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Malan Mané, l'histoire d'une résurrection musicale

Disparu de la sphère musicale pendant des décennies à tel point que certains le croyaient mort, le chanteur Malan Mané, l'une des voix du peuple de Guinée-Bissau au sein du groupe Super Mama Djombo, donnera samedi en France son premier concert depuis trente ans. 

AFRICA RADIO

16 décembre 2021 à 13h06 par AFP

Paris (AFP)

"Les Grands".Ce roman de Sylvain Prudhomme, paru en 2014, est à l'origine de la résurrection du musicien, dont la voix s'était tue en 1990.

"J'étais à Ziguinchor", en Casamance au Sénégal, proche de la Guinée-Bissau, raconte à l'AFP l'écrivain.

"Assez vite, je suis tombé amoureux des disques du Super Mama.L'idée du roman est venue de la rencontre avec plusieurs anciens du groupe installés en Casamance, dont Serifo Banora", poursuit-il. 

"Le livre a été nourri des ambiances de concerts et de tout ce que j'ai ressenti là-bas". 

Et des souvenirs de Malan Mané, dont Sylvain Prudhomme va faire la connaissance pendant l'écriture de son roman, à Montreuil, près de Paris, où l'ancien chanteur-leader du groupe vit alors dans un foyer de travailleurs.

- "Eloigne toi" -

"Je ne me destinais pas du tout à devenir chanteur, mon rêve était de devenir footballeur, au Benfica Lisbonne", se souvient Malan Mané, 65 ans aujourd'hui, que l'AFP a rencontré. 

"On avait une association dans le quartier, dont j'étais membre en tant que footballeur", se souvient-il à propos de sa jeunesse en Guinée-Bissau.Parfois, "certains se mettaient à jouer de la guitare, moi à chanter.Un jour, quelqu'un m'a dit +mais pourquoi pas former un groupe ?". 

Naissance d'une vocation.Après une première expérience avec d'autres musiciens, ce fils d'une famille de pêcheurs-agriculteurs du sud rejoint le Super Mama Djombo.Cette formation, qui fait les louanges de la révolution, devient à l'indépendance, proclamée en 1973 et reconnue par le Portugal un an plus tard, le porte-drapeau de son pays.

"Après l'indépendance, on a accompagné le président lors de ses voyages à l'étranger.C'est comme ça qu'on a joué en Angola, au Sénégal, en Gambie". Et en France, en 1981.

La réputation du groupe passe les frontières, il enregistre à Lisbonne, grave quelques chansons toujours cultes, "Dissan na Mbera" ou "Sol maior para comandante". 

Mais la formation, aux textes engagés interprétés en créole portugais sur fond de gumbe, un style musical local influencé par le mandingue et la rumba, va perdre au gré des coups d'Etat dans un pays déchiré par la guerre civile, les faveurs du pouvoir. 

Pas sa popularité."A chaque concert, c'était plein.On voyait les choses différemment, on avait des chansons révolutionnaires, on critiquait". 

"Il y a toujours des menaces.Quand tu vois un jeune tabassé en pleine rue parce qu'il a fait une critique, des fois tu te dis +éloigne toi+", confie Malan Mané.

- "Abandonné" -

Il quitte son pays en 1990 pour la France.Début d'un long tunnel."Je suis resté huit ans sans papiers", raconte celui qui passe de foyer en foyer à Valenton, Elbeuf puis Montreuil en 2003, où il vit toujours. 

"C'était la débrouille.J'ai appris le papier peint" en retapant des appartements, dit dans un français un peu hésitant ce petit homme.

Sur son visage, on devine parfois une tristesse qui disparaît dès qu'il évoque la musique.

Régularisé en 1998, Malan Mané va exercer divers métiers peu qualifiés.En 2008, nouveau coup dur: une opération à coeur ouvert.

Par la grâce d'un livre, la roue de son infortune semble avoir enfin cessé de tourner. 

Depuis la sortie du roman, la nouvelle de son existence s'est propagée jusqu'en Guinée-Bissau, où il est retourné en 2019 le temps d'une chanson lors d'un meeting électoral.

Tout cela filmé.Car du roman est née l'idée d'un documentaire relatant son parcours, réalisé par Philippe Béziat, en cours de tournage.

Un roman, un documentaire, l'attribution d'un logement HLM, un concert, l'enregistrement à venir à Lisbonne d'un disque avec de nouvelles chansons...tout semble à nouveau sourire à Malan Mané, qui retrouvera sur scène samedi dans le cadre du festival Africolor, à Montreuil, deux anciens membres d'origine du Super Mama Djombo: le percussionniste Armando Vaz Pereira et le guitariste Adriano Toundou Fonseca. 

"La musique m'a beaucoup manqué, jusqu'à me rendre malade même", lâche-t-il, très ému."Je me suis senti abandonné"