Tigré: Paris et Berlin appellent l'Ethiopie à rendre justice pour mieux faire la paix

Paris et Berlin ont encouragé jeudi l'Ethiopie à rendre justice aux victimes de la guerre au Tigré, un peu plus de deux mois après la signature de l'accord de paix qui a mis a fin au conflit dévastateur dans cette région du nord de l'Ethiopie.

AFRICA RADIO

12 janvier 2023 à 20h36 par AFP

Addis Abeba (AFP)

"Il n’y a pas de paix durable sans justice, pas plus en Éthiopie qu'ailleurs, mais pas moins non plus, c'est une des conditions de la paix durable que de faire la justice", a prévenu la cheffe de la diplomatie française, Catherine Colonna, lors d'une conférence de presse à Addis Abeba.

Son homologue allemande, Annalena Baerbock, a abondé dans ce sens: "il est important que les crimes soient jugés", soulignant que les femmes avaient particulièrement souffert d'exactions et de viols pendant ces deux années de conflit qui ont opposé les rebelles du Tigré aux forces éthiopiennes soutenues par l'Erythrée.

Les deux cheffes de la diplomatie, arrivées jeudi pour une visite de deux jours en Ethiopie, s'exprimaient aux côtés du vice-Premier ministre éthiopien et ministre des Affaires étrangères, Demeke Mekonnen.

Ce dernier a promis qu'Addis Abeba ferait le nécessaire pour ne pas laisser les crimes impunis."J'ai informé mes collègues française et allemande de la demande de mon gouvernement auprès des Nations unies pour contrôler l'application des droits de l'Homme dans les régions concernées et mettre en oeuvre une politique de justice".

En échange de ces efforts, Demeke Mekonnen a insisté sur les besoins d'aides financières de son pays.

"Il est temps que nos partenaires soutiennent ce pays (...) Nous espérons une réponse prompte en matière de coopération économique", a-t-il déclaré.

Les deux cheffes de la diplomatie avaient rencontré dans la matinée le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed.Elles doivent encore s'entretenir vendredi avec des représentants de l'Union Africaine et des défenseurs des droits de l'Homme.

Elles ont également visité un centre de distribution du Programme alimentaire mondial (PAM) pour constater la mise en oeuvre d'un don ukrainien de 50.000 tonnes de blé à l'Ethiopie et la Somalie, dont Paris et Berlin ont financé l'acheminement à hauteur de 14 millions d'euros chacun.

- "Arme" des céréales -

Mmes Baerbock et Colonna ont à cette occasion fustigé l'action du président russe Vladimir Poutine qui, selon elles, utilise "les céréales comme une arme de guerre".L'Ukraine, l'un des greniers à blé du monde, n'a pas été en mesure d'acheminer pendant des mois ses céréales vers des pays comme l'Ethiopie, en raison de l'invasion russe.

La guerre fratricide au Tigré a déplacé plus de deux millions d'Ethiopiens et plongé des centaines de milliers de personnes dans des conditions proches de la famine, accentuée par la pire sécheresse qu'a connu la région depuis des décennies.

Après l'accord de paix, l'acheminement de l'aide humanitaire a repris progressivement et les services de base (électricité, banque, transport...) sont lentement restaurés.

Mais des habitants et des travailleurs humanitaires de diverses parties du Tigré ont affirmé récemment à l'AFP que pillages et persécutions se poursuivaient dans la région.

La corne de l’Afrique et l’Ethiopie en particulier font partie des partenaires prioritaires pour l’UE, alors que la Chine avance ses pions dans la région, comme l'a illustré la visite en début de semaine à Addis Abeba du ministre chinois des Affaires étrangères, Qin Gang. 

Mme Baerbock a profité de la conférence de presse commune avec ses homologues français et éthiopien pour envoyer une pique à Pékin. 

"Nous voulons travailler en partenariat équitable, transparent, avec des règles claires, des règles équitables dans notre intérêt mutuel", dont les remboursements asphyxient les Etats, a-t-elle dit. 

Sans nommer Pékin, elle a évoqué "d'autres pays qui veulent faire de l'Afrique un marché pour les matières premières et les fournisseurs". 

"L'Europe veut que l'Afrique soit un bon voisin et un ami, et là où ils commencent à s'efforcer de se libérer des anciennes dépendances de régimes autoritaires, nous sommes à leurs côtés", a-t-elle dit.

Gouvernement éthiopien et rebelles tigréens ont signé le 2 novembre un accord mettant fin à une guerre qui a ravagé durant deux ans le nord de l'Ethiopie, faisant des dizaines de milliers de morts, plus de deux millions de déplacés et plongeant la région dans une profonde crise humanitaire.