Dimanche 22 juin, les chefs d'État des pays membres de la Cedeao vont se réunir à Abuja, au Nigeria. À l'approche du sommet, le ministre béninois des Affaires étrangères, Olushégun Bakari, a plaidé pour une réforme en profondeur de l'organisation. Il critique la répartition des institutions régionales et leur impact. Bien qu'il parle au nom du Bénin, le ministre des Affaires étrangères pointe-t-il un problème de fond concernant la Cedeao ?
Oui, je crois que le ministre des Affaires étrangères du Bénin a effectivement estimé que la Cedeao, après 50 ans, avait fait des progrès réels dans un certain nombre de domaines, mais qu’il y avait aussi beaucoup à dire sur le bilan de l'organisation régionale et un besoin de réforme assez profond.
Je crois que tout le monde est d'accord sur le fait qu'il y a des changements qui doivent être opérés, qu'il faut profiter de ces 50 ans pour faire un vrai bilan et se projeter dans les prochaines décennies, avec des éléments à corriger, en tenant compte en particulier des crises survenues ces dernières années, qui ont affecté la crédibilité de l'organisation.
Est-ce que la critique émise par le ministre des Affaires étrangères béninois s’illustre dans un cas particulier ?
Non, je pense avoir entendu qu’il estimait, par exemple, que son pays, le Bénin, n’abritait pas d’institution ou d’agence importante de la Cedeao. Et donc, ce sont effectivement des plaintes qui sont légitimes. Mais bien sûr, la Cedeao est un projet, c’est une dynamique qui s’inscrit dans la durée.
Vous avez des chefs d’État qui se succèdent dans les pays. Vous avez également des présidents de la Commission de la Cedeao qui changent au fil du temps. Donc, ce qu’on peut observer aujourd’hui, que ce soit en termes de déséquilibre régional ou peut-être d’une mauvaise répartition des agences, n’est pas seulement le résultat de dynamiques de court terme, mais celui de décisions prises par la Conférence des chefs d’État au fil des dernières décennies.
La Cedeao est aussi là pour faire la promotion des droits humains et de l'État de droit, mais certains critiquent le fait qu'elle ait été peu réactive face aux derniers événements. On peut penser à ce qui se sont déroulés au Togo, notamment, ou à ce qui se déroule actuellement en Côte d'Ivoire, avec la radiation de certains candidats de la liste électorale. Pourquoi ce silence ?
Il est difficile de rendre compte de toutes les nuances nécessaires lorsqu'on parle de ce que fait l'organisation régionale face aux crises politiques ou sécuritaires dans la région.
Mais je pense qu’un élément important est d’abord de connaître le dispositif existant, notamment le protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance.
Ce texte est, en quelque sorte, celui qui intègre les principes que l'organisation régionale s’est donné à un moment donné, en 2001, pour affirmer : nous faisons le choix de la démocratie, de l’État de droit, du respect des droits humain et nous élevons ces principes au niveau régional.
Autrement dit, ces principes sont en réalité présents dans toutes les constitutions des pays ouest-africains, mais ce que fait la Cedeao, c’est d’en faire des principes de convergence constitutionnelle. Cependant, quand on connaît ce protocole dans le détail, on comprend qu’il ne permet pas nécessairement à la Commission de la Cedeao d’agir dans certains cas.
Il est plus facile d’agir face à un coup d’État militaire, car il constitue une rupture explicite de l’ordre constitutionnel que dans le cas d’un président élu qui décide de modifier la Constitution.
Rien, dans le protocole actuel, ne permet d’empêcher un gouvernement de proposer une nouvelle Constitution, même si celle-ci est ensuite validée par l’Assemblée nationale ou par référendum.
De nombreux observateurs pointent les succès de la Cedeao, comme la libre circulation des personnes, l'harmonisation des droits de douane, mais soulignent aussi les limites suivantes : le manque de cohésion entre les États, le manque de leadership. Et sur ce dernier point, y a-t-il aujourd’hui un pays qui pourrait faire office de leader ?
Il y a deux éléments qui sont déterminants, de mon point de vue, sur l'orientation d'une organisation comme la Cedeao, qui doit incarner l'intégration régionale. Le premier, c'est la configuration politique de la communauté, c'est-à-dire, au fond, l'état des lieux que vous allez avoir entre les différents chefs d'État et de gouvernement en Afrique de l'Ouest, parce que les décisions les plus importantes sont prises à nouveau par la Conférence des chefs d'État et de gouvernement.
Et donc, si vous avez une majorité de leaders qui ne sont pas, par exemple, très intéressés par l'augmentation du bien-être de leur population, évidemment, cela va se refléter dans les décisions qui vont être prises. Vous avez ce premier élément.
Le deuxième élément, c'est que dans toute organisation régionale, vous avez des États membres, certes qui sont égaux, je dirais, en droits, mais en réalité, évidemment, certains pèsent plus que d'autres.
Dans la région, en Afrique de l'Ouest, vous avez une particularité. Il y a un pays, il y a une grande puissance et il y a tous les autres d'une certaine manière. La grande puissance, c'est le Nigeria, sur le plan démographique, sur le plan économique. Donc, ça veut dire que l'impulsion politique, elle doit aussi venir du Nigéria.
Lorsque vous avez un Nigeria qui s'affaiblit à cause de ses propres problèmes internes, sécuritaires ou économiques, vous avez nécessairement un affaiblissement aussi de la communauté, parce que le Nigeria ne joue plus son rôle dans ce cas de leader.
C'est un peu ce qui s'est passé au cours des 20 dernières années. On a un Nigeria qui s'est affaibli et avec cet affaiblissement, on a aussi une Cedeao qui s'est affaiblie.
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