Rumba congolaise, les héroïnes : “C’est important d’enraciner la mémoire de ces femmes” selon la réalisatrice et auteure Yamina Benguigui

Actus. La rumba congolaise a longtemps été présentée comme une création essentiellement masculine. Cette perception occulte la contribution cruciale des femmes à cette célèbre musique. Dans le documentaire, « Rumba Congolaise, les héroïnes », Yamina Benguigui redonne voix et place à celles qui ont porté la rumba bien au-delà des frontières. Sur Africa Radio, elle rend hommage à ces femmes.

Rumba congolaise, les héroïnes : “C’est important d’enraciner la mémoire de ces femmes” selon la réalisatrice et auteure Yamina Benguigui
Lucy Eyenga, la pionnière de la rumba congolaise feminine - Wikimedia commons

Ecoutez Yamina Benguigui

La Rumba congolaise, patrimoine immatériel de l’Unesco 


Née dans les années 1940, glorifiée à partir des années 1960, la rumba congolaise est entrée au patrimoine immatériel de l'humanité en 2021. Et avec elle ses interprètes et ses stars mondialement célèbres... et toutes masculines. Pourtant, au cœur de cette musique qui a longtemps servi de ciment culturel aux deux Congo et à leur diaspora, les femmes n'ont pas seulement servi de thème principal aux chansons, loin de là.

La rumba, née dans les années 40

Source : Wikimédia Commons

Les grandes voix féminines de la rumba 

Lucy Eyenga, Abeti Masikini, Mpongo Love, Mbilia Bel, Barbara Kanam, Mariusca, Ancy Kiamuangana – entre autres – sont autant de chanteuses adulées dont les voix ont contribué au développement et au succès du genre. Avec ce documentaire, la réalisatrice et auteure Yamina Benguigui redonne à ces figures de l'ombre une place légitime dans la mémoire collective “C’est important d’enraciner la mémoire de ces femmes, l’apport de ces femmes, leurs combats puisqu’elles ont traversé la colonisation belge et puis la difficulté d’être artiste, artiste en Afrique” déclare Yamina Benguigui 


 

La réalisatrice et auteure Yamina Benguigui

“Elles ont été des voix, avant que la radio n’arrive à Brazzaville et Kinshasa, elles écrivaient des chansons, elles chantaient mais elles n’étaient pas imprimées. On ne les mettait pas en avant, ou elles accompagnaient le maître, comme Rochereau avec Mbilia Bel. Il a fallu qu’elle prenne son indépendance. En général, cela a coûté très cher à ces femmes. Elles sont mortes dans beaucoup de solitude mais elles ont quand même essayé d’exister et de ne pas être invisibilisés” ajoute la réalisatrice. 
À travers archives, témoignages et images inédites, Rumba Congolaise, les héroïnes rappelle que cette musique, ciment culturel des deux Congo et de leur diaspora, a aussi été un espace de liberté et d’affirmation pour de nombreuses femmes. 

Lucie Eyenga, la “Ella Fitzgerald de la rumba congolaise” 

Lucy Eyenga, au centre

Source : Yamina Benguigui officiel


Parmi ces femmes, il y a Lucie Eyenga, c’est une pionnière de la Rumba congolaise dans les années 50. Lucie Eyenga commence sa carrière musicale au sein du Label Opika dans lequel elle se fait remarquer pour ses chansons expressives, accessibles au grand public, avec un accent mis sur les harmonies vocales. Elle se fait découvrir en 1954 sur la scène à Léopoldville (actuelle Kinshasa) par le guitariste Zacharie Elenga, qui à l'époque se faisait accompagner par son élève Tshilumba wa Baloji allias "Tino Baroza" qui l'enrôle au sein des éditions "Opika". C'est dans la même année de 1954 qu'elle gagnera sa renommée autant bien nationale qu'internationale grâce à sa première chanson sur disque Bolingo Ya La Joie. D’après Yamina Benguigui, son rôle fut déterminant dans la volonté des femmes à s’émanciper du joug répressif de la colonisation belge.  
“Elle est la première. C’est la Ella Fitzgerald de la rumba congolaise. Elle ouvre le champ des possibles. Elle va pouvoir enregistrer sa musique mais on ne la verra jamais faire de la scène, parce que cela, c’était un autre combat” déclare Yamina Benguigui.  

“Je vais interpeller les autorités congolaises” 

Lucie Eyenga meurt le 12 décembre 1987 dans la ville de Kinshasa, à l'âge de 53 ans, dans le plus grand dénuement “C’est une injustice qui n’a pas été réparée. Je vais interpeller les autorités congolaises, parce qu’elle a besoin d’une reconnaissance congolaise. Elle a besoin de cette reconnaissance. On a besoin de cette reconnaissance, pour les autres, les artistes à venir” ajoute Yamina Benguigui. 

La Rumba, porteuse d’espoir d’indépendance 

Derrière l'hommage à ces artistes, Yamina Benguigui rappele aussi la portée politique de cette musique. On apprend, dans le documentaire, que le 1er prisonnier politique congolais est un artiste. Dès 1954, Ata Ndélé d'Adou Elenga est censuré pour son message anticolonial, et emprisonné. En 1960, Indépendance Cha-Cha devient la bande-son des négociations à Bruxelles. La Rumba, pas seulement une musique festive, mais aussi porteuse d’un espoir d’indépendance.  
À travers archives, témoignages et images inédites, Rumba Congolaise, les héroïnes rappelle que cette musique, ciment culturel des deux Congo et de leur diaspora, a aussi été un espace de liberté et d’affirmation pour de nombreuses femmes. 

Le documentaire est désormais disponible en streaming sur l’application myCANAL. 

 



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