L’agence gouvernementale française VIGINUM a publié ce jeudi 12 juin 2025 une enquête édifiante sur African Initiative, une prétendue agence de presse russe tournée vers le continent africain. Derrière une façade de média indépendant se cacherait en réalité un dispositif structuré d’influence informationnelle pro-russe, en lien probable avec les services de renseignement de Moscou. Le rapport, mené avec le soutien du Foreign Office britannique et du Service européen pour l’action extérieure (SEAE), révèle un mode opératoire pensé pour façonner l’opinion publique africaine au service des intérêts géopolitiques du Kremlin.
Des cadres liés au renseignement russe
Parmi les dirigeants d’African Initiative, plusieurs noms reviennent, tous dotés d’une expérience avérée dans les opérations d’influence, notamment dans les pays de l’ex-URSS. Le rédacteur en chef Artyom Koureïev, visé par des sanctions européennes pour désinformation, est soupçonné d’avoir collaboré avec les services russes dans des opérations menées en Europe avant de se tourner vers l’Afrique. Autre figure-clé : Viktor Loukovenko, ex-prisonnier devenu blogueur et activiste, également lié à l’ex-SMP Wagner. Ces profils témoignent d’un recyclage des réseaux et méthodes du défunt Evgueni Prigojine dans un nouvel habillage.
Un ancrage local sous forme associative
Au Burkina Faso, l’organisation s’est implantée physiquement sous forme d’une association locale, dotée de comptes sur les réseaux sociaux et de relais dans les médias communautaires. Cette structure "bicéphale" mêle campagnes numériques et actions sur le terrain : événements culturels, projections de films patriotiques, actions éducatives, le tout au service d’une narration pro-russe et anti-occidentale. L’association a également collaboré avec la Maison russe de Ouagadougou et des radios partenaires comme Savane FM.
Des techniques de manipulation numérique avancées
African Initiative s’appuie également sur un dispositif numérique clandestin baptisé "AI-Freak", décelé par Meta et OpenAI. Ce réseau utilise des contenus générés par intelligence artificielle et des techniques de référencement abusives pour diffuser ses récits en plusieurs langues. Objectif : noyer les plateformes africaines sous des messages favorables à Moscou et critiques de la France ou des États-Unis.
Une influence encore limitée, mais stratégique
Malgré les moyens déployés, VIGINUM relativise l’impact réel de l’agence. Le site principal d’African Initiative, afrinz.ru, totalise moins de 35 000 visites mensuelles selon Similarweb. Toutefois, la stratégie s’inscrit dans le temps long : créer un environnement informationnel favorable à la présence russe en Afrique, en mobilisant anciens réseaux Prigojine, jeunes diplômés des universités russes, relais parlementaires, et outils numériques.
Avec African Initiative, Moscou semble avoir trouvé un nouvel instrument d’influence sur le continent africain, mêlant journalisme d’apparence, soft power culturel et ingérence numérique. Pour les autorités françaises et européennes, cette opération illustre la persistance d’une guerre de l’information, bien au-delà des champs de bataille visibles.
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