Toute riche d'une industrie et d'infrastructures inédites sur le continent, l'Afrique du Sud ne s'est jamais remise de la crise financière qui a frappé toute la planète en 2008.
Depuis plus de dix ans, son économie baigne dans un climat désespérément atone, alternant les trimestres de faible progression de son Produit intérieur brut (PIB) avec les récessions techniques, sur fond de chômage de masse (plus de 27%), de monnaie dévaluée et d'endettement croissant.
Les dernières années du règne calamiteux de Jacob Zuma (2009-2018), rythmées par une litanie de scandales de corruption frappant le plus haut sommet de l'Etat, ont été sévèrement sanctionnées par les marchés.
Deux des trois agences de notation ont même rétrogradé l'Afrique du Sud au rang des investissements "spéculatifs".
Depuis qu'il a pris les rênes de l'ANC, le parti au pouvoir, puis du pays il y a un an et demi, le président Ramaphosa a promis d'éradiquer la corruption, de faire revenir les investisseurs étrangers et de créer des emplois.
Jusque-là sans grand résultat, puisque le PIB n'a progressé que de 0,8% l'an dernier et ne devrait guère faire mieux cette année avec 1,2%, selon le Fonds monétaire international (FMI).
- "Résistances politiques" -
"La persistance d'une faible croissance et de forts taux de chômage constituent de véritables défis", a résumé l'agence de notation Moody's.
Tout au long de sa campagne, Cyril Ramaphosa a entendu la déception voire la colère de la population du pays, de plus en plus pauvre et aujourd'hui considéré par la Banque mondiale comme l'un des plus inégalitaires au monde.
Malgré ce bilan, les derniers sondages créditent l'ANC, au pouvoir depuis la chute de l'apartheid il y a un quart de siècle, d'une majorité absolue au Parlement.M. Ramaphosa devrait ainsi conserver son fauteuil de chef de l'Etat.
Devant plus de 50.000 partisans massés dimanche dans un stade de Johannesburg, il a assuré avoir "entendu" les critiques et promis de "créer des emplois".
Son principal rival de l'Alliance démocratique (DA), Mmusi Maimane, a d'ores et déjà exclu tout nettoyage en profondeur d'un ANC, a-t-il dit, "pourri de l'intérieur".
Mais avant même de connaître le score de l'ANC - crédité de 50 à 60% des intentions de vote selon les instituts -, les analystes doutent déjà que Cyril Ramaphosa puisse tenir ses promesses.
"Les marchés ont beaucoup parié sur sa victoire, mais il va être confronté à de fortes résistances politiques au sein-même de son parti, écartelé entre les +bons+ et les +méchants+", prévient Lumkile Mondi, de l'université du Witwatersand à Johannesburg.
Les "méchants" désignent le clan de l'ex-président Zuma, au coeur de scandales financiers pendant son règne.Toujours puissants au sein des instances dirigeantes de l'ANC, leur pouvoir de nuisance reste considérable.
- "Entre le marteau et l'enclume" -
"Toute décision contre ceux qui sont impliqués dans la corruption sera considérée comme un acte politique et limitera la marge de manoeuvre" de Cyril Ramaphosa, ajoute M. Mondi.
"Il n'est pas exagéré de dire que Ramaphosa est pris entre le marteau et l'enclume", insiste Indigo Ellis, de la firme de consultants londonienne Verisk Maplecroft.
"Sa capacité à tenir ses promesses, notamment celle d'investir 100 milliards de dollars en cinq ans, dépend de sa capacité à s'imposer sur le clan des anti-investissements au sein de l'ANC."
De nombreux acteurs économiques étrangers s'inquiètent ainsi de la réforme foncière lancée par Cyril Ramaphosa sous la pression du camp Zuma, qui prévoit d'autoriser les expropriations, sans indemnisation, de terres détenues en majorité par les Blancs au profit de la majorité noire.
A longueur de discours, le chef de l'Etat a promis "des mesures décisives contre la corruption".Il s'est engagé à se débarrasser des ministres, députés et dirigeants de l'ANC qui seraient reconnus coupables de détournement de fonds.
En outre, son plan de sauvetage du géant public de l'électricité Eskom, contraint récemment à des délestages aussi massifs qu'impopulaires, risque de se heurter de front aux syndicats, bien décidés à éviter tout dégraissage dans ses effectifs.
Pas de quoi, donc, rassurer les analystes.
"Les réformes se limiteront au mieux à un jeu de +un pas en avant, un pas en arrière+ qui ne risque pas d'augmenter le potentiel de croissance", a résumé, fataliste, l'économiste Peter Attard Montalto, du cabinet de conseils Intellidex.
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