“Mais mon Dieu, j’y connais rien, je suis nulle. Ça y est, j’ai raté mon métissage.” Cela a été la première réaction de Justine Sow, lorsque la maison d'édition Bayard Graphic lui propose de créer une bande dessinée pour l’exposition Wax au Musée de l’Homme. C’est son premier ouvrage depuis qu’elle a terminé son master à l’école Arpents Lucs de Bruxelles. La jeune femme a dû, en une seule année, écrire, scénariser et dessiner afin de présenter WAX PARADOXE, l’œuvre qui accompagne l’exposition – un véritable défi.
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Le wax, Justine Sow, journaliste belge métissée guinéenne, le connaît peu. Ce projet a éveillé chez elle “d’abord des questionnements de légitimité”, confie-t-elle. Bruxelloise depuis son enfance, elle a grandi “loin des femmes de [sa] famille qui auraient pu [l’]amener au wax.” Pour se défaire de ce sentiment d’imposture et réussir à terminer le livre à temps, elle met en place une approche personnelle.
✨ Nouvelle année, nouvelle expo ! ✨
— Musée de l'Homme (@Musee_Homme) January 7, 2025
À partir du 5 février, découvrez le #wax sous toutes ses coutures. En croisant les regards d’artistes et de scientifiques, l’#exposition met en lumière ce textile aux couleurs vives et aux motifs variés 👉 https://t.co/0SzUxZ5uQa pic.twitter.com/QBi3fsj6gm
Un travail de terrain
La bédéaste dévore les écrits des historiennes de l’art qui se sont intéressées au pagne, “principalement Anne-Marie Boutiaux et Anne Grosfilley.” Observe les étudiants en design textile dans une école de La Cambre pour donner de l’épaisseur à son personnage principal, Sophia, une métisse belgo-congolaise. Visite l’usine hollandaise Vlisco, où ont été produits les premiers tissus.
Et surtout, elle engage des discussions avec son entourage, et “plus largement avec des personnes afro-descendantes” "d’Occident ou d’Afrique". Ces entretiens éveillent chez ses interlocuteurs “un rapport complexe avec le tissu" ou, au contraire, une sensation "d’évidence”.
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Sophia, héroïne de la bande dessinée WAW PARADOXE. //Justine Sow
Sophia évolue au fil des cases
En parcourant les premières pages de la bande dessinée, le lecteur se rend vite compte que l’héroïne est éloignée d’une partie de son identité. Obligée de travailler sur le wax pour un projet scolaire de design textile, la jeune femme tente d’éviter l’exercice.
Sophia est tiraillée entre ses deux cultures, congolaise et belge, mais se laisse porter par “une exploration du tissu qui va se muer en une exploration d’elle-même”. Elle va apprendre à se définir et à se détacher de l’image par laquelle elle est perçue, en déconstruissant les regards extérieurs qui la trouveraient "trop noire", "trop blanche" ou "pas assez noire", ou "alors pas assez blanche" – pour se réapproprier son identité.
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Une prochaine BD sur la santé mentale
Au fil des cases, Sophia évolue. Elle apprend à connaître des figures historiques extérieures à l’enseignement officiel “lorsqu’on grandit à Bruxelles" ou en France, telles que Thomas Sankara ou les Nana Benz. L’autrice lance des sortes de “bouteilles à la mer” à son lectorat.
Elle estime que, pour pouvoir avoir une culture générale relativement complète, “il faut vraiment aller chercher ailleurs.” Et quand on est métissé, “ça vient nous troubler d’une manière particulière, parce que ça nous renvoie justement à ce déracinement.”
Pour son prochain ouvrage, Justine Sow abordera “plutôt les questions de santé mentale,” même si elle avoue être très intéressée par les Nana Benz, ces femmes entrepreneuses togolaises.
- Pratique -
- WAX PARADOXE, par Justine Sow. Bayard Graphic. 22 €
- Exposition WAX, au musée de l'Homme à Paris, jusqu'au dimanche 7 septembre 2025. Entre 12 et 15 €
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