Révision de la Constitution au Bénin : "La voie référendaire était possible", estime l'analyste politique Joël Atayi-Guèdegbé

Actus. Samedi 15 novembre, une révision constitutionnelle a été votée à 90 voix pour et 19 voix contre. Cette réforme introduit deux changements majeurs : la création d'un Sénat et la prolongation de la durée des mandats présidentiel et législatifs, qui passent de cinq à sept ans à compter des prochaines élections prévues en avril 2026. Joël Atayi-Guèdegbé, analyste politique, était l'invité d'Africa Radio ce mercredi 19 novembre.

Révision de la Constitution au Bénin : "La voie référendaire était possible", estime l'analyste politique Joël Atayi-Guèdegbé
L'assemblée nationale du Bénin - Assemblée nationale du Bénin

Samedi, une révision constitutionnelle a été votée au Bénin : 90 voix pour et 19 voix contre. La réforme introduit la création d’un Sénat et prolonge la durée des mandats électifs, qui pourraient passer de cinq à sept ans. Cette révision doit être ensuite validée par le Conseil constitutionnel mais certains s’interrogent sur le timing. Y a-t-il des raisons de s’interroger sur cela, puisque ce projet a été présenté le 31 octobre, soit environ six mois avant la présidentielle ?

Oui, à six mois, ça fait un peu écho au protocole additionnel de la CEDEAO relatif à la gouvernance, à la démocratie et aux élections, qui préconise la non modification des textes essentiels six mois avant les élections et s'il n'y a pas de consensus. Apparemment, les tenants du projet diront qu’avec le chiffre obtenu, le consensus est réalisé, d’autant plus que la défection de certains députés de l’opposition a renforcé la majorité présidentielle, déjà à 81 députés. L’adoption du texte n’a pas été acquise à 88, mais à 90.
Ceux-ci iront jusqu’à leur terme en 2026, comme prévu par la révision de 2019, afin d’aligner les échéances électorales. Cette réforme est, selon ses partisans, motivée par le développement et la stabilité économique et politique.

Était-ce une révision nécessaire ?

Honnêtement, je n’en suis pas convaincu, surtout au rythme où cela a été mené. Oui, on pourrait innover, on pourrait améliorer la gouvernance d’un pays au vu de l’expérience acquise dans la gestion des affaires. Mais, comme vous l’avez dit, on a commencé à en parler en octobre. Le texte a à peine circulé, et pourtant, on a eu cette révision qui est légale, certes, mais la légalité n’a jamais été équivalente à la légitimité. La voie référendaire était possible, mais on connaît également la brutalité des référendums. Rien n’obligeait non plus à passer par là. Et donc, c’est soi-disant au nom de la démocratie représentative que, sauf le respect, les législateurs actuels ont voté cette modification.

L’allongement des mandats interroge, notamment du côté de l’opposition, qui y voit un moyen de renforcer le pouvoir du président et de son parti. Est-ce vraiment le cas ?

Non, je ne dirais pas exactement cela. Je précise que tous les mandats iront au terme prévu en 2026. D’abord pour les élections couplées, communales et législatives, le deuxième dimanche de janvier, et pour la présidentielle, le deuxième dimanche du mois d’avril. Tous les élus remettront donc leur mandat en jeu.

Ce qui était prévu, c’était des mandats de cinq ans alignés, pour n’avoir qu’une seule année électorale. Cette fois-ci, contre toute attente, le mandat a été porté à sept ans pour les institutions élues. J’attends encore de savoir si la Cour constitutionnelle, la Cour suprême ou d'autres institutions verront aussi leurs mandats portés à sept ans. Il n’y a pas de précisions là-dessus. Donc, on peut difficilement faire le procès au président de vouloir prolonger directement son propre mandat.

Maintenant, il serait membre de droit, comme ses anciens collègues, de ce Sénat, tout comme les anciens présidents de l’Assemblée, les anciens présidents de la Cour constitutionnelle, et quelques officiers généraux, afin que l’effectif ne dépasse pas, selon le projet actuel, entre 25 et 30 membres.

Même le leader de l'opposition, l’ancien président Boni Yayi, a été invité à siéger dans ce Sénat. Il a décliné l’offre dès le début.

Justement, lorsque l’annonce de la création potentielle d’un Sénat a été faite, début novembre, Boni Yayi avait réagi. Pour rappel, ce Sénat serait composé d’environ 25 à 30 membres, pourrait examiner certaines lois en seconde lecture, et les personnes qui y siègent doivent avoir moins de 85 ans. Les anciens présidents y siègeraient automatiquement, dont Patrice Talon. Est-ce que cela pourrait permettre à Patrice Talon de continuer à peser dans la vie politique ?

Oui, en effet. Il n’y a pas que les opposants qui le pensent, tout observateur pourrait le relever. Mais on opposerait aussi qu’il ne serait pas le seul ancien président. L’ancien président Nicéphore Soglo, qui approche les 93 ou 94 ans, serait aussi appelé à siéger grâce à une disposition spéciale, qui fait exception à la limite d’âge de 85 ans pour la première mandature. Il ne s’est pas encore prononcé.

Mais ce sont surtout les attributions de ce Sénat qui inquiètent. On parle d’un objectif de « trêve politique », qui bannirait la politique concurrentielle ou compétitive à un an de la remise en jeu des mandats, afin de laisser au président élu le temps de travailler, de développer son programme et de mettre en place ses projets. C’est pour justifier que le mandat ait été porté à sept ans.

Sept ans, cela paraît long, surtout au niveau de la décentralisation, là où la démocratie locale est la plus proche du peuple, sans que les citoyens sachent clairement quand ils pourront à nouveau s’exprimer.

 

 

Newsletter

Restez informé ! Recevez des alertes pour être au courant de toutes les dernières actualités.
Réagir à cet article

L'espace des commentaires est ouvert aux inscrits.
Connectez-vous ou créez un compte pour pouvoir commenter cet article.

En direct
Les rendez-vous santé
Nos applications
Facebook
Twitter
Instagram
Révision de la Constitution au Bénin : "La voie référendaire était possible", estime l'analyste politique Joël Atayi-Guèdegbé