Alors que le braconnage décime les populations de rhinocéros et d'éléphants ailleurs en Afrique, la Namibie a mis au point un modèle de protection efficace de l'environnement, associant les populations locales.
La Namibie a été très largement épargnée par les braconniers, tandis que les rhinocéros sont massacrés à un rythme effrayant dans les parcs et réserves de l'Afrique du Sud voisine.
Mais en décembre 2012, une femelle rhinocéros noir a été tuée et écornée dans le lointain nord-ouest de ce pays désertique, condamnant son petit à mort.
Ce drame a profondément ému les Namibiens, leur rappelant un douloureux passé.
Pendant des décennies quand il était sous la domination sud-africaine, le pays a en effet beaucoup souffert du braconnage, qui menaçait d'extinction la faune et risquait d'affecter durablement le potentiel touristique.
Dans les années 1970 à 1980, une bonne partie de ce qui était encore le Sud-Ouest africain, ex-colonie allemande, a en outre servi de terrain de chasse privée pour le gouvernement de Pretoria et les hauts officiers de l'armée.
Des centaines d'éléphants, de rhinocéros, de girafes et d'antilopes de tout poil en ont fait les frais.
Mais les choses ont bien changé dans la Namibie indépendante.Pour preuve, il n'a fallu que quelques jours après la mort du rhinocéros pour arrêter un suspect, et son procès est déjà en cours.
Ce succès est en fait le résultat d'années et d'années de travail.
Tout a commencé il y a une trentaine d'années quand Garth Owen-Smith, un pionnier de la protection de la nature associant les populations, a entrepris une tournée des campagnes pour plaider la cause des animaux sauvages.
Son argument était simple: les animaux et les agriculteurs ayant du bétail peuvent non seulement coexister, mais aussi profiter les uns des autres.
"Si la faune est préservée, elle va un jour attirer des touristes, créer des emplois et apporter de l'argent dans la région", rappelle Owen-Smith dans son ouvrage "Un Eden aride" ("An Arid Eden", 2012).
Les populations locales étaient réticentes, mais l'argument a finalement porté.
Il restait dans le pays en 1980 environ 300 rhinocéros noirs, la sous-espèce la plus rare.Ils sont aujourd'hui quelque 1.700.
Quant aux éléphants du désert, leur nombre est passé dans le même temps de 155 à environ 600.
Pour Pierre du Preez, responsable de la protection des rhinos au ministère de l'Environnement et du Tourisme à Windhoek, le plan a marché parce que des emplois bien payés ont effectivement été créés pour aider les touristes à pister les bêtes.
"Les populations rurales vivant à proximité des rhinocéros sont beaucoup plus favorables à la protection de l'environnement, et il devient plus difficile pour des individus de devenir des braconniers, car cela pourrait nuire à l'ensemble de la communauté", observe-t-il.
Populations locales, ONG, gouvernement et police travaillent en bonne intelligence, ajoute-t-il.Ainsi, le rhinocéros braconné en décembre, retrouvé par des habitants du coin, a immédiatement été signalé aux autorités.
En outre, la technologie a été renforcée.
"Des équipements de sécurité ont été implantés sur un pourcentage significatif des rhinocéros dans les zones à haut risque, le personnel de sécurité est spécialement formé et des systèmes de haute sécurité de haute technologie sont en place", souligne M. du Preez.
En prévention, la Namibie a été en 1989 le premier pays d'Afrique subsaharienne à décorner les rhinocéros noirs pour décourager le braconnage.La corne, comme les ongles humains, est uniquement composée de kératine, et repousse.
"Cela pourrait devenir une possibilité à nouveau", note M. du Preez.
Car il reste à voir si le modèle namibien associant les populations locales --pompeusement baptisé "gestion communautaire des ressources naturelles"-- restera efficace si, comme c'est le cas en Afrique du Sud, des mafias lourdement armées s'attaquent aux rhinocéros du pays.
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