Guerre en Ukraine. "Il est difficile de dire si des négociations réellement productives sont envisageables"

Actus. Lundi 18 août, Donald Trump a reçu à la Maison-Blanche, le président ukrainien Volodymyr Zelensky et plusieurs dirigeants européens pour discuter d’un accord de paix entre l’Ukraine et la Russie. Pour Snizhana Diachenko, analyste à l'Ucep (Ukrainian Centre for European Policy) le flou demeure sur les conditions véritables d'un accord de paix durable entre Moscou et Kiev.

Guerre en Ukraine. "Il est difficile de dire si des négociations réellement productives sont envisageables"
Le président de l'Ukraine, Volodymyr Zelensky, entouré des dirigeants européens. - X / Volodymyr Zelensky

Lundi 18 août, le président Donald Trump a rencontré le président Volodymyr Zelensky, ainsi que plusieurs dirigeants européens. Le président Trump a déclaré à plusieurs reprises que la paix dépendait du président Zelensky — à condition que ce dernier accepte certaines exigences, telles que l’abandon de certains territoires, notamment la Crimée, annexée par la Russie depuis 2014, ainsi que le renoncement à l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. Le président Zelensky est-il en position de négocier avec Vladimir Poutine ? 

En réalité, ces exigences, annoncées à la suite du sommet de l’Alaska, sont non négociables pour l’Ukraine, car la position ukrainienne est entièrement différente. Ce que nous avons pu observer à l’issue des discussions à Washington, c’est que les dirigeants européens et également le président Zelensky ont réussi, je pense, à avoir des échanges productifs afin, au moins, de s’assurer que les demandes concernant la cession de territoires et l’abandon de l’adhésion à l’OTAN ne soient pas mises sur la table.

Les dirigeants ont convenu de travailler à la préparation d’un éventuel accord de paix pour une rencontre élargie réunissant Zelensky, Trump, l’Europe et Poutine, et d’autres négociations devraient suivre, je l’espère.

Cependant, ces exigences, voulues par le président Poutine, sont très maximalistes, et il les répète depuis le début de l’invasion à grande échelle. Il s’agit, en fait, d’un point non négociable pour l’Ukraine. La Russie, apparemment, continuera de maintenir ces demandes, et il est difficile de dire si des négociations réellement productives sont envisageables.

La question d’un échange territorial aurait été évoquée lors des discussions. Un tel scénario ne représenterait-il pas un risque majeur pour l’intégrité territoriale et la souveraineté de l’Ukraine ?

Oui, exactement. Il s’agit d’un risque majeur pour l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Cependant, d’après ce que nous avons appris dans les médias, Zelensky n’a pas écarté cette possibilité, mais il a en même temps souligné qu’il serait très difficile de mettre en œuvre un tel échange territorial, car la Constitution ukrainienne ne le permet pas de manière simple. Cela nécessiterait un référendum ainsi que des modifications constitutionnelles. Techniquement, c’est très compliqué et cela pourrait prendre des années.

À mon avis, Zelensky n’a peut-être pas écarté cette option de façon précise pour ne pas compromettre la négociation avec Trump et pour maintenir des échanges à un niveau fluide, sans le contrarier avec un point qui lui serait désagréable. Il s’agirait donc sûrement d’un simple geste tactique dans le cadre de la négociation, mais nous ne pouvons pas en être sûrs.

Quoi qu’il en soit, pour la société ukrainienne, cela resterait inacceptable et représenterait un risque considérable pour la sécurité du pays, car à ce stade, la Russie n’occupe pas encore l’ensemble du territoire qu’elle souhaiterait annexer. Elle pourrait s’en servir ultérieurement pour poursuivre son invasion, comme elle le fait actuellement avec la Crimée.

La garantie de la sécurité de l’Ukraine aurait été un point central des négociations. Le président Poutine aurait concédé la possibilité que les États-Unis offrent à l’Ukraine une protection comparable à celle prévue par l’article 5 de la Charte de l’OTAN, qui stipule qu’une attaque contre un membre est considérée comme une attaque contre tous. Toutefois, cette clause n’implique pas automatiquement une intervention militaire : la réponse peut prendre la forme d’un soutien logistique ou de la fourniture de matériel militaire. Une telle garantie représenterait-elle un véritable avantage pour l’Ukraine ?

Nous ne disposons actuellement pas d’informations précises sur les garanties de sécurité que les partenaires occidentaux pourraient fournir à l’Ukraine. Cependant, l’Ukraine reçoit déjà un soutien pour résister à la guerre, même si celui-ci n’est pas suffisant pour contrebalancer la pression exercée par la Russie.

Cela dit, les dirigeants européens, à mon avis, cherchent à éviter les annonces trop audacieuses, notamment en ce qui concerne l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, et s’efforcent plutôt de fournir des assurances bilatérales en matière de soutien à la sécurité. Par exemple, le Kyiv Security Compact envisage la signature d’accords bilatéraux sur la coopération en matière de sécurité et de défense entre différents pays européens et l’Ukraine.

