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Le Kenya rend un dernier hommage à l'ex-président Moi

Des milliers de Kényans ont rendu un dernier hommage mardi à l'ex-président Daniel arap Moi lors de funérailles d'Etat, point d'orgue des cérémonies organisées pour celui qui dirigea le pays d'une main de fer de 1978 à 2002.

Deuxi&egrave;me pr&eacute;sident du Kenya, apr&egrave;s le p&egrave;re de l'ind&eacute;pendance Jomo Kenyatta, il aura durant son r&egrave;gne de 24 ans instaur&eacute; un r&eacute;gime de parti unique (1982) o&ugrave; les voix dissidentes furent m&eacute;thodiquement et brutalement r&eacute;duites au silence.&nbsp;
Reconnaissable &agrave; sa silhouette longiligne et ses yeux bleus d&eacute;lav&eacute;s, l'ex-pr&eacute;sident est d&eacute;c&eacute;d&eacute; le 4 f&eacute;vrier &agrave; Nairobi &agrave; l'&acirc;ge de 95 ans.Il sera inhum&eacute; mercredi dans sa r&eacute;gion natale, &agrave; Kabarak, &agrave; quelque 220 km au nord-ouest de Nairobi.
Sa d&eacute;pouille a &eacute;t&eacute; expos&eacute;e au public pendant trois jours au Parlement.Mardi matin, le cercueil recouvert du drapeau k&eacute;nyan a quitt&eacute; la pr&eacute;sidence de la R&eacute;publique pour rejoindre le stade Nyayo, dans un convoi encadr&eacute; par plusieurs dizaines de militaires en tenue d'apparat.
Le pr&eacute;sident Uhuru Kenyatta - fils de Jomo Kenyatta - qui a ouvert la c&eacute;r&eacute;monie avec l'hymne national devant quelque 30.000 personnes, a salu&eacute; en Moi "un champion du panafricanisme".
Les t&eacute;l&eacute;visions k&eacute;nyanes ont retransmis en direct ces fun&eacute;railles nationales sous les banni&egrave;res "Le dernier salut" pour Citizen TV et "Adieu, 1924-2020" pour la cha&icirc;ne publique KBC.

- Pardonner -

A la mort du p&egrave;re de l'ind&eacute;pendance en 1978, Moi lui avait succ&eacute;d&eacute;.Le long r&egrave;gne de cet instituteur de formation a &eacute;t&eacute; marqu&eacute; par le durcissement d'une r&eacute;pression que maniait d&eacute;j&agrave; son pr&eacute;d&eacute;cesseur.
Plusieurs chefs d'Etat africains ont assist&eacute; &agrave; la c&eacute;r&eacute;monie, parmi lesquels le Rwandais Paul Kagame, le Djiboutien Isma&euml;l Omar Guelleh, l'Ethiopienne Sahle-Work Zewde, le Sud-Soudanais Salva Kiir ou encore l'Ougandais Yoweri Museveni.
Plusieurs de ces personnalit&eacute;s, dont l'ancien pr&eacute;sident tanzanien Benjamin Mkapa, ont &eacute;galement rendu hommage au "grand panafricaniste", notamment pour son r&ocirc;le dans la "revitalisation" de la Communaut&eacute; des Etats d'Afrique de l'Est (EAC - East African Community) et son implication dans les autres organisations r&eacute;gionales telles que le Comesa et l'Igad.
Plus nuanc&eacute;, Raila Odinga, chef historique de l'opposition k&eacute;nyane emprisonn&eacute; au d&eacute;but des ann&eacute;es 1980, a soulign&eacute; l'importance de pardonner et de construire la concorde dans le pays.
"J'ai &eacute;t&eacute; l'une de ses victimes (...) mais il savait pardonner comme je sais aussi pardonner et nous avons fait notre paix, nous nous sommes serr&eacute; la main et nous avons travaill&eacute; ensemble", a-t-il d&eacute;clar&eacute;."Nous nous souvenons des bonnes choses qu'il a faites", a-t-il ajout&eacute;.&nbsp;

- 'Encourag&eacute; le tribalisme &nbsp;-

Dans le collimateur du r&eacute;gime Moi ont figur&eacute; &eacute;lites culturelles, militants des droits humains et d&eacute;fenseurs de l'environnement, comme l'&eacute;crivain Ngugi wa Thiong'o ou la future prix Nobel de la Paix Wangari Maathai.
Daniel arap Moi est toutefois cr&eacute;dit&eacute; d'avoir su maintenir le Kenya au petit nombre des &Eacute;tats d'Afrique de l'Est en paix dans les ann&eacute;es 1990 alors que d'autres sombraient dans le chaos (Rwanda, Burundi, Somalie).
Sa d&eacute;cision de restaurer le multipartisme au d&eacute;but des ann&eacute;es 1990, sous la forte pression du clerg&eacute; et de l'opposition, et la transition pacifique du pouvoir en 2002 au pr&eacute;sident &eacute;lu Mwai Kibaki, ont &eacute;galement &eacute;t&eacute; salu&eacute;es en leur temps.
Sa disparition est diversement appr&eacute;ci&eacute;e dans le pays: si certains se sont mass&eacute;s au stade d&egrave;s l'aube pour t&eacute;moigner leur respect, d'autres se souviennent d'un dirigeant qui a longtemps inspir&eacute; la crainte.
"Le Kenya est ce qu'il est aujourd'hui gr&acirc;ce &agrave; Moi et &agrave; chaque leader apr&egrave;s lui qui a fait avancer le pays", a d&eacute;clar&eacute; Lucy Njeri, une agricultrice venue avec ses enfants de Kiambu, en p&eacute;riph&eacute;rie de Nairobi, pour "assister &agrave; cette page d'histoire".
Le vice-pr&eacute;sident William Ruto, issu du m&ecirc;me groupe ethnique Kalenjin comme Daniel arap Moi et qui affiche ses ambitions pour l'&eacute;lection pr&eacute;sidentielle de 2022, l'a qualifi&eacute; de "p&egrave;re de la Nation".
Mais pour Jared Opiyo, un habitant du grand bidonville de Kibera, dans la capitale k&eacute;nyane, "m&ecirc;me si nous portons le deuil de Moi, n'oublions pas &agrave; quel point il a ab&icirc;m&eacute; le pays"."Le Kenya aurait pu aller beaucoup plus loin s'il avait fait son boulot s&eacute;rieusement.Au lieu de &ccedil;a, il a pill&eacute; l'&eacute;conomie et encourag&eacute; le tribalisme", a-t-il estim&eacute;.
Ironie de l'histoire, c'est &agrave; quelques encablures du stade Nyayo, dans le "parc de la libert&eacute;" du centre de Nairobi, que le 30 d&eacute;cembre 2002, une foule immense assistait &agrave; la passation de pouvoirs entre le pr&eacute;sident Kibaki, tout juste vainqueur de l'&eacute;lection multipartite, et Daniel arap Moi, qui n'&eacute;tait pas candidat.
Tandis que le convoi du pr&eacute;sident sortant arrivait et que ce dernier montait sur l'estrade, la foule, lib&eacute;r&eacute;e de la peur, entonnait &agrave; l'unisson "Yote Yawezekana Bila Moi": "Tout est possible sans Moi".

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