Haute couture, traditions africaines et nature : plongée dans les coulisses du dernier défilé d’Imane Ayissi

Actus. Jusqu'au 10 juillet, les maisons de mode présentent leur dernière collection Haute Couture à l'occasion de la Fashion Week. Lundi 7 juillet, sept d'entre elles avaient déjà dévoilé leurs créations, dont celle du couturier camerounais Imane Ayissi, unique représentant d’Afrique subsaharienne à figurer au calendrier officiel de la haute couture parisienne.

Haute couture, traditions africaines et nature : plongée dans les coulisses du dernier défilé d’Imane Ayissi
Lundi 7 juillet, Imane Ayissi a présenté sa dernière collection automne-hiver 2025 "Ikorrok" - Keisha Mougani

Paris, 8ᵉ arrondissement, avenue Marceau, 13h10. C’est à la Maison de l’Artisanat que le styliste Imane Ayissi doit présenter dans une heure sa nouvelle collection automne-hiver 2025-2026. Heureux hasard ou non, juste en face se trouve l’ancien atelier de couture, devenu musée, d’Yves Saint-Laurent, une de ses plus grandes inspirations.

Depuis 2020, il est le seul créateur d’Afrique subsaharienne à figurer au calendrier officiel de la haute couture. S’il a l’habitude des défilés depuis une trentaine d’années, derrière son calme apparent, la pression est toujours présente. “Il y a beaucoup d’énergie aussi, explique-t-il. C’est le show, quoi. Je suis content, et en même temps, je suis très inquiet, parce que tant que la collection n’est pas passée devant tous les journalistes, devant les invités, il y a un petit suspense”, déclare le créateur.

Pendant que les hôtesses, la directrice marketing et l’attaché de presse s’occupent d’accueillir les journalistes et photographes venus capturer l’ambiance des coulisses, Imane Ayissi est dans une des deux pièces qui se trouvent au fond de la salle principale.

Le styliste est silencieux, indifférent aux passages des journalistes et photographes, à l’image des deux collaborateurs se trouvant avec lui, dont Gio, un étudiant en école de mode et stagiaire du créateur. 

C’est la première fois qu’il travaille sur un défilé de haute couture. Quand il n’est pas en train d’aller voir comment les choses se déroulent du côté du maquillage et de la coiffure dans la pièce en face, il s’occupe des retouches. Concentré, comme son patron, il s’occupe de l’ourlet d’un pantalon rouge en soie. 

 "L’ambiance d’un défilé haute couture avec Imane, c’est toujours posé", souligne Jessica, sa directrice artistique depuis cinq ans. Venant de faire irruption dans la pièce, elle lui touche quelque mots qui se trouve debout derrière une table à repasser, face à Gio. 

design_sans_titre_(1)

Il s’attèle au repassage de ses créations, soigneusement disposées sur des portants. Parmi elles, on retrouve ses matières fétiches, le raphia, le kente, l'obom – témoins de son attachement aux textiles africains qu’il s’efforce de sublimer.

Les coupes, elles, rendent hommage aux grandes maisons qu’il admire, comme Dior ou Yves Saint Laurent. Il défroisse justement une robe longue blanche, ornée de fleurs et de papillons. « Une référence à la Bergère d’Yves Saint-Laurent », glisse-t-il avec un sourire.

Broderies, raphia et papillons : la nature comme fil rouge

Pour sa nouvelle collection, le créateur lui a donné le nom d’Ikorrok, qui signifie « jardin délaissé, qui se régénère », en ewondo, la langue natale du créateur camerounais. La nature traverse la collection comme un fil rouge : broderies en perles imitant araignées, scarabées, des accessoires en forme de fleurs… Et derrière l’esthétique, un geste engagé.

Plusieurs pièces ont été fabriquées à partir de chutes de tissus et d’éléments récupérés d’anciennes collections. « On ne fait plus attention à notre environnement. On l’a abîmé avec la pollution. Il faut tout réapprendre », conclut le créateur, sans quitter son fer à repasser des mains.

En face, les mannequins attendent tour à tour d’être maquillées et coiffées. Chacune s’occupe à sa manière : certaines discutent, d’autres sont sur leur portable, comme Françoise Ngoumou, 35 ans, qui vit le tout dernier défilé de sa carrière, pour se consacrer au journalisme et à sa vie de famille.


Françoise Ngoumou

Déjà passée par la case maquillage, elle attend d’être coiffée. « Ensuite, on fait encore des essayages. En général, on les fait avant, mais on peut aussi en refaire juste avant le défilé, pour être sûrs que tout va bien, explique-t-elle. Après, on fait un entraînement pour tester le podium, respecter la chorégraphie, s’il y en a une, et on patiente avant que le défilé ne commence. »

img_6229

Ce dernier doit maintenant commencer dans une quarantaine de minutes. Imane sort de l’ombre pour réunir les mannequins dans le salon principal, les remercier pour leur présence et leur donne les consignes nécessaires pour défiler avec grâce et assurance. Dos droit, épaules légèrement en arrière, démarche gracieuse : le styliste endosse, pour un court instant, le rôle de mannequin et déambule dans les trois pièces que devront traverser les modèles.

“Ici, c'est vraiment freestyle"

Les coups de 14h30 approchant, les mannequins doivent se changer. La répétition devra passer à la trappe. Une situation qui n’affole pas les mannequins, qui ont l’habitude de défiler pour le créateur. “Ici, c’est vraiment freestyle. On ne fait jamais de répétition avant le show. Mais je sais ce qu’il veut. Il nous a montré un peu le chemin avant donc Let’s go”, s’exclame la mannequin Elodie Leune, d’un ton enjoué.

Alors que les mannequins se changent, c’est une autre logistique qui se met en place : Raymond Cole, l’attaché de presse et les hôtesses, s’activent pour accueillir et placer les invités, malgré quelques imprévus. « Il y a toujours des choses de dernière minute, explique-t-il. Il y a des gens qui se plaignent qu’ils n’ont pas reçu leur QR code, etc. »

Petit à petit, les salles jusque-là occupées par les photographes et journalistes se retrouvent remplies de clients et de personnalités comme Mounia, ancienne égérie d’Yves Saint-Laurent, l’actrice Firmine Richard, Rokhaya Diallo ou encore Chantal Ayissi, la sœur du créateur.

Trente minutes après l’heure prévue, le silence s’installe dans les trois pièces lorsque la première mannequin fait son apparition, accompagnée par le chant des oiseaux, en écho à la thématique du jardin.

Durant quinze minutes, les vingt-sept silhouettes vont déambuler sous les yeux des invités attentifs et prêts à dégainer leur téléphone d’un seul geste pour capturer le passage d’une tenue qui a attiré leur regard.

img_6258

Le passage de tous les modèles marque la fin du défilé. Quelques applaudissements se font entendre. À l’apparition d’Imane Ayissi, ils deviennent plus forts, comme un souffle. Réservé, il les accueille avec une émotion visible et un sourire reconnaissant. 

Newsletter

Restez informé ! Recevez des alertes pour être au courant de toutes les dernières actualités.
Réagir à cet article

L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.

En direct
Les rendez-vous santé
Nos applications
Facebook
Twitter
Instagram
Haute couture, traditions africaines et nature : plongée dans les coulisses du dernier défilé d’Imane Ayissi