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Rugby: les "héros" Springboks de retour dans une Afrique du Sud en crise

Des milliers de personnes ont fêté mardi le retour en Afrique du Sud de "leurs" Springboks, vainqueurs de la Coupe du monde de rugby, dans une ambiance de carnaval inédite dans un pays en crise, un quart de siècle après la chute de l'apartheid.

Erig&eacute;s en "h&eacute;ros" depuis leur triomphe samedi (32-12) contre l'Angleterre en finale de l'&eacute;dition japonaise du tournoi mondial, les premiers joueurs du XV sud-africain ont d&eacute;barqu&eacute; dans l'apr&egrave;s-midi &agrave; l'a&eacute;roport de Johannesburg.
D&egrave;s leur apparition dans la grande salle des arriv&eacute;es, le troisi&egrave;me ligne Pieter-Steph du Toit, fra&icirc;chement sacr&eacute; meilleur joueur de l'ann&eacute;e, et le demi de m&ecirc;l&eacute;e Faf de Klerk ont &eacute;t&eacute; accueillis par un concert de chants et de danses.
"Je suis venue parce que les Springboks sont la fiert&eacute; de notre nation", a lanc&eacute; Rosharon Morgan, une technicienne blanche de 34 ans venue en voisine avec sa ni&egrave;ce de 3 ans.
Prot&eacute;g&eacute;e par un important service d'ordre, l'avant-garde de l'&eacute;quipe nationale devait &ecirc;tre suivie plus tard dans l'apr&egrave;s-midi du s&eacute;lectionneur Rassie Erasmus et du capitaine noir des "Boks" Siya Kolisi, attendus de pied ferme par la foule.
Sit&ocirc;t rassembl&eacute;s, les Springboks doivent entamer jeudi une s&eacute;rie de parades populaires &agrave; Pretoria, Johannesburg, Soweto, Durban, East London, Port-Elizabeth puis au Cap lundi prochain.
Apr&egrave;s ceux de 1995 et 2007, ce troisi&egrave;me titre mondial ne pouvait pas mieux tomber dans une Afrique du Sud en proie aux difficult&eacute;s, &agrave; la d&eacute;prime et au doute vingt-cinq ans apr&egrave;s l'av&egrave;nement tant attendu de la d&eacute;mocratie.
- 'Unit&eacute; dans la diversit&eacute;' -

Un an apr&egrave;s son &eacute;lection, l'apparition lors de la finale 1995 du premier pr&eacute;sident noir du pays Nelson Mandela rev&ecirc;tu de la tunique verte de l'&eacute;quipe nationale d'un rugby longtemps r&eacute;serv&eacute; aux Blancs avait fait souffler un vent d'espoir.
Il est aujourd'hui largement retomb&eacute;.L'&eacute;conomie stagne, le ch&ocirc;mage fr&ocirc;le les 30%, la pauvret&eacute; persiste et les in&eacute;galit&eacute;s se creusent, au point de faire de la premi&egrave;re puissance industrielle du continent africain, dixit la Banque mondiale, le champion plan&eacute;taire des in&eacute;galit&eacute;s, sociales comme raciales.
De plus en plus contest&eacute;, le gouvernement noir n'a pas manqu&eacute; de se saisir du triomphe de ses rugbymen - contre tous les pronostics - sur ceux de l'ex-puissance coloniale.
"A l'heure o&ugrave; l'Afrique du Sud vit des d&eacute;fis consid&eacute;rables, nous nous sommes tous retrouv&eacute;s autour de cette victoire au Japon", s'est r&eacute;joui lundi le pr&eacute;sident Cyril Ramaphosa.
"Samedi fut un jour de triomphe en ce qu'il a confirm&eacute; que nous sommes bien une nation, d&eacute;termin&eacute;e &agrave; puiser son unit&eacute; dans sa diversit&eacute;", a poursuivi le chef de l'Etat.
Dans un pays toujours malade de ses relations raciales, le capitaine Siya Kolisi a &eacute;t&eacute; statufi&eacute; depuis samedi en nouveau symbole de cette "nation arc-en-ciel" r&ecirc;v&eacute;e, mais jamais concr&eacute;tis&eacute;e, par Nelson Mandela.
- 'H&eacute;ritage de Mandela' -

N&eacute; dans un township pauvre de la banlieue de Port-Elizabeth, le troisi&egrave;me ligne &acirc;g&eacute; de 28 ans est devenu le premier joueur noir &agrave; diriger une &eacute;quipe qui les a d&eacute;lib&eacute;r&eacute;ment interdits dans ses rangs pendant quatre-vingt-dix ans.
"Voil&agrave; l'h&eacute;ritage de Nelson Mandela, c'est ce qu'il aurait voulu", s'est enthousiasm&eacute; mardi Moemedi Mashiolane, un agent de s&eacute;curit&eacute; noir de 45 ans venu se joindre &agrave; la foule pour acclamer ses champions &agrave; l'a&eacute;roport.
"L&agrave; d'o&ugrave; je viens, le rugby &eacute;tait un sport jou&eacute; par les Blancs mais aujourd'hui il nous unit", a-t-il ajout&eacute;, &eacute;mu, "je veux que les Blancs sachent que nous voulons faire nous aussi partie du monde du rugby et qu'ils nous laissent y jouer".
Car derri&egrave;re la ferveur suscit&eacute;e par ce titre mondial, la r&eacute;alit&eacute; raciale du rugby sud-africain est rest&eacute;e plus contrast&eacute;e.
Lors de leur premier titre mondial, les Springboks n'accueillaient encore qu'un seul joueur noir.Il a fallu une politique r&eacute;cente et tr&egrave;s controvers&eacute;e de quotas pour qu'ils soient six - pas m&ecirc;me la moiti&eacute; - &agrave; commencer la finale contre l'Angleterre.
Et juste avant la Coupe du monde, un des vainqueurs de Yokohama, le Blanc Eben Etzebeth, a &eacute;t&eacute; accus&eacute; de propos racistes dont il devra r&eacute;pondre devant la justice.
"Il existe encore de nombreux probl&egrave;mes &agrave; r&eacute;gler dans ce pays, comme les in&eacute;galit&eacute;s raciales et &eacute;conomiques", a conc&eacute;d&eacute; Rosharon Morgan au milieu des cris de joie des supporteurs."Aujourd'hui c'est l'euphorie, il faut maintenant r&eacute;ussir &agrave; la transformer en changements concrets".

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