Soudan: les FSR annoncent l'évacuation de l'ambassade américaine, les combats se poursuivent
Les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) au Soudan ont annoncé dimanche l'évacuation de l'ambassade américaine à Khartoum, où les violents combats sont entrés dans leur deuxième semaine.
23 avril 2023 à 4h36 par AFP
Les FSR, qui se battent contre l'armée régulière, ont affirmé dans un tweet avoir "coordonné" avec les Etats-Unis l'évacuation des diplomates américains et de leurs familles à bord de six avions dimanche matin.
Une version en arabe du tweet des FSR a indiqué que l'évacuation a déjà eu lieu, tandis qu'une version en anglais n'est pas claire à ce sujet.Le gouvernement américain n'a pas réagi dans l'immédiat, mais selon le Washington Post et la chaîne CNN, qui citent des sources gouvernementales, l'évacuation est terminée.
Après une relative accalmie la nuit précédente, les combats ont repris samedi à Khartoum, privée en grande partie d'électricité et d'eau courante.De fortes explosions ont secoué la capitale dans la journée et des échanges de tirs ont été entendus dans différents quartiers, selon des témoignages rapportés à l'AFP.
L'Arabie saoudite a annoncé samedi la première grande opération d'évacuation depuis le début des combats.Plus de 150 personnes, dont des diplomates et des responsables étrangers sont arrivés à Jeddah, selon les Affaires étrangères saoudiennes.
L'évacuation a été effectuée par les forces navales du royaume avec le soutien d'autres branches de l'armée, a indiqué le ministère saoudien dans un communiqué, annonçant "l'arrivée en toute sécurité" de 91 citoyens saoudiens et environ 66 ressortissants de 12 autres pays.
Il s'agit notamment du Koweït, du Qatar, des Emirats arabes unis, de l'Egypte, de la Tunisie, du Pakistan, de l'Inde, de la Bulgarie, du Bangladesh, des Philippines, du Canada et du Burkina Faso, selon le communiqué.
"Des diplomates et des responsables internationaux" faisaient partie des personnes secourues, selon la même source.
- Evacuations d'Occidentaux -
Les ministres allemands de la Défense et des Affaires étrangères ont annoncé avoir tenu une réunion de crise samedi sur la faisabilité d'une évacuation, après que trois avions militaires se sont vus contraints de faire demi-tour mercredi, a rapporté le magazine allemand Der Spiegel.
Depuis plusieurs jours, les Etats-Unis, la Corée du Sud et le Japon ont déployé des forces dans les pays voisins et l'Union européenne envisage de prendre de mesures similaires en vue d'évacuer leurs diplomates et ressortissants du Soudan.
Les violences y ont éclaté le 15 avril entre l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane, dirigeant de facto du Soudan depuis le putsch de 2021, et son adjoint devenu rival, le général Mohamed Hamdane Daglo, qui commande les Forces de soutien rapide (FSR), des paramilitaires redoutés.
Vendredi, l'armée avait annoncé avoir "accepté un cessez-le-feu de trois jours" pour l'Aïd al-Fitr, qui marque la fin du mois sacré du jeûne musulman.L'ONU, les Etats-Unis et d'autres pays avaient appelé à l'arrêt des combats.
Mais une nouvelle fois, l'armée et les FSR n'ont pas respecté leurs engagements de faire une pause pour permettre aux civils de fuir et aux pays étrangers de rapatrier leurs ressortissants.Le bilan encore très provisoire s'élève à plus de 420 morts et 3.700 blessés, selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS).
Les FSR du général Daglo ont indiqué être "prêtes à ouvrir tous les aéroports du Soudan" pour évacuer les étrangers.Le général Burhane a lui déclaré samedi que l'armée régulière "contrôlait tous les aéroports à l'exception de ceux de Khartoum et de Nyala", le chef-lieu du Darfour-Sud.
Alors que les deux camps se livrent aussi à une bataille de communication, il est impossible de savoir qui contrôle les aéroports du pays et dans quel état ils se trouvent après avoir été le théâtre de violents combats depuis le premier jour du conflit.
Les deux généraux qui avaient pris le pouvoir lors du coup d'Etat de 2021 sont désormais engagés dans une lutte sans merci.Ils ont été incapables de s'accorder sur l'intégration des paramilitaires du général Daglo aux troupes régulières du général Burhane, après des semaines de négociations politiques sous égide internationale.
- "Situation catastrophique" -
A Khartoum, ville de cinq millions d'habitants, de nombreux civils se sont aventurés à l'extérieur uniquement pour obtenir des denrées alimentaires d'urgence ou pour fuir la ville.
La fin du mois de jeûne du ramadan se fête habituellement "avec des pâtisseries et des cadeaux pour les enfants", mais cette année, ce sont "des coups de feu et l'odeur de la mort", se lamente auprès de l'AFP Sami al-Nour, un habitant de Khartoum.
Les conditions de vie sont probablement pires au Darfour, où personne ne peut se rendre dans l'immédiat.Sur place, un docteur de Médecins sans frontières (MSF) évoque une "situation catastrophique".
Au Soudan, troisième producteur d'or d'Afrique et pourtant l'un des pays les plus pauvres au monde, les services de santé sont à genoux depuis des décennies et un tiers des 45 millions d'habitants souffre de la faim.
L'arrêt des opérations de la plupart des humanitaires, après la mort d'au moins quatre d'entre eux depuis une semaine, va aggraver la situation.Et le conflit menace désormais de gagner du terrain au-delà des frontières du Soudan, selon des experts.
Maintenant que les armes ont parlé, il faut agir rapidement pour éviter une "guerre civile à part entière", prévient l'International Crisis Group (IGC).