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Depuis l'annonce du premier cas de nouveau coronavirus au Kenya le 13 mars, les autorités de la locomotive économique d'Afrique de l'Est ont adopté des mesures graduelles pour enrayer la propagation de l'épidémie sans pour autant décréter un strict confinement.

L'AFP s'est plong&eacute;e mardi pendant 24 heures dans la vie de la capitale k&eacute;nyane et de ses 4,3 millions d'habitants, o&ugrave;, comme ailleurs, la crise sanitaire exacerbe les in&eacute;galit&eacute;s sociales et fait d&eacute;j&agrave; sentir ses effets n&eacute;fastes sur l'&eacute;conomie.&nbsp;

- 06H45, barrage de police de Ndenderu -
Le jour vient de se lever, la brume matinale enveloppe dans la vall&eacute;e les serres d'une ferme horticole, &agrave; 30km au nord de Nairobi.Sur cette route qui file vers le nord et la r&eacute;gion de la Vall&eacute;e du Rift, des policiers arm&eacute;s contr&ocirc;lent v&eacute;hicules et pi&eacute;tons.
Depuis le 6 avril, Nairobi et les trois autres principaux foyers de contamination situ&eacute;s sur la c&ocirc;te ont &eacute;t&eacute; plac&eacute;s sous cloche.Interdiction d'y entrer ou d'en sortir, sauf exceptions.Le Kenya a enregistr&eacute;&nbsp;582 cas au 6 mai dont 329 pour le seul comt&eacute; de Nairobi.
L'inspecteur de police Julius Kariuki Mugo, un masque sur la bouche, explique: "On laisse passer les personnes munies d'une autorisation: ceux qui transportent des vivres, les m&eacute;decins...".
Edward, jeune chauffeur de 25 ans, a d&ucirc; montrer patte blanche et produire l'attestation de son employeur pour aller livrer sa cargaison de farine &agrave; Naivasha, &agrave; 75 km plus au nord.

- 08H30, centre de Nairobi -
D'habitude congestionn&eacute; en cette heure de pointe, le centre de Nairobi est clairsem&eacute;.Dans leur magasin de pi&egrave;ces d&eacute;tach&eacute;es pour v&eacute;los, o&ugrave; finissent de se consumer deux b&acirc;tonnets d'encens, les fr&egrave;res N. Shah et S. Shah ne peuvent que constater les d&eacute;g&acirc;ts de l'&eacute;pid&eacute;mie sur l'&eacute;conomie.
"Nous tournons &agrave; environ 10% de notre activit&eacute; normale", explique le premier.
"Les gens n'ont pas d'argent.Quand vous n'avez pas assez d'argent pour payer votre loyer, vous n'en avez pas assez pour faire des courses", compl&egrave;te le second.
"C'est pire que pendant les &eacute;lections (souvent synonymes de violences au Kenya, NDLR), parce que pendant les &eacute;lections, au moins, les gens re&ccedil;oivent de l'argent des politiciens" qui cherchent ainsi &agrave; obtenir leur voix, poursuit-il.

- 11H00, cabinet de physioth&eacute;rapie Moshon, Westlands -
D&egrave;s la mi-mars, les autorit&eacute;s ont ferm&eacute; les &eacute;coles et vivement encourag&eacute; le t&eacute;l&eacute;travail.La consigne est plut&ocirc;t bien respect&eacute;e dans les secteurs qui le peuvent, comme en t&eacute;moignent les rues d&eacute;sertes du quartier d'affaires de Upper Hill.
"Mais pour nous, le t&eacute;l&eacute;travail n'est pas une option", souligne Victoria qui d&eacute;taille les mesures de pr&eacute;caution adopt&eacute;es dans le cabinet pour "&eacute;viter de contracter le coronavirus": historique du patient, gel hydroalcoolique omnipr&eacute;sent, masques obligatoires pour tout le monde, gants de rigueur pour les cinq praticiens et pas plus d'un patient &agrave; la fois dans la structure.
Comme de nombreux parents, Bernard et Victoria ont am&eacute;nag&eacute; leurs plages de travail pour pouvoir &eacute;galement s'occuper &agrave; la maison de la scolarit&eacute; de deux de leurs trois filles (15 et 9 ans) qui vivent encore sous leur toit.
Outre une diminution sensible de leur activit&eacute;, la vie quotidienne de Bernard et Victoria a profond&eacute;ment chang&eacute;."Ca me manque de ne plus voir mes copines" le week-end, lance Victoria dans un grand &eacute;clat de rire."Prendre une bi&egrave;re seul devant sa t&eacute;l&eacute;vision, c'est pas tout &agrave; fait pareil que de prendre une bi&egrave;re dehors avec Abraham", un de ses coll&egrave;gues, rench&eacute;rit Bernard.

