Qui sont les “Mama Na Yo” : les influenceuses congolaises qui font un vrai carton sur TikTok… et qui n’existent pas ? (et pourquoi ça questionne)

Elles font du jet ski, visitent la Lune, prennent l’avion ou font de la trottinette : les « Mama Na Yo » se filment comme de vraies influenceuses dans des vlogs à la première personne. Toujours habillées en tenues traditionnelles africaines aux motifs wax et arborant des coiffures typiques, elles lancent leur gimmick fétiche, « Ah, mama na yo ! »,

@multivers.ai5 Réponse à @𝑻 𝑶 𝑼 𝑵 𝑺 𝑰 🇹🇳_34𝒌 Direction l’espace 🚀🚀😂😂❤️#mamanayo #tiktokfrance🇨🇵 #pourtoii #veo3 #humour ♬ son original - Multivers.AI

immédiatement reconnaissable pour leurs fans.

Le nom lui-même est tiré du lingala, langue parlée en République démocratique du Congo : « Mama na yo » signifie littéralement « Ta mère ». Un clin d'œil à une expression souvent utilisée comme une insulte. Le phénomène cumule déjà des millions de vues sur TikTok.

Une révélation qui intrigue : elles n’existent pas

C’est là que tout bascule. Sous les vidéos, des commentaires récurrents apparaissent :
« Trop triste qu’elles n’existent pas »,
« Si seulement elles étaient vraies »,
« C’est fou comme elles ont l’air réelles ».

Et pour cause : les Mama Na Yo sont entièrement générées par intelligence artificielle. Créées par le compte @multivers.ai, ces deux femmes n’ont jamais existé. Aucun visage humain derrière ces expressions, ces tenues, ces aventures : tout a été pensé, designé et animé par IA.

Leur popularité est telle que leurs vidéos sont désormais réutilisées, remixées et recontextualisées par d’autres créateurs de contenus, souvent avec humour… parfois avec moins d’innocence.

Mama Na Yo : entre autodérision et caricature raciste

Beaucoup saluent le côté feel-good des vidéos « Elles vivent leur meilleure vie », « Les meilleures influenceuses de TikTok », « Je meurs de rire ». 

Mais à mesure que la caricature se renforce, la ligne entre humour et stéréotype devient floue. Dans certaines vidéos, les Mama Na Yo sont représentées comme vénales, obsédées par la dot, amatrices de fast-food de poulet, etc.

L’IA, miroir déformant des clichés sur les communautés

Le compte d’origine, @multivers.ai, ne se limite pas aux Mama Na Yo. Il s’amuse à générer d’autres personnages fondés sur des clichés nationaux et raciaux grossiers : des Chinois mangeant du chien, des Portugais munis d’une pelle, des Juifs entourés d’argent, ou encore des Turcs qui tiennent des kebabs.

Derrière l’esthétique colorée et le second degré assumé, le projet interroge : peut-on rire de tout quand l'humour s’appuie sur des stéréotypes identitaires persistants ? L’IA, ici, devient un outil de diffusion de préjugés, tout en masquant sa responsabilité derrière la "fiction".

Des figures d’IA qui échappent à leurs créateurs

Si les Mama Na Yo ont vu le jour dans un contexte très critiquable, elles ont été réappropriées par la communauté TikTok, notamment afro-descendante, qui s’en est emparée pour les détourner, les humaniser, leur faire dire autre chose.

Elles deviennent parfois des personnages de mini-fictions, des héroïnes absurdes. Les Mama Na Yo ont même été vues tournant en dérision le racisme ordinaire, en imitant des collègues de travail ou des situations de mépris culturel avec une pointe de sarcasme bien placée.

Mais le vernis initial reste visible : des traits forcés, des accents, des mimiques surjouées, qui rappellent que, derrière l’humour, une caricature initialement toxique persiste.

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