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"Cette présidence du Conseil de l’Union Européenne n’est pas l’égale de la présidence française" - Frédéric Saint Clair

Frédéric Saint Clair, politologue analyse la  présidence française  du Conseil de l'Union européenne du 1er janvier au 30 juin 2022 qui a commencé avec une polémique en France sur le drapeau européen, qui flottait sous l’Arc de Triomphe sans celui français.

FSC

7 janvier 2022 à 15h39 par Lilianne Nyatcha / Africa Radio Paris

Peut-on parler d'un faux-pas de la part de l'Elysée, qui peut échauder Emmanuel Macron ?

Manifestement, non. Je ne suis même pas certain qu’il comprenne le sens de cette polémique. Parce qu'à travers cette polémique, ce sont des critiques qui lui sont adressées depuis le début de son quinquennat, une critique globale qui l’accuse d’être beaucoup trop "européiste" en faveur d'une souveraineté européenne et de ne considérer la France comme une région de l'Europe parmi d'autres. C’est vrai que l'exécutif a prétexté que le drapeau devait être enlevé. On a bien compris qu’il y avait une précipitation pour retirer ce drapeau.

L’exécutif a indiqué que c'était prévu que le drapeau soit levé dans la nuit de samedi à dimanche…

Il semble que ça soit encore une fois plus de la communication qu’autre chose. Critiquer l'amplitude de cette polémique que certains trouveront disproportionnée, ce n'est pas le sujet. Je pense que le vrai sujet c’est le rapport finalement qu’Emmanuel Macron entretient avec les institutions européennes. Dans ce cadre-là, le fait d'avoir placé le drapeau européen sans le drapeau français signifie effacer la dimension française sur un mouvement strictement français. C'est là qu’il y a quelque chose de très révélateur finalement.

Vous parlez de l’amplitude de cette polémique. Est-ce qu'elle aurait eu le même écho si nous n'étions pas en année électorale avec un président sortant probablement candidat à sa propre succession ?

Non elle n’aurait pas eu la même amplitude en dehors de la période électorale. Valérie Pécresse qui ne fait jamais preuve d'un souverainisme exalté s’est servie de l’occasion. Ce qui fait qu’on peut immédiatement se dire qu’il y a une instrumentalisation politique qui est fait en arrière-plan. 

Même si c’est elle qui menace désormais le plus Emmanuel Macron dans les sondages, il est certain que ce n’était pas à elle, Valérie Pécresse de faire cette remarque. Elle n’était pas la mieux placée pour en parler parce que son ADN politique ne s'inscrit pas dans un rapport obsessionnel à la France.

Parlant d'ADN politique, c'est donc l'extrême-droite qui a lancé la polémique et Marine le Pen a salué une victoire patriotique. Face à la situation, est-ce que le président Macron n'a-t-il pas en réalité réagit en Macron-candidat ?

Il n'est pas encore déclaré candidat mais on a compris depuis son allocution du mois de décembre qu'il était déjà en campagne. Et oui, vous avez raison. C’est le candidat Macron qui est intervenu. Il faut dire que même s’il n’est pas encore déclaré, le président Macron et le candidat Macron ne font aujourd'hui plus qu’un, à quatre mois du premier tour de l’élection.

Le président ne peut pas se permettre non plus de laisser enfler des polémiques. Si vous vous rappelez, il y en a eu beaucoup dans son quinquennat. Il serait bon pour lui que cette présidence de l'union européenne ne démarre pas elle aussi sur des polémiques inutiles. 

Le programme de la présidence du Conseil de l’UE parle de trois priorités : une Europe plus souveraine, un nouveau modèle européen de croissance avec plus de création d’emplois et d’innovation et enfin une Europe humaine à l’écoute des préoccupations de ses citoyens. Dans laquelle de ces trois ambitions, le président Macron peut laisser un bilan honorable à la fin de son mandat en juin ?

Cette présidence du Conseil de l’Union Européenne n’est pas l’égale de la présidence française. C’est pour lancer des chantiers et mettre à l’ordre du jour un certain nombre de sujets que cette présidence est importante. Elle n’a pas de pouvoir sur l’aboutissement parce qu’au niveau Européen, cela prend du temps. Donc là, Emmanuel Macron a d’abord tracé des grandes lignes, il a davantage parlé en tant que social libéral. 

Et si on expliquait quelles sont les grands enjeux pour lui, c’est la question de la souveraineté qui vient vraiment en premier lieu chez lui. La question du drapeau sous l’arc du Triomphe est justement un déplacement de souveraineté encore plus grand. Priver les Etats de leur souveraineté et la transférer à cette structure supranationale qu’est l’UE se justifie dans l’ADN politique d’Emmanuel Macron. Pour lui, les questions d’accueil, des villes, des migrations, de la laïcité, des minorités… sont très importantes. 

Vous ne parlez pas de la défense européenne…

C’est un sujet piégé cette défense de l’Union européenne parce qu’en réalité, personne n’en veut. C’est une question extrêmement complexe, il y a des inégalités économiques, politiques et sociales très fortes entre les différents pays de l’UE, mais peut-être pas aussi fortes qu’en matière de défense. Il y a des pays qui ont des compétences très importantes en défense personnelle. Il y a aussi des différences de vision. Donc cette question de défense européenne est une sorte de serpent de mer. Car derrière le sujet, il y a peut-être trop de tensions…

  

 

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