C’est l’une des pistes à suivre. Toutefois, ces accords ne seront pas ratifiés par les parlements, mais seulement conclus entre présidents. Avec un changement de gouvernement, ces accords pourraient ne plus figurer à l’agenda. Quoi qu’il en soit, je pense que nous saurons à l’avenir quelles garanties de sécurité pourront être obtenues à l’issue des négociations.

Comment les Ukrainiens perçoivent-ils ces sommets et ces discussions ?

C’est perçu comme une étape nécessaire pour mettre fin, d’une manière ou d’une autre, à la guerre, car les Ukrainiens sont les plus éprouvés par ce conflit. Mais, en même temps, et c’est là une opinion largement partagée au sein de la société ukrainienne, nous ne pouvons pas accepter une quelconque cession de territoire ni un gel du conflit, car cela ne ferait qu’aggraver la situation. Comme nous le savons, l’agression russe a commencé en 2014, il y a 11 ans. Les négociations précédentes n’ont pas été productives et la Russie a simplement progressé.

À l’époque, nous ne bénéficions pas du même soutien de la part des partenaires occidentaux. Aujourd’hui, la situation a changé et, espérons-le, cela portera ses fruits à l’avenir. Pour l’heure, l’essentiel est que les partenaires occidentaux puissent exercer une pression sur la Russie, notamment par le biais de sanctions et de restrictions financières, afin de montrer concrètement que la guerre est préjudiciable à la Russie et à son économie, et de pousser Poutine à revenir à la table des négociations.

Néanmoins, les Ukrainiens comprennent que tout accord de paix est difficilement réaliste pour le moment, car la Russie a une interprétation biaisée de la situation et continue de considérer que l’Ukraine fait partie du « monde russe », refusant ainsi d’intégrer l’Ukraine dans une perspective européenne.

Selon l’opinion publique ukrainienne, quelles seraient les solutions les plus réalistes et acceptables pour parvenir à un accord de paix durable ?

L’Ukraine a présenté et développé un plan de victoire ainsi qu’une formule de paix. Selon cette formule, elle comporte dix points qui incluent, bien sûr, le retrait des forces russes de l’ensemble du territoire ukrainien et la restauration de l’intégrité territoriale, ce qui signifie que la Crimée, le Donbass et les autres régions occupées doivent être restitués à l’Ukraine.

Parmi les autres points figurent la sécurité alimentaire, la garantie d’une exportation normale des céréales ukrainiennes vers l’Europe et d’autres pays, la sûreté nucléaire, ainsi que la libération des prisonniers et des personnes déportées. Une perspective humanitaire est également intégrée à cette formule.

C’est ce à quoi les Ukrainiens aspirent, car ils comprennent que, si la Russie n’est pas tenue pour responsable de ses crimes en Ukraine et si elle n’est pas repoussée hors du territoire ukrainien, le conflit ne prendra jamais fin, comme l’expérience de la guerre depuis 2014 l’a montré. Tant que les forces russes seront présentes sur le sol ukrainien, la guerre continuera. Cela constitue l’une des exigences principales.

Par ailleurs, un système judiciaire traditionnel doit être garanti, ainsi que certaines garanties de sécurité fournies par les partenaires occidentaux afin de prévenir toute future escalade ou agression de la part de la Russie.

Une nouvelle rencontre est prévue avant le mois de septembre entre les présidents Trump, Poutine et Zelensky. Pensez-vous qu’à l’issue de cette réunion, un accord de paix pourra être signé et que la Russie mettra fin à ses attaques contre l’Ukraine ?

Je ne pense pas que cela soit vraiment réaliste. D’ailleurs, certains dirigeants européens présents à la réunion qui s’est tenue à Washington partagent ce scepticisme. Par exemple, pendant que les négociations ont lieu, les forces russes continuent de lancer des missiles sur le territoire ukrainien, ciblant notamment les infrastructures. C’est un signe clair que la Russie n’est pas prête à conclure un accord de paix, ni à cesser de tuer des Ukrainiens et de détruire les infrastructures du pays.

Pour parvenir à un accord de paix ou à une fin de guerre, il faut que les deux parties soient, au minimum, sur la même longueur d’onde, qu’elles aient une compréhension commune de la situation et qu’elles s’accordent sur certains points fondamentaux de l’accord. Or, à l’heure actuelle, ce n’est pas du tout le cas.

L’Ukraine est prête à mettre fin à la guerre, mais sur des bases justes et acceptables pour elle. La Russie, en revanche, n’y est pas disposée. Nous l’avons d’ailleurs entendu directement de la bouche de Vladimir Poutine après le sommet d’Alaska : il réclame l’annexion de quatre régions ukrainiennes, alors même que l’intégralité du territoire de trois d’entre elles n’est pas encore occupée à ce jour.

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