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Frappes de drone au Nigeria: HRW appelle l'armée à rendre justice aux victimes civiles

L'ONG Human Rights Watch (HRW) a demandé mardi à l'armée nigériane de reconnaître sa responsabilité dans le bombardement d'un campement dans le centre du Nigeria fin janvier qui a coûté la vie à 39 civils, et d'indemniser les victimes.

AFRICA RADIO

6 juin 2023 à 22h51 par AFP

Le 24 janvier 2023, une frappe aérienne avait touché un campement d'éleveurs dans le district de Doma, dans l'Etat de Nasarawa, tuant 39 civils et en blessant au moins six, selon l'organisation de défense des droits humains dans un rapport d'enquête publié mardi. Le lendemain du drame, le gouverneur de l'Etat de Nasarawa avait confirmé une frappe menée par un drone ayant tué une quarantaine de personnes, mais l'armée - contactée à l'époque par l'AFP et a priori seule capable de mener une telle frappe dans le centre du Nigeria - n'avait pas réagi. L'armée a finalement reconnu avoir mené une frappe aérienne en réponse à des activités "terroristes présumées" sur la base de "renseignements crédibles" sans reconnaître explicitement de fautes, dans une réponse adressée à HRW le 17 mai et jointe au rapport. Contactée mardi par l'AFP, l'armée n'avait pas encore réagi en fin d'après-midi. Les forces de sécurité mènent fréquemment des bombardements dans le nord-ouest et le centre du Nigeria, où elles luttent contre des bandes armées criminelles, appelées localement "bandits", qui attaquent, pillent les villages, tuent ses habitants ou pratiquent des enlèvements contre rançon. "Le retard inacceptable de l'armée à reconnaître que des dizaines de civils ont été tués et blessés ne fait qu'aggraver la tragédie de cette attaque choquante", a déclaré Anietie Ewang, chercheuse sur l'Afrique à HRW. "L'armée nigériane devrait rendre pleinement compte de ses actes ainsi que verser une compensation financière et une aide aux moyens de subsistance à la mesure des besoins des victimes et de leurs familles", a ajouté la chercheuse. - "Le sang de mes amis" - L'ONG demande également au gouvernement fédéral du Nigeria de mener une enquête "urgente" et "impartiale". Washington a aussi appelé mardi à une enquête "approfondie et "transparente" sur la mort de ces civils. Les efforts pour éviter de faire des victimes civiles "sont centraux à notre coopération sécuritaire avec l'armée nigériane", a indiqué Vedant Patel, un porte-parole du département d'Etat américain. L'enquête de HRW se base sur des entretiens menés en mars dernier avec deux survivants et sept membres des familles des victimes. L'ONG dit également avoir examiné et vérifié huit photographies montrant certains des corps et avoir visité une fosse commune où 31 cadavres ont été enterrés. Selon le rapport, les blessés et proches des victimes interrogés veulent "savoir qui est responsable de la frappe aérienne". "Je n'ai besoin de rien d'autre que de justice", dit un homme de 25 ans gravement blessé lors de la frappe, cité dans le rapport et qui affirme avoir perdu dix amis d'enfance. "Le sang de mes amis ne peut pas être versé comme ça". Pour Alhaji Hassan Bello, qui perdu neuf de ses proches, dont trois de ses fils et six frères, "c'est la situation la plus traumatique" de sa vie. "Quand je ferme mes yeux, j'entends leurs voix, et je vois leur corps sans vie", dit-il. Ajoutant: "Quel était notre crime ? Nous n'avons tué personne, nous n'avons rien fait d'illégal, alors pourquoi nos proches ont été tués ? Qui les a tués ? Nous devrions avoir des réponses". Dans le passé, il y a eu plusieurs frappes accidentelles de l'armée sur des civils dans le nord du pays où les militaires combattent des jihadistes et des bandes criminelles. En septembre 2021, une frappe aérienne de l'armée avait touché par erreur un village dans l'Etat de Yobe, tuant au moins neuf civils. L'armée de l'Air avait expliqué que ses aéronefs poursuivaient alors un groupe de jihadistes. Et en janvier 2017, au moins 112 personnes avaient été tuées lorsqu'un avion militaire avait frappé un camp de personnes déplacées par les violences jihadistes dans la ville de Rann près de la frontière avec le Cameroun. Dans un rapport publié six mois plus tard, l'armée avait expliqué cette erreur par un "manque de marquage approprié de la zone".