Le chef rebelle Bosco Ntaganda, recherché pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité commis en République démocratique du Congo (RDC) au début des années 2000, a quitté le Rwanda vendredi pour la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye.
"Bosco Ntaganda vient de décoller de Kigali et se trouve entre les mains de responsables de la CPI," a annoncé en début d'après-midi la ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, sur Twitter.
M. Ntaganda "est actuellement sous la responsabilité de la CPI" et "escorté par une délégation de la CPI qui a quitté Kigali vers le quartier pénitentiaire de la CPI à La Haye (Pays-Bas)", a confirmé la Cour dans un communiqué, saluant la reddition du rebelle.
Bosco Ntaganda se trouvait officiellement à l'ambassade américaine de Kigali depuis lundi, où, selon Washington, il s'était présenté "de lui-même" pour demander son transfert à la CPI.L'ambassade américaine a également confirmé son départ vendredi.
Selon une source proche de la CPI, l'avion transportant M. Ntaganda atterrira à Rotterdam d'où l'accusé sera escorté par la police vers le centre de détention de la CPI à Scheveningen, quartier balnéaire de La Haye, à environ 25 kilomètres de là.
"Terminator"
Il subira un examen médical et, selon cette source, devrait comparaître, conformément à la procédure, "devant la chambre préliminaire" mardi ou mercredi.
Surnommé "Terminator", il est notamment accusé par la CPI de viols, meurtres, pillages et enrôlements d'enfants-soldats entre septembre 2002 et septembre 2003 dans l'Ituri (nord-est de la RDC).Des ONG l'accusent de crimes similaires dans la province minière du Nord-Kivu (est de la RDC), où il était présumé diriger dernièrement la rébellion du M23, qui a explosé en deux factions rivales fin février.
Bosco Ntaganda avait passé la frontière entre la RDC et le Rwanda mi-mars, comme plusieurs centaines de ses hommes défaits dans des combats avec l'aile rivale.Il avait ensuite rejoint l'ambassade américaine à Kigali, quelque 150 km plus loin, dans des circonstances encore inconnues.
Le M23 est surtout composé d'ex-rebelles tutsi congolais, intégrés à l'armée de RDC après la signature d'un accord de paix avec Kinshasa en 2009.Bosco Ntaganda, lui-même alors nommé général, est soupçonné d'avoir orchestré une nouvelle rébellion de ces hommes en avril 2012.La mutinerie avait de nouveau embrasé le Nord-Kivu, chroniquement instable.
La reddition surprise de l'un des seigneurs de guerre les plus recherchés des Grands Lacs a surpris nombre de spécialistes et suscité de nombreuses questions.
Comment a-t-il pu traverser la frontière rwando-congolaise puis rejoindre l'ambassade américaine sans se faire repérer?Quel rôle a pu jouer le Rwanda dans son périple?Le chef rebelle a-t-il été, partiellement du moins, pris en charge par l'armée rwandaise?
Quelles peuvent-être désormais les conséquences d'un procès à La Haye pour le Rwanda, alors que Kigali est accusé d'entretenir d'étroites relations avec le rebelle depuis de très longues années ?
Bosco Ntaganda a fait ses armes au sein du Front patriotique rwandais (FPR) du président Paul Kagame à l'époque où cette rébellion rwandaise mettait fin au génocide contre les Tutsi au Rwanda en 1994.Dans les décennies qui ont suivi, il est soupçonné d'avoir été un important relais de Kigali dans l'est de la RDC et d'avoir bénéficié de larges soutiens militaires rwandais -- avec le M23 comme en Ituri.
Devant la CPI, Ntaganda pourrait, disent des experts, faire d'embarrassantes révélations sur le rôle de Kigali dans l'est de la RDC.Le Rwanda a participé à deux guerres dans la zone à la fin des années 90 et au début des années 2000.Mais, s'il est toujours accusé, notamment par des experts de l'ONU, d'y soutenir des groupes armés pour y maintenir ses intérêts (fonciers et miniers), il y nie depuis une décennie toute interférence.
La région, qui échappe au contrôle politique et militaire de la lointaine Kinshasa, vit depuis deux décennies au rythme de conflits, mutineries et autres rébellions instrumentalisés à des fins politiques et économiques par des acteurs régionaux.
Certains analystes estiment que la mise à l'écart de Ntaganda sera loin de suffire pour ramener la paix, car les problèmes de fond -- en particulier le jeu souterrain des pays voisins -- demeurent.
D'autres, comme Human Rights Watch, estiment toutefois que le départ pour La Haye d'un chef rebelle de cette envergure, incarnation de l'impunité dans la région, envoie un signal important.
"L'arrivée de Bosco Ntaganda à La Haye sera une victoire majeure pour les victimes des atrocités dans l'est du Congo et pour les militants locaux qui ont travaillé dans des conditions périlleuses à son arrestation," a ainsi déclaré vendredi Géraldine Mattioli-Zeltner, de HRW, dans un communiqué.
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