Félix Tshisekedi et Paul Kagame ont ratifié l’accord de paix de Washington. L’accord avait été conclu en juin. Peut-on parler d’une signature essentiellement symbolique ?
On peut dire que la signature de cet accord s’inscrit simplement dans la continuité de la feuille de route signée en juin. Même s’il est appelé “accord de paix”, lorsqu’on le lit, ce n’en est pas réellement un. Le document de juin avait tracé les grandes lignes, énonçant six points sur lesquels le Congo et le Rwanda devaient s’entendre. Ce qui a été signé hier n’est que la poursuite de ce processus.
Ici, précisément, il s’agit du cadre régional économique : la mise en place d’outils permettant aux entreprises américaines d’investir dans les minerais au Congo, avec une orientation claire : les minerais extraits au Congo seront raffinés et valorisés au Rwanda avant d’être mis sur le marché international. Voilà ce qui a été signé.
Donc cette ratification ne marque pas la fin de la guerre à l’est du Congo ?
Non, elle ne marque pas la fin de la guerre. Les États-Unis ont estimé que le conflit était essentiellement économique et lié aux minerais. Ils proposent une réponse économique qui sert leurs intérêts, sans prendre en compte les autres causes du conflit. Par conséquent, la signature ne mettra pas un terme immédiat à la crise.
C’est donc plutôt un accord économique ?
Oui, c’est un accord économique, répondant à des objectifs très clairs pour les États-Unis. La Chine est très présente en Afrique, et en RDC en particulier. Elle contrôle près de 80 % du secteur minier congolais. Dans la compétition mondiale pour le leadership dans la transition énergétique, la Chine a une longueur d’avance. Les États-Unis veulent désormais contrebalancer cette influence en signant ce type d’accord.
Par ailleurs, plusieurs entreprises américaines sont intéressées par les minerais congolais, et cette signature leur ouvre un accès privilégié. Enfin, il faut rappeler que dans le cadre de la candidature de Donald Trump au prix Nobel de la Paix, il s’était engagé à contribuer à la pacification de la région des Grands Lacs. On peut donc dire que cet accord sert trois objectifs stratégiques pour les États-Unis.
Pensez-vous que tous les points de l’accord seront mis en œuvre ? Les deux pays doivent cesser tout soutien aux groupes armés, mais aussi assurer une intégration conditionnelle de certains combattants dans leurs forces de sécurité. Du côté de Felix Tshisekedi, cela a toujours été un point de crispation majeur.
Oui, en effet. L’accord stipule que les deux pays doivent arrêter tout soutien aux groupes armés. Or, sur le terrain, ce n’est pas le cas. Les FDLR, historiquement opposées au Rwanda, restent soutenues par le gouvernement congolais et participent aux combats à ses côtés.
Et du côté rwandais, rien n’indique une volonté de lever ce qu’ils appellent les “mesures de défense”. En réalité, nous sommes toujours au même point. De plus, durant la trêve, les deux parties se sont réarmées et réorganisées – ce qui indique qu’elles se préparent davantage à poursuivre la guerre qu’à faire la paix.
Pour assurer la mise en œuvre de l’accord, il existe un comité de surveillance composé d’un facilitateur de l’Union africaine, du Qatar et des États-Unis. Donald Trump s’est félicité d’avoir réussi là où ses prédécesseurs auraient échoué. Qu’a-t-il fait de réellement différent ?
En réalité, il n’a rien fait de différent. C’est essentiellement de la communication. Sur le fond, aujourd’hui même, alors que nous parlons, les combats ont repris, et ce sont parmi les plus intenses depuis longtemps, notamment dans le Sud-Kivu, vers Uvira. Le M23 progresse sur plusieurs fronts.
Pendant que l’on signe des accords, sur le terrain la situation continue de se détériorer. Les populations sont toujours victimes, et de nouveaux déplacements massifs vers le Burundi ont lieu. Trump n’a donc pas fait mieux que ses prédécesseurs ; cela s’inscrit dans son discours habituel de résolveur de conflits.
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