Hassanein Hiridjee, Pdg du groupe Axian
Les pays africains doivent affronter plusieurs défis : l'insécurité alimentaire, le réchauffement climatique, notamment. Les pays africains sont-ils prêts à y faire face ?
Je ne commencerais pas en étant négatif, en disant : « On fait face à de l'insécurité alimentaire, à des problèmes climatiques. » Je parlerais surtout du nombre de solutions que nous avons en Afrique sur ces sujets-là. Et nous en avons une foultitude.
Est-ce qu'on est prêts à faire face à ces enjeux ? Absolument. Le secteur privé l’a montré. Nous-mêmes, dans nos activités, nous le montrons. On travaille sur des solutions nature-based face au réchauffement climatique : on plante des arbres, de la mangrove, du bambou, ce genre de choses qui aident à réduire les émissions de carbone. Oui, nous sommes totalement prêts. Et des gens comme moi, il y en a une foultitude sur le continent qui travaillent sur ces problèmes. Donc oui, je suis optimiste : c’est en train de se mettre en œuvre.
Par rapport à certains modèles économiques, par rapport à l'industrialisation, vous plaidez pour qu’il y ait davantage d’industrialisation, afin de répondre également à certains enjeux.
Bien sûr, mais vous pouvez faire de l’industrialisation avec de l’énergie propre. En Afrique, on a besoin de quoi ? On n’a pas besoin de 3 000 licornes qui font un milliard de dollars de chiffre d’affaires. On a besoin de 3 millions de PME qui font 100 000 dollars de chiffre d’affaires, et ce sont elles qui seront au contact de la population et qui pourront œuvrer directement au développement, avec la capillarité nécessaire pour les populations locales. Ça, c’est très important.
Aujourd’hui, nous pouvons développer des industries avec de l’énergie propre, décarbonée, qui permettra justement d’éviter tous ces enjeux liés au réchauffement climatique. Vous avez des solutions solaires...Il y en a plein. En Afrique, on en déploie beaucoup, par nécessité, parce que parfois on ne répond pas à leurs demandes. Moi, dans mon pays, parfois, des entreprises — elles-mêmes, à Madagascar — mettent en place des solutions solaires parce qu’elles n’arrivent pas à obtenir suffisamment de répondants de la compagnie nationale.
Donc, par nécessité, mais aussi par envie de faire du décarboné, on arrive à trouver des solutions.
Il y a des TPE-PME sur le continent qui essaient de répondre à toutes les crises que j’ai énumérées. Mais l’accès au financement reste quand même difficile. Comment voyez-vous, justement, l’évolution de l’accès au financement aujourd’hui ? Ou bien reste-t-il encore des progrès à faire ?
Un des véritables problèmes du développement en Afrique, c’est l’accès au financement. Aujourd’hui, en Afrique, on emprunte entre 3 à 5 points de base de plus que ce qu’on emprunte en Amérique du Sud, pour les mêmes niveaux de risque ? Moi, je suis Africain et parce que je suis Africain, alors que mon entreprise a le même niveau de risque qu’en Amérique du Sud, j’emprunte à 300, 500 points de base de plus. C’est fou. Ce n’est pas normal.
Il y a une perception du risque qui n’est pas acceptable en Afrique, et il faut travailler sur cette perception du risque. Je demande aux agences de notation, j’ai un plaidoyer, de voir les choses différemment. Ça commence, mais ce n’est pas suffisant.
Mais surtout, le vrai problème, c’est que l’accès au financement existe pour les grandes entreprises, mais pas suffisamment pour les PME. On commence, mais ce n’est pas suffisant. Il faut qu’on se concentre sur les PME. Il faut qu’on se concentre sur la population.
Quand je vois aujourd’hui qu’avec nos solutions de nanoloans, de nanocrédits, on a des demandes dans tous les sens sur des avances, sur du buy now, pay later, etc., les gens ont besoin d’être servis. Mais les gens ne sont pas tous dans le secteur formel.
On se limite trop au secteur formel. Il faut aussi adresser le secteur informel. Le poumon de l’Afrique viendra du secteur informel. Celui qui réussira à l’adresser, à l’aider, à l’accompagner, aura compris les choses.
Mais avec les outils digitaux, avec de l’intelligence artificielle, on peut adresser ce segment.
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