Libération de Boualem Sansal : "Elle intervient dans un contexte de début de dégel entre la France et l’Algérie", analyse le politologue Hasni Abidi

Hasni Abidi :"Il est impossible d'arriver à une rupture"

« Une affaire devenue trop coûteuse pour l’Algérie et la France »

La grâce présidentielle accordée à Boualem Sansal, détenu depuis un an en Algérie, a mis fin à une situation diplomatique bloquée entre Paris et Alger. « La situation était arrivée à un blocage entre Paris et Alger », explique Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen (Cermam) à l’Université de Genève. « Boualem Sansal souffre d’un cancer, il est très âgé, et dans les relations internationales, le coût, finalement, de cette affaire devient très élevé, à la fois pour l’Algérie et pour la France », poursuit-il. Selon lui, cette détention « bloquait le dégel des relations » et risquait même « d’envenimer les rapports entre l’Algérie et l’Union européenne », au moment où Alger s’apprête à renégocier son accord d’association avec Bruxelles. 

Pourquoi l’Allemagne ? Un médiateur “neutre et crédible” pour Alger 

Si la libération de l’écrivain résulte d’une demande du président allemand Frank-Walter Steinmeier, c’est parce que cette médiation offrait une voie diplomatique acceptable pour Alger. « Répondre à la demande française aurait pu être interprété comme une reculade ou une concession, ce qui est difficile dans le système politique algérien », explique Hasni Abidi. 
 « En revanche, la lettre du président allemand, qui entretient des relations cordiales avec le président Tebboune, demandait une grâce humanitaire », précise-t-il. L’Algérie, ajoute-t-il, « tente depuis quelque temps de diversifier ses relations diplomatiques pour sortir de la dualité avec Paris ». Berlin, partenaire économique de plus en plus important, est aussi un acteur clé dans les négociations énergétiques. « Le président Tebboune doit se rendre prochainement en Allemagne, et il est toujours intéressant, avant une visite officielle, de poser un geste de confiance », observe encore Hasni Abidi.

Plusieurs offres de médiation proposant la libération de l’écrivain Boualem #Sensal ont échoué. La publication de la lettre du président allemand en faveur de l’auteur du roman « Le village de l'Allemand » par la présidence algérienne est un indicateur d’un changement notable… pic.twitter.com/FW8PgqZvuG

— Hasni Abidi (@hasniabidi) November 11, 2025

 
« Une diplomatie algérienne fragilisée mais en quête d’équilibre» 

Le chercheur souligne que le président Abdelmadjid Tebboune « n’a pas les mêmes mécanismes diplomatiques que son prédécesseur Abdelaziz Bouteflika ». L’Algérie, dit-il, « traverse une période difficile sur le plan diplomatique, car elle n’a pas réussi à s’adapter à la nouvelle donne régionale et internationale », notamment avec les changements politiques au Sahel.

Boualem Sansal est libre et bientôt de retour.

Ma profonde gratitude va au Président Steinmeier pour notre coopération fructueuse.

Je remercie le Président Tebboune pour ce geste d’humanité. pic.twitter.com/UaSWqASLL1

— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) November 12, 2025

Vers un dégel entre Paris et Alger ? 

Pour Hasni Abidi, la grâce de Boualem Sansal est aussi le fruit d’une coordination entre Berlin et Paris. « L’action du président allemand s’est faite de concert avec le président Macron », précise-t-il. 
Le chercheur estime que « la libération de Boualem Sansal intervient dans un contexte de début de dégel entre la France et l’Algérie ». Il cite plusieurs signes positifs : la nomination du nouveau ministre de l’Intérieur français Laurent Nuñez, jugé « moins politique », et la préparation d’une visite officielle du secrétaire général du Quai d’Orsay à Alger. « Il est impossible d’arriver à une rupture, car l’absence de communication nuit à la sécurité régionale », conclut Hasni Abidi. 

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