« L’église ne peut plus continuer à nier, l’amour charnel existe entre des prêtres et des femmes » (Théologien)

La CENCO a demandé aux prêtres ayant des enfants d'abandonner la soutane et d'aller s'occuper de ces derniers. Qu’est-ce qui a pu provoquer cet appel alors que l'église catholique a jusque-là fermé les yeux sur une pratique qui était devenue quasi-normale ?

Il faut dire que c’est une réalité, pas seulement en République démocratique du Congo mais également dans d'autres pays au sud du Sahara. Ça me rappelle au Cameroun, à l’époque de l’archevêque Monseigneur André Wouking. Quand il était archevêque de Yaoundé, il avait également dit à ses prêtres: ''Si vous voulez demeurer des prêtres, restez au presbytère et laissez les femmes et les enfants au quartier. ». C’était moins grave par rapport à ce qui se passe en RDC. Mais c’était une décision très difficile et qui n’a presque pas été appliquée dans l’archidiocèse de Yaoundé…

Et qui avait été même très impopulaire au sein de l’église catholique. …..

Tout à fait. Une décision très impopulaire au niveau de l’église catholique, dans l’archidiocèse de Yaoundé, il faut préciser.

D’après vous, comment expliquer ce comportement de certains prêtres qui choisissent de rompre leurs engagements de chasteté et de faire des enfants ?

Les prêtres sont des êtres humains. Ils regardent ce qui se passe dans les autres églises, notamment protestantes où les pasteurs peuvent librement avoir femme et enfants. Nous par exemple qui sommes théologiens, sommes mariés. Nous avons une formation théologique et philosophique, pratiquement la formation de prêtre. Nous avons décidé de ne pas être prêtre, de vivre, de se marier normalement, d’avoir une femme et des enfants. Et là, c’est un choix honnête. Mais beaucoup de prêtres ont choisi de rester hypocrites, de sortir du séminaire, de prendre une femme dans la clandestinité, ce qui n’est pas bien.

Parce qu’en réalité, il faut être honnête, le prêtre doit normalement respecter les engagements qu'il a pris notamment de vivre dans la chasteté, dans l'obéissance de son évêque. Ce que je pense sur cette question c’est que l'église catholique en Afrique devrait pouvoir bénéficier du même statut que l'église catholique de l'Orient où à la fin du séminaire, on permet aux séminaristes qui veulent librement rester prêtres célibataires jusqu’au bout, de l’être et à ceux qui veulent se marier de se marier.

Qu’en est-il de l’Europe ?

Malheureusement, en Europe comme en Amérique Latine comme en Afrique, c’est la même situation. C’est-à-dire qu’on n’a pas permis aux prêtres d’avoir un statut autre que de respecter le célibat. Ce qui donne lieu à beaucoup d’hypocrisie à tout ce que l'on peut apercevoir, percevoir et qui suscite des interrogations au sein de la société.

Pour vous, le problème du célibat des prêtres se pose encore plus fortement à travers cet appel ?

Oui, absolument. La question du célibat des prêtres est au cœur de cette difficulté pour les prêtres dans le monde, en Afrique, en Amérique latine, en Europe. C'est un gros problème qui débouche sur le fait que finalement les prêtres sont contraints quand ils veulent vivre leur amour. Je ne parle pas de l'amour du prochain tout simplement, mais de l’amour charnel. C’est une réalité que l’église ne peut pas continuer à nier. L’amour charnel existe entre des prêtres et des femmes. Je pense personnellement que si ce débat avait pu avoir un écho plus grand au niveau de Rome, cela aurait diminué la question de la pédophilie des prêtres.

 

 

Au Cameroun, avez-vous des chiffres sur le nombre de prêtres qui sont mariés ?

Je ne peux pas vous donner des statistiques officielles, mais nous savons que dans certains diocèses au Cameroun et en particulier dans l'archidiocèse de Yaoundé et dans l'archidiocèse de Bertoua, beaucoup de prêtres vivent maritalement. Ils ont des enfants. Je peux vous le dire parce que je le sais. La situation n'a pas la même ampleur dans d’autres archidiocèses du Cameroun.

Et sur la situation en RDC, pensez-vous qu’il y a des chances que des prêtres qui se trouvent dans la situation de pères de famille ou d’époux acceptent de démissionner ou faut-il s'attendre à ce que beaucoup d'entre eux soient plutôt renvoyés ?

Je pense que des prêtres qui sont raisonnables et sincères dans leur foi pourraient répondre à cet appel de manière valable. Mais il se trouve que les prêtres comme les laïcs ont peur du ‘’qu'en-dira-t-on’’, parce que la situation sera dès lors connue de tous, qu’il a une femme, des enfants et qu’il a décidé de se retirer. Mais moi je préfère des prêtres honnêtes qui répondent à cet appel de façon valable et décident librement en toute confiance de quitter l’église parce qu’ils se retrouvent dans une situation qui n’est pas convenable par rapport à leur statut.

La CENCO a précisé que son appel n'a aucun lien avec l'annonce de l'arrivée en juillet prochain en RDC du pape François. Mais pensez-vous qu’à cette occasion, une annonce majeure concernant cette question du célibat des prêtres pourrait être faite ?

Je ne sais pas. Ce que je sais c'est que tous les papes qui se sont succédé jusqu'aujourd'hui sont très préoccupés par la question du célibat des prêtres. Les deux précédents papes (Jean-Paul II et Benoît XVI) ont été très intransigeants sur la question. Il n’y avait pas de débat à ce sujet. Je pense qu’il y a un espoir avec le pape François que des questions qui fâchent au sein de l'église aujourd'hui soient véritablement débattues.