A l'issue du vote, qui s'est déroulé sans incident majeur, le taux de participation était d'environ 34%, selon l'instance en charge des élections (Isie), un revers pour la classe politique.
Le Premier ministre Youssef Chahed a pris acte de cette abstention, estimant que c'était "un signe négatif, un message fort (...) pour les responsables politiques".
Les résultats de ces premières élections locales depuis la révolution de 2011, étaient attendus dans la nuit.
Un institut de sondage a donné le parti islamiste Ennahdha légèrement en tête (25%) devant le parti présidentiel Nidaa Tounès (22%), loin devant les autres formations.Un responsable de Nidaa Tounès a reconnu que son parti était second, et selon un député d'Ennahdha les premières tendances confirment que son parti était en tête, notamment pour la mairie de Tunis.
"Le pouvoir a beaucoup promis et peu réalisé.Le Tunisien a peu voté", a estimé l'ancien Premier ministre Mehdi Jamaa.
Dans un bureau du centre de Tunis, où les électeurs arrivaient au compte-goutte, Ridha Kouki, 58 ans, s'est déplacé car voter est "un droit mais aussi un devoir"."Même si on n'a pas beaucoup d'espoir, et si les projets sont vides, je viens quand même accomplir mon devoir", a-t-il ajouté.
A Sfax, deuxième ville du pays, une quadragénaire affirme que nombre de ses amies n'étaient pas venues voter."J'ai tenu bon, et insisté pour que mes enfants aillent voter aussi...mais je n'attends rien de ces élections, je fais mon devoir et c'est tout".
La Tunisie est le seul pays touché par les soulèvements du Printemps arabe à continuer de se démocratiser.
Mais sept ans après la révolution, qui avait suscité de nombreux espoirs, beaucoup de Tunisiens se disent déçus en raison d'une situation économique difficile, avec une inflation proche des 8%, et un chômage persistant au-dessus des 15%.Ils rejettent aussi les "arrangements" entre partis, aux premiers rangs desquels l'alliance entre le parti libéral Nidaa Tounès du président Béji Caïd Essebsi et les islamistes d'Ennahdha.
"Ce haut taux d'abstention signifie que les partis sont faibles", souligne l'analyste politique Youssef CHarif."Ces dernières années ils se sont livrés à des combines entre politiciens sans programme d'envergure, et cela n'intéresse pas les citoyens", estime-t-il."C'est la même chose au Liban (qui vote également dimanche, NDLR) , il y a un problème de représentativité politique".
- "historique" -
Les jeunes étaient particulièrement peu nombreux à voter.
"Je suis déjà tombée dans leur piège en 2014, je ne vais pas refaire cette erreur", lançait ainsi Kamilia Mlouki, une diplômée chômeuse de 23 ans venue voter blanc.
Repoussées à quatre reprises, ces municipales constituent les premières élections depuis les législatives et la présidentielle de 2014, alors saluées par la communauté internationale.
Ce scrutin est "historique" pour la Tunisie, a estimé le vice-président du Parlement européen, Fabio Castaldo, chef des observateurs envoyés par l'UE."C'est un pas important pour la stabilité du pays, pour la mise en place complète de la Constitution et pour servir de modèle au monde arabe".
Les 5,3 millions d'électeurs tunisiens inscrits ont voté pour les conseillers des 350 municipalités à la proportionnelle à un tour, parmi 57.000 candidats.Ces conseillers devront ensuite élire les maires d'ici la mi-juin.
Le principal incident a eu lieu dans le bassin minier, où le scrutin a été annulé et reporté dans 24 bureaux de vote de Mdhilla (sud), a indiqué l'Isie, après un boycott en raison d'une confusion entre des bulletins de vote dans cette zone secouée de troubles sociaux récurrents.
Quelque 60.000 policiers et militaires -qui ont déjà voté il y a une semaine par anticipation, pour la première fois de leur histoire-- sont mobilisés: la Tunisie est sous état d'urgence depuis une série d'attentats jihadistes en 2015.
Dans la foulée de la chute du régime de Zine Al Abidine Ben Ali en 2011, les municipalités avaient été dissoutes et remplacées par de simples "délégations spéciales", dont la gestion a été jugée défaillante au fil du temps.
- Décentralisation -
Ces municipales marquent en outre le premier pas tangible de la décentralisation, inscrite dans la Constitution de 2014 et l'une des revendications de la révolution.
Sous la dictature, les municipalités n'avaient que peu de pouvoir de décision, étant soumises au bon vouloir d'une administration centrale souvent clientéliste.
Mais le pays est désormais doté d'un Code des collectivités locales, voté in extremis fin avril, qui en fait pour la première fois des entités administrées librement et fortes d'un début d'autonomie.
Pour des experts, les deux poids lourds de la vie politique, Ennahdha et Nidaa Tounès, qui sont les seuls à avoir présenté des listes dans toutes les municipalités ou presque, pourraient rafler la mise.
Ennahdha a indiqué sa volonté de poursuivre à l'échelon local le consensus forgé avec Nidaa Tounès au plan national.
Ce scrutin sera suivi de législatives et d'une présidentielle en 2019.
Envie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nousEnvie d'afficher votre publicité ?
Contactez-nous
L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.