Des organisations de défense des droits humains et un député britannique ont réclamé une enquête "indépendante" sur la mort de cet islamiste de 67 ans, emprisonné par les autorités depuis sa destitution en juillet 2013 par Abdel Fattah al-Sissi, chef de l'armée à l'époque et actuellement président d'Egypte.
Dans la presse égyptienne mardi, l'événement était relaté de façon minimale, certains journaux ne mentionnant même pas qu'il a été chef de l'Etat entre 2012 et 2013.
Issu de la confrérie des Frères musulmans, interdite en Egypte, Mohamed Morsi avait pourtant été le premier président démocratiquement élu dans ce pays après le Printemps arabe de 2011 qui avait poussé au départ l'ancien chef de l'Etat Hosni Moubarak après 30 ans de pouvoir.
Mais dans un Etat où les autorités ont mené une sévère répression contre l'opposition, peu d'habitants commentaient ouvertement le décès de l'ex-chef d'Etat.
En revanche, en Turquie où le gouvernement soutient les Frères musulmans, des milliers de personnes ont participé à une prière collective à la mémoire de Mohamed Morsi à Istanbul.
La veille, le président turc Recep Tayyip Erdogan, avait qualifié de "martyr" Mohamed Morsi, l'émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, exprimant lui "sa profonde tristesse" et l'Iran regrettant "une mort malheureuse".
Au Caire, l'enterrement s'est déroulé dans la nuit, dans le quartier de Medinat Nasr (est) bouclé par des policiers qui ont contrôlé chaque véhicule passant à proximité.
Aucun journaliste n'a pu accéder au cimetière, situé non loin des lieux où la répression féroce par les forces de l'ordre d'un sit-in des partisans de Mohamed Morsi avait fait environ 800 morts en août 2013.
Seuls une dizaine de membres de la famille étaient présents, selon des journalistes de l'AFP.
"La prière funèbre a été faite à l'hôpital de la prison" où il était détenu, a indiqué à l'AFP l'un de ses avocats, Abdelmoneim Abdel Maksoud.
- "Assassinat" -
Après sa destitution par l'armée à la faveur d'une vague de manifestations, Mohamed Morsi a été poursuivi dans plusieurs affaires, accusé de "terrorisme", "d'espionnage" ou de "meurtre" de manifestants, des charges qu'il a toujours rejetées.
C'est lors d'une audience lundi au Caire consacrée à des accusations d'espionnage au profit de l'Iran, du Qatar et de groupes comme le Hamas à Gaza, qu'il s'est effondré.
"Le tribunal lui a accordé le droit de parler pendant cinq minutes.Il est tombé sur le sol dans la cage des accusés et a été immédiatement transporté à l'hôpital", a indiqué le parquet général."Le procureur a été informé de la mort de Morsi durant sa présence dans une séance de son procès", a poursuivi l'institution.
Il est mort "à cause d'un arrêt cardiaque", selon la télévision d'Etat.Sa famille a confirmé son décès.
"Nous n'avons même pas pu le voir au tribunal à cause des parois de verre blindé (du box) insonorisé.Mais d'autres détenus nous ont fait signe qu'il n'avait plus de pouls", a raconté à l'AFP l'un de ses avocats, Me Maksoud.
Le Parti de la liberté et de la justice de Mohamed Morsi, bras politique des Frères musulmans, a parlé d'un "assassinat", dénonçant de mauvaises conditions de détention dont "le but était de le tuer à petit feu".En Jordanie, les Frères musulmans ont estimé que les "autorités du coup" (d'Etat contre l'ex-président) sont responsables de la mort du "martyr" Morsi.
En mars 2018, une commission britannique indépendante avait condamné le maintien à l'isolement 23 heures par jour de cet homme souffrant d'antécédents diabétiques et d'insuffisances rénale.
- Enquête indépendante -
Le député conservateur britannique qui avait dirigé cette commission, Crispin Blunt, a réclamé mardi une "enquête internationale indépendante" sur ce décès, rejoignant les demandes d'Amnesty International et Human Rights Watch (HRW).
La mort de M. Morsi "en détention est représentative de l'incapacité de l'Egypte à traiter les prisonniers conformément au droit égyptien et international", a estimé M. Blunt.
Le leader islamiste avait été condamné à un total de 45 ans de prison dans deux affaires, incitation à la violence contre des manifestants fin 2012 et espionnage au profit du Qatar. Il était rejugé après l'annulation de deux verdicts prononcés contre lui - une condamnation à mort et une réclusion à perpétuité.
Après sa destitution, Abdel Fattah al-Sissi, qui était son ministre de la Défense, a mené une répression sans merci contre l'opposition islamiste notamment.
Policiers et soldats avaient tué plus de 1.400 manifestants pro-Morsi en quelques mois.Des centaines avaient été condamnés à mort et des milliers emprisonnés.
Après l'annonce de la mort de Mohamed Morsi, la télévision d'Etat a diffusé en boucle des images de violences et d'attentats, accusant les Frères musulmans de "terrorisme" et de "mensonge".
Les années qui ont suivi le coup de force de l'armée ont vu une succession d'attaques visant les forces de l'ordre sur fond d'insurrection jihadiste dans le nord-Sinaï.
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