À Genève, l’Afrique réclame un traité global contre le plastique, face à la prudence des grands producteurs de pétrole

Actus. Le comité intergouvernemental de négociation sur la pollution plastique a commencé, mardi 5 août, la deuxième partie de sa cinquième session à Genève. Présenté comme l’ultime sommet pour réduire la pollution plastique, certains pays, notamment de grands producteurs de pétrole, résistent aux propositions de réduction de la production de plastiques. Qu’en est-il en Afrique ?

À Genève, l’Afrique réclame un traité global contre le plastique, face à la prudence des grands producteurs de pétrole
Sixième session de discussion autour de la réduction de la pollution plastique s'ouvre à Genève en Suisse. - Flickr

Un nouveau sommet de la dernière chance s’ouvre ce mardi 5 août à Genève. Il poursuit le travail amorcé en décembre 2024 lors du comité intergouvernemental de négociation sur la pollution plastique, tenu à Busan, en Corée du Sud. Dirigeants de gouvernements et d’entreprises, membres de la société civile et représentants de l’industrie pétrochimique et des ONG environnementales se réunissent jusqu’au 14 août, pour tenter d’aboutir à la signature d’un accord juridiquement contraignant visant à mettre fin à la crise de la pollution plastique.

Foie, cerveau, testicules, placenta, reins ou encore lait maternel : les microplastiques se retrouvent partout dans l’organisme. Déclenchant un risque toxicologique, ces matériaux véhiculent des substances chimiques capables de provoquer des cancers, des troubles de la fertilité ou encore des troubles neurologiques, selon les synthèses de l’Office parlementaire français de novembre 2024.

La propagation de maladies tropicales telles que le paludisme, le chikungunya liée au plastique

Face à ces effets sanitaires préoccupants, l’objectif du traité contre la pollution plastique est d’englober l’ensemble du cycle de vie de cette matière, de la conception à la production et à l’élimination. Les 179 pays discuteront du texte de l’INC (comité intergouvernemental de négociation), avec 32 projets d’articles scrutés ligne par ligne.

 

Mais les menaces liées à la pollution plastique ne se limitent pas à la toxicité des microplastiques. Des recherches menées par l’Université de Stanford et l’Université technique de Mombasa ont révélé un lien inquiétant entre les déchets plastiques et la propagation de maladies tropicales telles que le paludisme, le chikungunya et la fièvre dengue. L'accumulation des déchets plastiques crée des terrains de reproduction pour les moustiques porteurs de maladies.

Un sommet décisif face à l’urgence plastique

L’impact est aussi économique. L’agriculture, qui emploie la majorité de la main-d’œuvre du continent et contribue à hauteur de 30 à 40 % au PIB de l’Afrique, selon Greenpeace, subit les conséquences de la pollution. Elle nuit à la fois à la sécurité alimentaire, rendant les terres incultivables, et à la sécurité de l’emploi. L’industrie du tourisme est elle aussi impactée. Contribuant à hauteur de 4,4 % au PIB de l’Afrique, elle est affectée par les plages et les paysages pollués, qui rendent ces sites autrefois idylliques peu attrayants pour les visiteurs.

 

 

Si aucun accord international n’est conclu, les déchets plastiques devraient tripler d’ici 2060, causant des dommages importants, notamment pour notre santé, selon le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). Il prévoit une hausse des rejets de plastiques dans l’environnement de 50 % d’ici moins de vingt ans.

Ici, des déchets photographiés en Angola en 2017. //Crédit : Wikimedia Commons

Cette sixième rencontre se concentre sur un désaccord majeur : la réduction de la production de plastique. Des pays producteurs de pétrole comme l’Arabie saoudite, la Russie, l’Iran, mais aussi la Chine et les États-Unis, soutenus par leurs industries nationales, y résistent. Ils affirment que la reconception, le recyclage et la réutilisation peuvent résoudre le problème.

Leur position s’explique en grande partie par la nature même du plastique, qui constitue une prolongation directe de l’industrie pétrolière. Fabriqué à partir de dérivés du pétrole et du gaz naturel, il représente pour ces pays une opportunité stratégique de diversification économique et de création d’emplois, dans un contexte où la demande en énergies fossiles tend à ralentir.

Concilier écologie et économie

Face à cette posture, une majorité de pays africains soutient un accord plus ambitieux. Ils appellent à un traité juridiquement contraignant qui tienne compte de l’ensemble du cycle de vie des plastiques, avec une attention particulière portée à la réduction de la production à la source, au financement de la transition écologique, et au contrôle des importations de déchets.

Certaines nations africaines exportatrices de pétrole adoptent néanmoins une approche plus nuancée. Elles mettent en avant le potentiel de la transition écologique comme levier de croissance durable, d’industrialisation et de création d’emplois. Pour ces pays, la lutte contre la pollution plastique doit s’accompagner de mesures concrètes en faveur de l’innovation, du développement des filières locales de recyclage et d’économie circulaire.

Le Nigeria illustre cette position intermédiaire. Premier producteur de pétrole du continent et générant 4,7 millions de tonnes de déchets plastiques en Afrique de l’Ouest, le pays cherche à concilier gestion des déchets, limitation des importations et préservation de ses intérêts économiques. Comme d’autres, il plaide pour une approche pragmatique, entre ambition environnementale et réalités industrielles.

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