Quand les Bafana Bafana ont joué cette semaine contre la Côte d'Ivoire lors de la Coupe d'Afrique des Nations en Egypte, ils ont aligné 10 joueurs Noirs et un Blanc.
Un choix de l'entraîneur Stuart Baxter, un Blanc d'origine anglaise, purement dicté par des critères sportifs mais qui reflète la composition démographique du pays où 92% de la population est noire ou métissée.
Chez les Springboks, c'est une toute autre histoire.Le rugby a bien du mal à se débarrasser de son image de sport de Blancs.
Pour changer la donne, des quotas ont été imposés.La moitié des joueurs sélectionnés pour le Mondial au Japon cette année doivent être de couleurs, selon l'accord conclu entre la Fédération sud-africaine de rugby et le gouvernement.
"L'insistance à instaurer des quotas dans le rugby, mais pas dans le football, s'explique par l'interdiction faite aux Noirs de porter les couleurs nationales" dans le rugby pendant le régime raciste de l'apartheid, tombé en 1994, explique le journaliste sportif sud-africain Matshelane Mamabolo.
"Le football en Afrique du Sud n'a pas les mêmes problèmes raciaux (...) car il est depuis longtemps ouvert à toutes les races", ajoute-t-il à l'AFP.
"Contrairement au rugby, un sport qui fut la fierté du gouvernement de l'apartheid et était généralement pratiqué par les Afrikaners (descendants des colons néerlandais), le football a toujours été inclusif", poursuit le journaliste.
A l'apogée de l'apartheid, il y avait bien quatre instances du football national: une pour les quatre races mises en place par le régime (Noirs, Blancs, "Coloured" et Indiens).Mais, dès les années 70, les footballeurs ont défié les lois raciales et commencé à jouer ensemble en première division.
Les responsables sud-africains du football étaient eux moins progressistes, refusant d'aligner des équipes mixtes pour des compétitions internationales.
- Au banc de nations -
Les sanctions n'ont pas tardé.La Fédération internationale du football (Fifa) a interdit, puis réintégré, avant d'exclure de nouveau l'Afrique du Sud en 1976 à la suite du soulèvement des élèves de Soweto, réprimé dans le sang.
La fin du régime de l'apartheid en ligne de mire, les instances sud-africaines du football ont senti le vent tourner.
Elles ont créé une entité multiraciale, l'Association sud-africaine du football, en 1991, un an après la libération de Nelson Mandela, héros de la lutte contre l'apartheid.Et l'équipe nationale a réintégré le concert des nations du ballon rond.
Idem pour le rugby.
Mais en 1992, l'Afrique du Sud a présenté une équipe de Springboks 100% blanche.
Trois ans plus tard pour la Coupe du monde à domicile, Nelson Mandela, premier président noir d'Afrique du Sud, fait sensation en endossant le maillot des Springboks, symbole de la réconciliation.Mais un seul Noir, l'ailier Chester Williams, figurait dans l'équipe sacrée championne du monde.
Depuis, la transformation se fait toujours très lentement.Au Mondial 2007, seuls deux joueurs noirs faisaient partie des Springboks.
En 2018, leur sélectionneur Rassie Erasmus a convoqué sept Noirs pour un test-match contre le pays de Galles mais ils étaient seulement trois à jouer contre la Nouvelle-Zélande.
Début 2018, il a cependant pris une décision audacieuse en nommant pour la première fois un Noir, Siya Kolisi, capitaine du XV national.Un événement.
Le sujet des quotas reste toutefois ultrasensible.Les dix joueurs de football et de rugby contactés par l'AFP ont refusé de s'exprimer."Il s'agit d'un sujet délicat et je ne veux pas me mettre en porte à faux avec mon club", a expliqué l'un d'eux.
L'ancien défenseur sud-africain, blanc, Matthew Booth, lui ose.Il est désormais à la retraite."Le football multiracial était une expérience formidable", témoigne-t-il, "ça m'a ouvert l'esprit de jouer avec des compatriotes d'autres races."
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