Quand Wandara met les pieds pour la première fois au Tchad, elle a 35 ans. Aujourd’hui âgée de 38 ans, cette consultante informatique française, tchadienne de père et centrafricaine de mère, a été élevée par cette dernière. « Elle m’a élevée de sorte que je n’aie que la Centrafrique en moi. Il fallait que je renie le Tchad », explique-t-elle.
Réalisant qu’elle ne connaît rien du côté de son père, décédé il y a plusieurs années, ni de ses frères et sœurs, et sentant qu’il lui manque « quelque chose qui l’empêche de [se] connaître pleinement », elle fait part à un oncle de sa volonté d’aller au Tchad. Une décision qui déplaît à sa mère dans un premier temps, avant qu’elle ne se ravise.
« Je lui ai parlé de mes frères et sœurs, et elle m’a dit : 'finalement, c’est le meilleur voyage que tu aies pu faire' », se rappelle-t-elle.
Jusqu’à présent, elle y est retournée trois fois. Elle y a même rencontré son mari et cette union lui permet de se rapprocher de ses origines tchadiennes. Son mari souhaite construire une maison là-bas et que le couple s’y installe.
Mais de son côté, elle a surtout réalisé qu’elle se considérait plus « africaine plutôt que tchadienne ou centrafricaine ». Elle dit se sentir plus à l’aise en Afrique de l’Ouest, notamment au Burkina Faso. « C’est vraiment mon pays de cœur», déclare-t-elle.
Dans ses pays d’origine, elle a eu le sentiment d’avoir été mise à l’écart. Elle l’a d’ailleurs plus ressenti en Centrafrique, qu’elle a eu l’occasion de visiter plus jeune avec sa mère, puis à ses 27 ans.
« Comme ils savent que je suis de père tchadien, pour eux, je suis française et tchadienne. Je suis de l'autre côté. Au Tchad, ils le disent moins, mais je pense qu’aussi, comme j'ai grandi avec ma maman centrafricaine, je suis plus centrafricaine et française. »
Ce qui a créé une distance. Sa mère, décédée en février, était la seule personne proche qui la reliait à la Centrafrique. Elle se demande si elle y retournera. La seule raison qui pourrait l’inciter à le faire, serait si les projets associatifs d’une connaissance se développent.
Une redécouverte et renforcement du lien avec le Sénégal pour Peinda
Wandara n’est pas la seule à avoir ressenti une forme de distance. Peinda, une entrepreneure française d’origine sénégalaise, de 48 ans, l’a également ressentie. Originaire de l’Essonne, elle a vécu « au rythme du Sénégal » en France, avec « les baptêmes tous les week-ends, les mariages tous les week-ends. On nous en parlait, les grands-parents, la famille. On a une très grande famille », explique-t-elle.
« Notre père passait son temps à nous raconter les histoires d'antan. Je les ai entendues, mais je ne les ai pas ressenties parce que je ne voyageais pas. »
Cet amour du Sénégal, elle continue de le nourrir. Depuis 2018, elle poursuit le travail de son père, décédé en 2009, en effectuant des recherches généalogiques sur sa famille paternelle.
La première fois qu’elle met les pieds au Sénégal, Peinda a neuf ans. Elle s’y rend pour l’enterrement de sa grand-mère paternelle. C’est à ce moment-là qu’elle ressent cette mise à l’écart.
« On a eu un choc des cultures, quand même. On nous appelait les Français », se remémore-t-elle.
Mais tout change en 2019, quand elle retourne au pays pour y enterrer sa mère. Durant ce court voyage, mais intense, elle redécouvre un nouvel intérêt pour le pays de ses parents.
« Je ne me sentais pas étrangère à quoi que ce soit ni à qui que ce soit. Intérieurement, je me sentais accomplie là-bas », se souvient-elle.
Si elle a grandi avec la double culture française et sénégalaise, elle envisage, avec son époux et ses quatre enfants, de faire sa vie là-bas ou bien de jongler entre les deux pays. Elle s’est laissée un délai de cinq ans pour y réfléchir. Mais en ce moment, elle n’a qu’une hâte : le voyage au Sénégal prévu à la fin de l’année avec ses enfants, qui découvriront le pays pour la première fois.
«Mon père était très attaché au fait qu'on aime nos origines »
Peut-être en garderont-ils un bon souvenir, comme Prissy, juriste de 31 ans, béninoise de père et gabonaise de mère. Ayant vécu au Gabon jusqu’à ses 18 ans, avant de venir vivre en France, elle allait très souvent au Bénin pendant les vacances d’été. « J’ai toujours eu une bonne image du Bénin parce que mon père était très attaché au fait qu'on aime nos origines », se remémore-t-elle.
Elle se rend seule au Bénin au mois de mai pour fêter son anniversaire et surtout renforcer le lien avec le pays de son père, fréquemment sujet aux stéréotypes. « À chaque fois que je parle avec certaines personnes, quand je dis que je suis béninoise, tout de suite, on me parle de vaudou. »
Religion diabolisée par certains, ce sujet l’intrigue : elle a donc décidé d’aller mener son enquête pour en savoir plus. Mais ce voyage avait essentiellement une dimension introspective pour la juriste, qui en a profité pour se rendre dans le village de son père.
« J'avais ressenti cette volonté de me reconnecter avec la terre de mes ancêtres, que je n'avais jamais vraiment pris le temps de connaître. »
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