Ni l'Etat, ni la Mission des Nations unies (Minusca), ni les associations d'aide n'avaient pu accéder à cette zone du sud-est de la Centrafrique, en raison d'une flambée de violences opposant des membres de l'Unité pour la paix en Centrafrique (UPC, groupe armé issu de l'ex-Séléka à majorité musulmane) et des milices antibalaka.
"Depuis mai 2017, nous sommes enclavés ici, c'est comme si on était abandonnés", témoigne le pasteur, Pierre Serakouzou.
Fin avril, Médecins sans frontière (MSF) est parvenu à ouvrir un couloir humanitaire depuis Alindao, qui dispose d'une piste d'atterrissage, jusqu'à Mingala, négociant l'accès auprès des groupes armés présents dans la région.
Le 10 mai, l'ONG effectue sa seconde campagne de vaccination dans le village.
"Nous savions qu'il y avait une poche de population importante qui était coupée du reste du monde et qui n'avait accès à rien.Plus d'école, plus de santé, pas de réseau téléphonique", explique la coordonnatrice de MSF pour la région, Talaré Diabri, à coté de l'église où ses équipes préparent les vaccins et les moustiquaires.
Un père amène dans ses bras une fillette squelettique, aussitôt prise en charge."Malnutrition sévère et paludisme", diagnostique d'une voix inquiète le médecin de l'équipe.
Arrive ensuite une femme et son enfant malade.Elle ignorait qu'elle pouvait aussi faire vacciner ses onze autres enfants."J'ai fait 13 km pour venir mais je vais revenir demain avec eux !", promet-elle.
"Avant, quand les gens tombaient malades, ils mouraient", assure Jessy-Fidèle Walot, chef par intérim du poste de santé de Mingala, pillé à plusieurs reprises depuis 2013, date du renversement du régime de François Bozizé par une rébellion.
Il n'en reste que trois bâtiments délabrés, colonisés par des guêpes et des chauve-souris, ainsi qu'une carcasse d'ambulance.
- "Egorgés" -
Il y a encore deux mois, pour accéder à ce village depuis Alindao, à une centaine de kilomètres, il fallait traverser une vingtaine de barrages tenus par les groupes armés qui ont mis en coupe réglée le pays.A chaque barrière, les passants devaient payer une taxe, entre 500 et 2.000 francs CFA (entre 0,76 euro et 3 euros).
"Mon fils et un de ses amis ont été égorgés en mars 2018, alors qu'ils essayaient de contourner les barrières par la forêt", raconte Patrick, un habitant de Mingala.
Entre Alindao et Pouloubou, l'UPC occupe encore aujourd'hui cinq barrières fixes.Sans compter les patrouilles mobiles, comme ces miliciens descendus de leur pick-up équipé d'une mitrailleuse, qui font les poches d'un groupe de passants.
La piste défoncé traverse ensuite une dizaine de villages détruits en 2017 et 2018 par les pillages et les combats.
Le début de la zone antibalaka est signalé par un fanion d'ossements et de gris-gris, qui pend au dessus d'une barrière levée.Une poignée d'hommes est assise à côté.Leurs fusils artisanaux reposent à quelques mètres, adossés au tronc d'un grand arbre.
Grâce au travail de sensibilisation de MSF, et d'autres acteurs humanitaires comme Action contre la faim et Acted, les 19 barrières tenues par les antibalaka ont été levées - du moins pour les ONG.
L'accalmie consécutive à l'accord de paix trouvé en février entre le gouvernement et 14 groupes armés, a également permis de désenclaver un peu plus le village, où quelques habitants ont depuis peu commencé à réparer leur maisons détruites.
A Mingala, si certains combattants antibalaka déambulent encore avec leur fusil de chasse, des gris-gris dépassant d'un t-shirt poussiéreux, la majorité a rangé les armes.
"On ne veut plus la guerre", proclame un "général" antibalaka autoproclamé, avant de tirer avec force sur une cigarette jaunie par l'humidité.
"Les mentalité sont en train de changer", veut croire le pasteur Serakouzou, qui salue l'arrivée d'un sous-préfet dans le village, depuis la fin mars."On espère maintenant que d'autres ONG vont venir désormais".
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