Famine à Gaza : de l'aide humanitaire tombe du ciel, mais reste malheureusement insuffisante

Actus. Après Tel Aviv, Abou Dhabi, Amman et Le Caire, c’est au tour de Paris et Madrid de larguer, ce vendredi 1er août, 52 tonnes d’aides alimentaires à destination de Gaza. L’opération solidaire divise : jugée symbolique par certains, insuffisante par d’autres. Amin Trouvé Baghdouche, humanitaire pour Dignité International, partage son regard sur cette aide venue du ciel.

Famine à Gaza : de l'aide humanitaire tombe du ciel, mais reste malheureusement insuffisante
Paris et Madrid ont largué 52 tonnes d’aide alimentaire sur Gaza, une opération saluée mais jugée insuffisante par plusieurs humanitaires dont Amin Trouvé Baghdouche. - Flickr

Ce vendredi 1er août, gonflées par l’air chaud du ciel de Gaza, les toiles des parachutes kaki s'enfoncent comme des méduses vers la terre. Quatre avions envoyés par la France ont largué les 10 tonnes d’aides humanitaires que leur soute contenait. Éjectant au total 40 tonnes de denrées vitales auxquelles se sont ajoutées 12 autres tonnes en provenance de Madrid.

Emmanuel Macron, président français, sur X, félicite ses partenaires "jordaniens, émiriens et allemands" pour leur appui ainsi qu'aux militaires tricolores pour cette "opération". Il rappelle que “les largages ne suffisent pas. Il faut qu'Israël ouvre un plein accès humanitaire pour répondre au risque de famine". 

“C’est plus un message politique”

Du côté israélien, le COGAT (Coordination of Government Activities in the Territories) a indiqué sur son compte X que “43 palettes d’aide ont été larguées en coopération avec les Émirats arabes unis, l’Égypte et la Jordanie”. Il affirme continuer à "faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire destinée à la population civile de Gaza".

Dans l’enclave, les décès liés au manque de nourriture augmentent. De plus en plus d'éléments montrent que la famine et la malnutrition généralisées tuent, alerte l’ICP – un baromètre standardisé destiné à améliorer l'analyse de la sécurité alimentaire. Les parachutages permettent de fournir une aide certes, mais elle reste limitée.

Le métier d’humanitaire ne s’improvise pas

Amin Trouvé Baghdouche – directeur des programmes et des opérations mondiales pour l’ONG Dignité International – considère cette action comme "incompréhensible". Rejoint par d'autres humanitaires, il dénonce une récupération politique. 

Le travailleur humanitaire estime que ce type de dispositif constitue "une insulte à la population". Selon les Nations Unies, au moins 500 à 600 camions d’aide sont nécessaires chaque jour pour répondre aux besoins minimaux des quelque 2,2 à 2,4 millions de Gazaouis. Or, les 40 tonnes larguées par Paris correspondent à la cargaison de seulement deux camions, selon Amin Trouvé Baghdouche.

 

 

Cela équivaut “à peu près à 0,4 % de ce qui devrait être distribué au quotidien à Gaza actuellement”, précise l'humanitaire. Envoyer cette aide par les airs est un signe, pour le directeur des opérations que l’aide humanitaire ne parvient pas à rentrer par une autre voie.

L'état de famine est déclaré à Gaza selon des experts

Les autorités sanitaires de Gaza rapportent 154 décès liés à la malnutrition depuis octobre 2023, dont 89 enfants. Selon l'OMS, 63 d’entre eux sont morts sur la seule période de juillet. Le seuil de la famine a été franchi, avertit mercredi 30 juillet le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA).

La famine est déclarée lorsqu’au moins trois critères sont réunis : une consommation alimentaire extrêmement limitée, lormalnutrition aiguë sévère touchant plus de 30 % des enfants, et que plus de deux personnes sur 10 000 meurent chaque jour à cause de la faim. À Gaza, ces seuils sont en passe d’être franchis, voire déjà dépassés selon plusieurs experts comme IPC – Integrated Food Security Phase Classification. 

Des palestiniens se rassemblent pour recevoir de la nourriture à Deir el-Balah dans la bande de Gaza en 2024. Crédit : UNRWA-Wikimedia Commons

“On ne distribue pas tout, n’importe quoi et n’importe comment"

Le métier d’humanitaire ne s’improvise pas. C’est un travail coopératif entre la population locale, les intermédiaires, l’ONG dépêchée sur place et son siège.On ne distribue pas tout, n’importe quoi et n’importe comment. Il y a du lait pour enfants de moins de 5 ans, pour bébés, pour nourrissons. Il y a des nourritures spécifiques qui devraient être distribuées pour les personnes qui sont en situation de famine” insiste Amin Trouvé Baghdouche.

 

 

Le corps est à bout de force et les organes sont fragilisés dans un état de faim extrême. Ingérer un aliment dit “normal” peut entraîner de graves complications, voire la mort. Une nourriture adaptée doit lui être administrée, telle qu’une pâte nutritionnelle thérapeutique. Conçue pour apporter des vitamines, des nutriments, des protéines et des minéraux essentiels, elle a été établie par des experts en nutrition médicale.

Des humanitaires en première ligne

Mais pour que cette aide médicale d’urgence puisse parvenir aux malades, encore faut-il que les conditions de terrain le permettent. Or, dans la bande de Gaza, les travailleurs humanitaires eux-mêmes sont en danger, empêchés d’agir dans des conditions minimales de sécurité. Il faut des gens compétents, c’est-à-dire des gens du métier. (...) des nutritionnistes, (...) des médecins. Et il y en a… on en tue beaucoup actuellement à Gaza”, décrit-il.

Lors d’un point de presse à Genève en décembre 2024, le porte-parole de l'OCHA, Jens Laerke indiquait qu' "au moins 333 travailleurs humanitaires ont été tués  dans la bande de Gaza depuis le début de la guerre en octobre 2023". Parmi eux, beaucoup ont perdu la vie dans l’exercice de leurs fonctions

Amin Trouvé Baghdouche demande à pouvoir exercer librement son travail, martelant la nécessité d’ouvrir les frontières afin de permettre à l’aide stockée aux abords de l’enclave de parvenir à la population.

Peiné, le directeur de Dignité International appuie avec effroi cette métaphore : “c’est comme si on allait au zoo et qu’on jetait comme ça, du pain et que des animaux allaient se jeter dessus. C’est horrible.” Devant la situation des gazaouis, "il faut organiser la distribution" conclut-il, puisque la faim extrême altère les comportements, rendant la répartition de l’aide encore plus complexe. Déterminé, il exige l'ouverture des frontières afin de faire circuler l'aide humanitaire.

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