Les deux journalistes suédois arrêtés en Ethiopie en compagnie de rebelles ont été reconnus mercredi coupables de "soutien au terrorisme" et d'entrée illégale dans le pays, verdict pour lequel l'accusation réclame 18 ans et six mois de prison.
"Coupables de toutes les charges" retenues contre eux, a déclaré, en amharique à l'audience d'un tribunal d'Addis Abeba, le juge Shemsu Sirgaga.
Les deux hommes "ont démontré qu'ils étaient des journalistes respectés, mais nous ne pouvons pas conclure qu'une personne de bonne réputation ne peut pas être impliquée dans des activités criminelles," a-t-il ajouté."Ils n'ont pas été capables de prouver qu'ils n'avaient pas soutenu le terrorisme."
Pour les deux journalistes, l'accusation a réclamé 13 ans d'incarcération pour soutien au terrorisme et cinq ans et six mois pour entrée illégale dans le pays."Le principal but de ce crime est de provoquer la peur, la terreur et l'intimidation (...) et d'attirer l'attention des médias," a-t-elle dénoncé.
Les peines du reporter Martin Schibbye et du photographe Johan Persson devraient être prononcées mardi 27 décembre.
Selon une journaliste de l'AFP présente dans la salle, les deux hommes n'ont laissé transparaître aucune émotion à la lecture du verdict.Mais, dans la mesure où ils n'avaient pas d'interprète, ils n'ont peut-être pas pu comprendre le juge immédiatement.
Leur avocat, Sileshi Ketsela, a cependant d'ores et déjà évoqué la possibilité d'un appel."Il y aura d'autres étapes," a aussi lâché en suédois M. Schibbye en quittant la salle d'audience.
Le Premier ministre suédois a demandé à Addis Abeba de libérer les journalistes "aussi vite que possible"."Notre position est et continue d'être qu'ils étaient dans le pays en mission journalistique," a déclaré Fredrik Reinfeldt.
Salle comble
Arrêtés en juillet près de la frontière somalienne avec des rebelles du Front national de libération de l'Ogaden (ONLF), MM.Schibbye et Persson ont reconnu être entrés illégalement en Ethiopie, mais ont toujours plaidé non coupables des accusations de terrorisme.
Au procès, ils ont expliqué être venus pour enquêter sur les activités du groupe pétrolier suédois Lundin Petroleum.M. Persson a assuré que les contacts avec l'ONLF faisaient partie de l'enquête.
"Si le but des journalistes était d'informer sur la compagnie pétrolière, ils auraient pu faire tout ça légalement," a cependant estimé le juge mercredi."Puisqu'ils ont été pris avec (des rebelles de l'ONLF), nous trouvons difficile de croire qu'ils étaient venus uniquement pour cette information".
Depuis sa création en 1984, l'ONLF lutte pour l'indépendance de l'Ogaden, une région du sud-est de l'Ethiopie à majorité somalie et marginalisée, selon les rebelles, par Addis Abeba.
Mercredi, les deux Suédois ont comparu dans une salle comble.Des membres de leurs familles, une dizaine de journalistes étrangers et des diplomates étaient présents.
Les organisations de défense des médias ont plusieurs fois exprimé leur inquiétude sur le déroulement de la procédure, certains, comme le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), accusant Addis Abeba d'avoir bafoué la présomption d'innocence.
Mercredi, le secrétaire général de Reporters sans frontières, Jean-François Julliard, a dénoncé un verdict "absurde"."Plutôt que de prouver que les deux journalistes sont coupables, la justice reproche aux intéressés de ne pas pouvoir prouver leur innocence," a-t-il dit."C'est le monde à l'envers."
La condamnation "confirme que le principal but de la clause de la loi sur +le soutien au terrorisme+ est d'étouffer le travail légitime des journalistes," a de son côté estimé Ben Rawlence, de Human Rights Watch.
Pour Amnesty International, les deux journalistes sont des "prisonniers de conscience".
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