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Sur l'île de Tuti, reliée à Khartoum par un unique pont, les habitants remplissent des sacs de sable et de cailloux, frêles barrages face à l'impétueux Nil dont le niveau n'a jamais été aussi haut.

Ce fleuve nourricier peut devenir source de malheurs au Soudan lorsque les pluies torrentielles qui s'abattent durant l'&eacute;t&eacute; l'ont tant gonfl&eacute; qu'il sort de son lit, inondant les terres et ravageant les habitations.
"Il y a trois jours, l'eau a envahi ma maison vers minuit.Nous en avions jusqu'aux genoux.Mon mari et moi, avec nos cinq enfants, nous sommes enfuis vers le centre o&ugrave; nous nous trouvons actuellement, en emportant &agrave; la main quelques affaires", explique Swakin Ahmad, v&ecirc;tue d'un voile rouge.
Cette &icirc;le n'en est pas &agrave; sa premi&egrave;re inondation mais cette fois, c'est pire."Ces derni&egrave;res ann&eacute;es, il m'est arriv&eacute; de quitter ma maison durant deux mois pour habiter chez des amis.Cette ann&eacute;e, impossible, l'eau s'&eacute;tait infiltr&eacute;e chez eux aussi", ajoute cette m&egrave;re de famille.&nbsp;
Selon le dernier bilan de la d&eacute;fense civile, sur l'ensemble du pays, les crues ont caus&eacute; la mort de 94 personnes, en ont bless&eacute; 46, et plus de 60.000 maisons ont &eacute;t&eacute; d&eacute;truites ou endommag&eacute;es.
Le niveau du Nil a atteint 17,57 m&egrave;tres, selon le minist&egrave;re de l'Eau de l'Irrigation, un record absolu depuis plus de cent ans, date du d&eacute;but des relev&eacute;s sur le fleuve.&nbsp;
Les autorit&eacute;s de l'Etat de Khartoum ont d&eacute;clar&eacute; l'&eacute;tat d'urgence.Mais le pire est &agrave; venir dans les prochaines semaines car des fortes pluies sont attendues jusqu'&agrave; fin septembre en Ethiopie et au Soudan, selon le minist&egrave;re.
"Mercredi, des jeunes gens ont tent&eacute; de sortir des affaires de ma maison.En vain car ils avaient de l'eau jusqu'au cou et ne voyaient rien", raconte Swakin.

- Les corps contre le Nil -

Dans la rue, trois barrages improvis&eacute;s par les habitants ces derni&egrave;res semaines ont &eacute;t&eacute; engloutis et quelques sacs d&eacute;passent, comme des s&eacute;maphores en perdition.
Iqbal Mohamed Abbas, qui a accueilli des d&eacute;plac&eacute;s dans son centre &eacute;ducatif mont&eacute; par l'Association des amis des enfants et des familles, d&eacute;crit le "tsunami" qui s'est d&eacute;vers&eacute; sur l'&icirc;le et "le courage avec lequel des jeunes gens ont tent&eacute; avec leurs maigres moyens de ralentir l'inondation".
"Je me suis rappel&eacute; de l'air que chantaient nos grands parents: 'je suis fier de ces jeunes qui sont venus pour tenter de stopper le Nil avec leur corps'", cite-t-elle.
Mais cette fois cela risque d'&ecirc;tre bien plus grave.&nbsp;Selon les mesures relev&eacute;es par le minist&egrave;re, la crue de cette ann&eacute;e devrait &ecirc;tre plus importante que les pr&eacute;c&eacute;dentes, surtout celle de 1998 qui avait d&eacute;truit des dizaines de milliers de maisons dans plusieurs Etats et d&eacute;plac&eacute; plus d'un million de personnes.

- "Cr&egrave;ve-coeur" -

Tandis que les habitants s'activent sur l'&icirc;le de Tuti, un haut grad&eacute; de l'arm&eacute;e arrive sur les lieux.&nbsp;
"J'ai vu leurs yeux rougis par le manque de sommeil pour faire front contre l'eau.Je viens les aider.Nous avons fait venir 90 camions de sable et de la nourriture.C'est notre devoir", assure le g&eacute;n&eacute;ral Hicham Kamal.
Des propos relativement nouveaux dans la bouche d'un militaire mais plus courants depuis la chute il y a un an de l'autocrate Omar el-B&eacute;chir, un ex-g&eacute;n&eacute;ral arriv&eacute; au pouvoir en 1989 apr&egrave;s un coup d'Etat.
Sur l'&icirc;le qui a v&eacute;cu en quasi autarcie jusqu'&agrave; la construction du pont en 2008, pour la relier &agrave; la capitale, il n'a pas &eacute;t&eacute; facile de convaincre les habitants de quitter leur maison, explique la psychologue Enshirah Sharaf.
"Ils voulaient que j'arr&ecirc;te l'eau pour pouvoir rester chez eux.Mais il n'y avait rien &agrave; faire.L'eau rentrait partout", affirme-t-elle.
"Je devais les convaincre de partir.C'&eacute;tait un cr&egrave;ve-coeur, ils sont visc&eacute;ralement attach&eacute;s &agrave; leur &icirc;le et m&ecirc;me &agrave; leur maison.Je leur ai dit qu'il &eacute;tait possible de les reconstruire mais que nous ne pourrions pas faire revivre les &acirc;mes qui s'envolent lorsque que les gens se noient", conclut-elle.

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