Massacre du 17 octobre 1961 à Paris : “Il doit être reconnu comme un crime d’État“ selon Rahim Rezigat, témoin du drame

Actus. Rescapé du massacre du 17 octobre 1961 et président de l’Association pour la promotion des cultures et du voyage (APCV), Rahim Rezigat œuvre à transmettre la mémoire de cette nuit de violence où des centaines d’Algériens furent tués à Paris. À 85 ans, il continue d’intervenir dans les lycées pour que l’histoire ne soit pas oubliée.

Massacre du 17 octobre 1961 à Paris : “Il doit être reconnu comme un crime d’État“ selon Rahim Rezigat, témoin du drame
Rahim Rezigat, président de l'association APCV, témoin du drame du 17 octobre 1961

“On voyait des Algériens faire demi-tour, la police avait commencé les arrestations” 

Le 17 octobre 1961, alors que la guerre d’Algérie touche à sa fin, le Front de libération nationale (FLN) appelle les travailleurs algériens à manifester pacifiquement à Paris contre le couvre-feu discriminatoire imposé quelques jours plus tôt. Cette manifestation, qui a réuni près de 30 000 personnes, sera violemment réprimée par la police. La préfecture reconnaîtra deux morts et 44 blessés graves, mais pour les historiens, le bilan réel avoisinerait 300 morts, selon les travaux de Jean-Luc Einaudi. 
Ce soir-là, Rahim Rezigat a 21 ans. Ouvrier à Boulogne-Billancourt, militant indépendantiste, il se souvient avec précision : “Ce jour du 17 octobre, je me trouvais dans la ville de Vanves, et nous avons reçu la consigne d’aller à la manifestation à Paris. Vers 17 heures, avec mon ami Saad, on a pris la direction de la Porte de Versailles. Mais on voyait des Algériens faire demi-tour qui nous disaient : ‘Retournez chez vous !" La police avait commencé les arrestations.” 


Rahim Rezigat : "Chaque année, on tient à rappeler qu’il y a eu un massacre le 17 octobre 1961"


Ne pouvant rejoindre Paris, il rentre à Vanves. Mais à son arrivée, le quartier est bouclé par les CRS, et des Harkis selon Rahim Rezigat “On n’avait pas le choix que de passer la nuit dans le parc de Vanves, pas loin de chez nous. Le lendemain, je suis parti au travail, dans l’usine Mazda à Boulogne-Billancourt.” affirme t-il. 

“On ne savait pas qu’il y avait autant de morts”

Le jeune Rahim sera interpellé le lendemain à son hôtel à Vanves, un hébergement insalubre où vivaient une quarantaine d’ouvriers algériens. “On a eu plusieurs descentes de police. La plupart des gens ont été embarqués vers le centre de Vincennes. Moi, j’ai été libéré le lendemain. On n’était pas informé comme maintenant, mais on savait qu’il y avait des Algériens arrêtés. On ne savait pas qu’il y avait autant de morts, ni qu’on en jetait à la Seine. On l’a su plus tard. Dans notre hôtel, huit personnes ne sont jamais revenues” déclare Rahim Rezigat. 

La manifestation des Algériens à Paris, le 17 octobre 1961/ DALMAS/SIPA


Ces souvenirs douloureux, Rahim Rezigat les partage aujourd’hui dans les établissements scolaires à travers l’association APCV, basée à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), pour éveiller la conscience historique des jeunes générations. 

“Chaque année, nous demandons que le 17 octobre soit reconnu comme un crime d’État” 

Plus de soixante ans après, Rahim Rezigat salue les gestes de reconnaissance, comme ceux du président Emmanuel Macron, qui a rendu hommage le 17 octobre 2024 aux victimes du massacre. Mais il insiste : “Ce sont des premiers pas, mais nous voulons que ce drame soit reconnu comme un crime d’État. Chaque année, on tient à rappeler qu’il y a eu un massacre le 17 octobre 1961, et chaque année, on revendique cette reconnaissance.” 

Une stèle en hommage aux victimes algériennes du 17 octobre 1961 à Paris/Wikimédiacommons

Plusieurs commémorations sont prévues ce vendredi à l’appel de plusieurs associations en hommage aux victimes algériennes du 17 octobre 1961. A Paris, un rassemblement a lieu à 18h sur le Pont Saint-Michel. 

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