Dans la nuit du jeudi 5 au vendredi 6 juin, jour de l’anniversaire de Faure Gnassingbé, une manifestation a eu lieu à Lomé pour protester contre la hausse du prix de l’électricité, la réforme constitutionnelle, et surtout contre les arrestations de voix critiques, notamment celle du rappeur Aamron. Ce dernier a présenté des excuses et serait actuellement interné dans un hôpital psychiatrique. Aujourd’hui, la tension est-elle redescendue à Lomé ?
Oui, la tension est redescendue. Mais lorsque vous parcourez les échanges sur les réseaux sociaux togolais, vous découvrez qu’il s’agit simplement d’une accalmie qui permet aux jeunes de se préparer de nouveau pour relancer la pression. En effet, ils ont annoncé une nouvelle série de manifestations les 25, 26 et 27 juin.
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Parmi les manifestants, on retrouve majoritairement des jeunes. Peut-on s’attendre à un mouvement de contestation comme au Kenya? Ou bien, compte tenu de l’interdiction de manifester toujours en vigueur au Togo, pensez-vous que le mouvement risque de s’essouffler rapidement ?
Au Togo, il n'y a pas d'interdiction de manifester. La loi a prévu un régime de déclaration, pas un régime d'autorisation. Ce qui se passe, c'est qu'à chaque fois que des organisations ou des associations de la société civile préparent une manifestation, le ministre dit non. À chaque fois, au cas par cas, il refuse pour diverses raisons. De fait, c'est devenu une interdiction de manifester. Pourtant, la loi ne prévoit pas cela. Elle n'autorise pas le ministre à interdire les manifestations.
Ce qui s'est passé la dernière fois, c'est justement le refus des jeunes de se plier à l'interdiction qui avait été communiquée, dans les médias par le gouvernement.
Ce qui va se passer, je ne sais pas si cela ressemblera au cas du Kenya, mais ce qui se passe au Togo, c'est un rouleau compresseur qui ne risque pas de s'arrêter si le gouvernement ne prend pas rapidement des mesures drastiques pour revoir la situation de la liberté d'expression, mais aussi les conditions économiques et sociales dans lesquelles la jeunesse togolaise se trouve.
Lundi 9 juin, le procureur de la République a publié un communiqué dans lequel il parle d'un plan de déstabilisation lancé par des concitoyens dans des pays étrangers, en parlant du mouvement de contestation. Effectivement, les appels à manifester ont été portés par des influenceurs de la diaspora. Mais quelles sont les relations, entre la diaspora et le président du Conseil, Faure Gnassingbé ? Autre question: est-ce que la diaspora a vraiment conscience de tout ce que vivent les Togolais sur place ?
La composition de la diaspora togolaise, elle est très simple. Vous avez, en termes de pourcentage, peut-être 90 % d’exilés politiques et 10 % de population ou de citoyens qui partent pour des raisons économiques, pour des raisons d’études ou pour des raisons de regroupement familial. Donc, la plupart des Togolais de la diaspora, aux États-Unis, en Europe ou en Asie, sont très remontés contre le gouvernement et sont toujours dans une attitude de confrontation. Vous savez que de tout temps, le gouvernement togolais a toujours pris des mesures pour le contrôle politique au sein des diasporas.
Aujourd’hui, si nous parlons de rapports entre le gouvernement, ou en tout cas le président du Conseil, et la diaspora, il faudrait parler du Haut Conseil des Togolais de l’Extérieur, qui est une institution publique mise en place par le ministère des Affaires étrangères.
Dans le cadre de ce Haut Conseil, il y a des échanges qui adviennent entre le président du Conseil, c’est-à-dire l’ex-président de la République et la diaspora.
Mais au-delà de cette institution, vous avez une panoplie d’acteurs moraux et d’acteurs individuels qui se préparent à attaquer le pays. Il y a eu plusieurs tentatives.
Ils ont des relais dans le pays, et il y a aujourd’hui, grâce aux réseaux sociaux, une communication très fluide entre cette diaspora et les populations, ainsi que la société civile restée au Togo, avec la possibilité d’envoi de moyens financiers depuis cette diaspora.
Sur les réseaux sociaux, certains manifestants ont souligné le manque de soutien, d'une part de la population. Est-ce que tous les Togolais se sont sentis touchés, concernés par cette mobilisation ?
Non, en fait, la mobilisation, elle a été beaucoup plus symbolique que bruyante, que massive, que démographique, du point de vue de la démographie de la population mobilisée. Parce que les Togolais ont connu des expériences, ont fait des expériences par le passé...
Comme en 2017 ?
Oui, notamment en 2017. Et après, il y a eu l'interdiction de manifester sur les grâces du COVID-19. Et après, tous ceux qui ont voulu parler de façon singulière ont été soit arrêtés, soit contraints de se taire.
Ça fait que les Togolais, dans leur majorité, ne sont plus aujourd'hui disposés à sortir pour se faire soit battre par la gendarmerie nationale, soit par les forces de l'ordre en général. La plupart des Togolais restent terrés chez eux. Il n'y a qu'une poignée de jeunes qui sont sortis la dernière fois.
Il sera très difficile de mobiliser des citoyens comme cela a été fait en 2017. Aujourd'hui, c'est très difficile.
Les gens sont amenés à se manifester sur les réseaux sociaux parce que c'est un clavier. Ils écrivent, mais dans la pratique, les parents disent à leurs enfants de ne pas sortir. Les maris disent à leurs femmes de ne pas s'impliquer. Et les maris, la plupart des pères de famille, ils se protègent parce que si on te prend, on te dépose en prison, personne n'est là pour te défendre.
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