Interdictions d'écrire, suspensions de publication, arrestations, poursuites en justice.Des journalistes soudanais dénoncent une multiplication des violations de la liberté de la presse par l'Etat sur fond de tensions entre Khartoum et Juba.
Mi-avril, lorsque le président Omar al-Béchir qualifie le gouvernement du Soudan du Sud d'"insecte" qu'il faut éliminer, la chaîne satellitaire arabe Al-Jazeera demande un commentaire à l'éditorialiste politique Faisal Mohammed Salih.
"Ce que j'ai dit, c'est que (...) les dirigeants devraient faire preuve de sagesse dans leurs propos (...) et ne pas être emportés par leurs émotions et dire n'importe quoi".
Mal lui en a pris.Quelques jours plus tard, des officiers des services de sécurité l'arrêtent et l'accusent d'avoir insulté le président, raconte-t-il.Ils lui demandent de revenir à nouveau le lendemain, et les jours suivants.
"Ils m'ont demandé de m'asseoir sur une chaise jusqu'au soir, mais sans me demander quoi que ce soit", affirme-t-il.Après plusieurs jours de ces interrogatoires sans questions, Salih refuse de se présenter, forçant les officiers à l'arrêter.
Ne disposant d'aucune base légale pour le mettre en examen, ils le présentent au juge sur le motif qu'il n'a pas répondu à une convocation, dit-il.
"Je n'ai violé aucune loi" mais je pourrais avoir un mois de prison et une amende si je suis déclaré coupable, indique M. Salih.
"Ils pensent que c'est un crime de critiquer le président", ajoute-t-il, soupçonnant les officiers d'avoir agi sur la base d'instructions données à haut niveau.
"Le harcèlement constant dont est victime le journaliste est une preuve supplémentaire des réflexes liberticides à l'égard de la presse du régime de Khartoum, qui entend mettre sous silence toute voix dissidente", a dénoncé Reporters sans frontières.
"Je pense que c'est la pire situation qu'on vit depuis peut-être dix ans", ajoute M. Salih, parlant de journalistes ayant été interdits d'écrire, de journaux confisqués après impression, et d'autres ayant reçu l'ordre de suspendre leur publication.
Le président est intouchable
Pour des journalistes et défenseurs de la liberté de la presse, le cas de Salih est symptomatique d'un tour de vis du gouvernement depuis l'accession à l'indépendance du Sud en juillet et les tensions qui ont suivi entre Juba et Khartoum.
"La situation est devenue très sensible après les troubles à Heglig", indique Osman Mirghani, rédacteur en chef du quotidien indépendant Al Tayar.
C'est une brève conquête par l'armée sud-soudanaise du plus important puits de pétrole soudanais, celui de Heglig, et une série de bombardements soudanais en territoire sud-soudanais qui avaient mis le feu aux poudres ces dernières semaines.
Après d'intenses pressions diplomatiques, Juba et Khartoum ont finalement repris mardi à Addis Abeba des pourparlers de paix.
Pour Mekki Elmograbi, un responsable du Syndicat des journalistes soudanais, les pressions sur les médias sont "liées à la guerre entre le Nord et le Sud" et sont une réponse du gouvernement à la crise politique et économique à laquelle fait face le pays.
"Quand les gens sont en situation d'échec, ils essaient de trouver des boucs émissaires", dit-il.
"Ils ne sont prêts à entendre aucune critique", ajoute M. Mirghani, qui affirme que les journalistes ont été avertis que le président était "intouchable".
Son journal a été suspendu de publication pendant plus de deux semaines cette année après la parution d'un article sur la famille du président.
Quant à M. Salih, il n'en est pas à ses premiers démêlés avec la justice.Il est déjà en procès pour "diffamation" pour un éditorial écrit l'année dernière dans lequel il appelait à une "enquête sérieuse" après les affirmations d'une militante disant avoir été violée en détention.
Deux journalistes ont été brièvement arrêtées pour des écrits similaires, alors que deux autres sont en procès avec lui.
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