelle dynamique qu’on a vue. Ce qu’on a vu, c’est une mauvaise gouvernance. C’est une situation chaotique. La gestion du pays : dilapidation, détournement de fonds publics pratiquement tous les jours, des actes de corruption.

Tous les opposants sont en exil. Ceux qui ne sont pas en exil sont en prison. On assiste véritablement à une dérive autoritaire de la part de Tshisekedi.

Or, la population, en voyant ça, commence à regretter l’époque de Kabila, où on avait des élections, où il y avait l’opposition qui manifestait et qui existait.

Sa cote de popularité commence à remonter, et il n’est pas étonnant de voir, de temps en temps, des manifestations pour demander à ce que Kabila vienne chercher le “mal” qu’il a mis à la tête du pays.

Joseph Kabila a aussi été accusé de détournement de fonds et de corruption...

Le Congolais n’a pas la mémoire courte. C’est-à-dire qu’il compare ce que Kabila a laissé et comment Kabila a géré, à ce qui est aujourd’hui.

Pour vous donner un exemple, la dette extérieure du pays, qui était pratiquement terminée à la fin du mandat de Kabila, est aujourd’hui de plus de 12 milliards. Et on ne voit pas les investissements qui auraient été faits par rapport à ces 12 milliards.
Il y a toute une série de problèmes que les Congolais vivent aujourd’hui, qu’ils ne vivaient pas à l’époque de Kabila. Et ce n’est qu’à cause de ça que sa cote de popularité augmente, les gens se disent : “Même s’il volait, même s’il emprisonnait, même s’il était contre l’opposition, avec lui, on n’était pas au niveau où on est aujourd’hui”.

Joseph Kabila est ou serait à Goma, de quoi intensifier les accusations de complicité avec le M23. Et c'est aussi un proche de Corneille Nangaa…

Goma est contrôlé par l’AFC/M23 sous la coordination de Corneille Nangaa.
Il y a déjà eu d'autres personnalités qui sont passées à Goma. Il y a eu les évêques, etc. Il y a eu d'autres personnalités politiques aussi qui sont passées à Goma, ça n'a pas suscité autant de problèmes. Pourquoi c’est le cas avec Kabila ?


Parce que, tout simplement, à Kinshasa, ils ont pratiquement peur qu’il puisse y avoir une alliance entre l’AFC/M23 et Kabila, ce qui pourrait faire une force redoutable.
Et si, effectivement, Kabila est à Goma, cela veut dire qu’il pourrait y avoir cette alliance-là, et si cette alliance-là se concrétise, je pense qu’à Kinshasa, ils auront de plus en plus peur que ce soit la fin.

Et vous pensez que cette alliance pourrait avoir un poids considérable?

Cette alliance pourrait avoir plus qu’un poids. Ça pourrait apporter une crédibilité politique nationale. C’est un ancien président qui a eu son assise et qu’il pourrait être rejoint par d’autres personnalités politiques qui peuvent le rejoindre aussi dans la même dynamique.

Par ailleurs aussi, c’est qu’il y a l’armée congolaise qui a été formée et mise en place par Kabila, qui peut aussi se retourner contre Tshisekedi et retrouver l’ancien patron.

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