Karim Wade, inculpé mercredi "d'enrichissement illicite" pendant le règne de son père Abdoulaye Wade, président du Sénégal de 2000 à 2012, a passé sa première nuit en prison où il pourrait rester plusieurs mois, une "décision "politique", selon ses partisans qui entendent se mobiliser.
Karim Wade, 44 ans, a rejoint peu avant minuit mercredi la prison de Rebeuss, dans le centre de Dakar, en bordure de mer, sous une forte escorte de policiers et de gendarmes, selon des témoins.
L'ancien "super ministre" venait d'être inculpé "d'enrichissement illicite" par un juge de la commission d'instruction de la Cour de répression de l'enrichissement illicite (CREI), une juridiction spéciale.
Sept personnes ont été inculpées de "complicité d'enrichissement illicite" et également "placées sous mandat de dépôt", selon une source au ministère de la Justice.
Il s'agit de Ibrahim Aboukhalil Bourgi dit Bibo, homme d'affaires sénégalais d'origine libanaise, de Pape Mamadou Pouye et Pierre Agboba, deux responsables de la société aéroportuaire d'assistance au sol, Aviation handling service (AHS Sénégal), du journaliste Omar Diallo dit Cheikh Diallo, ancien conseiller en communication de Karim Wade et responsable d'un quotidien privé local, et d'un ancien responsable d'Aéroports du Sénégal (ADS), Mbaye Ndiaye.
Deux autres personnes, Alioune Samba Diassé et Alioune Konaré, figurent également parmi les "complices" de M. Wade selon la même source.
La loi sénégalaise sur l'enrichissement illicite, stipule que la Commission d'instruction de la CREI "procède à l'instruction du dossier, qui ne peut excéder six mois".En théorie, Karim Wade peut rester incarcéré tout au long de l'instruction.
A l'issue de celle-ci, la Commission rend un arrêt de non-lieu ou de renvoi devant la CREI, cour spéciale créée en 1981 par l'ancien président Abdou Diouf (1980-2000), restée en sommeil pendant plusieurs années et réactivée par Macky Sall qui a succédé en mars 2012 à Abdoulaye, resté au pouvoir douze ans.
"Décision politique"
"C'est malheureux qu'une décision de justice de cette nature soit traitée au niveau politique", a affirmé Babacar Gaye, porte-parole du Parti démocratique sénégalais (PDS), parti de l'ex-président Wade
Pour une députée du PDS, Fatou Thiam, le pouvoir "s'acharne sur Karim Wade parce qu'il est un concurrent potentiel de Macky Sall" à la présidentielle de 2017.Mais "le PDS est un parti indestructible" et "nous sommes déterminés" à faire face, a promis Youssou Diallo, autre responsable de ce parti.
Le PDS dénonce, depuis le début des enquêtes sur l'enrichissement illicite lancées après l'arrivée de M. Sall au pouvoir, une "chasse aux sorcières".
Il a prévu d'organiser une "marche nationale" à Dakar mardi pour soutenir Karim, qui de 2002 à 2012, a été conseiller spécial de son père, puis "super ministre" détenant plusieurs portefeuilles clés dont la Coopération internationale, l'énergie et les Infrastructures.
Surnommé "ministre du ciel et de la terre", le fils de l'ex-président Wade, qui voyait en lui son successeur naturel en dépit de son impopularité, avait été interpellé lundi à Dakar par les gendarmes et placé en garde à vue.
Quelques heures auparavant, ses avocats avaient remis au parquet de la CREI des justificatifs d'un patrimoine évalué par cette cour à plus d'un milliard d'euros.
Karim Wade avait été mis en demeure le 15 mars, après une audition par la CREI, de justifier dans un délai d'un mois ses avoirs qui proviendraient de sociétés dont l'ancien ministre serait le "propriétaire" ainsi que de "voitures", de "propriétés immobilières" et de comptes bancaires.
Le procureur de la CREI, Alioune Ndao, a indiqué avoir ordonné son arrestation et sa garde à vue, n'ayant pas été "convaincu de la pertinence" de ses réponses sur l'origine de son patrimoine.
Son adjoint avait ajouté que l'enquête avait permis de mettre à jour une "véritable ingénierie financière frauduleuse" mise en place par Karim Wade, interdit depuis novembre 2012 de sortie du territoire sénégalais avec six autres anciens dignitaires.
Il est aussi visé par une enquête en France à la suite d'une plainte de l'Etat du Sénégal pour recel de détournement de fonds publics, recel d'abus de biens sociaux et corruption.
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