- 13H00, caf&eacute; Java, quartier de Kilimani -&nbsp;
V&eacute;ritable institution &agrave; Nairobi, la cha&icirc;ne de caf&eacute;s-restaurants Java tourne au ralenti depuis le d&eacute;but de la crise: "Nous sommes tr&egrave;s affect&eacute;s dans la mesure o&ugrave; nous ne faisons plus que de la vente &agrave; emporter", explique Pamella Gavala, num&eacute;ro 2 de l'&eacute;tablissement.&nbsp;
Le groupe, qui emploie quelque 2.500 employ&eacute;s au total et compte quelque 50 caf&eacute;s pour la seule capitale, entend rouvrir progressivement &agrave; la faveur d'une r&eacute;cente d&eacute;cision du gouvernement d'autoriser une reprise limit&eacute;e et encadr&eacute;e de l'activit&eacute; des restaurants.&nbsp;
Pour ce faire, les employ&eacute;s devront subir un test pour le Covid-19, les clients se soumettre &agrave; une prise de temp&eacute;rature en entrant dans un caf&eacute; o&ugrave; ils pourront s'attabler &agrave; deux maximum sur des tables espac&eacute;es les unes des autres.&nbsp;
- 15H00, supermarch&eacute; FoodPlus de Kilimani -
Un des rares secteurs de l'&eacute;conomie qui continue d'enregistrer une fr&eacute;quentation solide a d&ucirc; s'adapter lui aussi.Dans ce supermarch&eacute; de cette cha&icirc;ne de distribution k&eacute;nyane, le port du masque est obligatoire, la temp&eacute;rature des clients est prise &agrave; l'entr&eacute;e et les caddies r&eacute;guli&egrave;rement d&eacute;sinfect&eacute;s.Aux caisses, des marques au sol rappellent les bonnes distances de s&eacute;curit&eacute;.
"Les clients se montrent coop&eacute;ratifs (...) La seule difficult&eacute; que nous rencontrons, ce sont les familles qui ont du mal &agrave; respecter les r&egrave;gles de distanciation sociale", t&eacute;moigne Daniel Mutuku, g&eacute;rant adjoint du magasin.

- 17H00, restaurant-bar La Tasca, Lavington -
Habituellement ouvert de midi "jusqu'au dernier client", parfois tard dans la nuit, l'&eacute;tablissement de Maurizio Fregoni dans le quartier hupp&eacute; de Lavington est &agrave; l'arr&ecirc;t quasi complet.Le couvre-feu (19H00 &agrave; 05H00) impos&eacute; par le gouvernement le 25 mars a sonn&eacute; la fin temporaire de la vie nocturne &agrave; Nairobi.
Le bar &agrave; tapas s'est rabattu sur une activit&eacute; - limit&eacute;e - de vente &agrave; emporter et attend des jours meilleurs pour ses 14 employ&eacute;s, la majorit&eacute; au ch&ocirc;mage technique.
&Eacute;ternel optimiste, le patron Maurizio indique avoir mis &agrave; profit cette p&eacute;riode pour "retravailler sa carte" et y ajouter de nouvelles recettes.

- 19H00, bidonville de Kibera, secteur Olympic -&nbsp;
R&eacute;guli&egrave;rement pr&eacute;sent&eacute; comme le plus grand bidonville d'Afrique, o&ugrave; s'entassent plusieurs centaines de milliers de K&eacute;nyans en plein c&oelig;ur de Nairobi, le bidonville et son activit&eacute; bourdonnante offrent un contraste saisissant avec la vie au ralenti de nombreux autres quartiers de la capitale.&nbsp;
Une poign&eacute;e de cas y a &eacute;t&eacute; recens&eacute;e mais le coronavirus se rappelle au souvenir de chacun: on trouve des bidons d'eau et du savon devant de nombreuses &eacute;choppes, les masques recouvrent le nez, la bouche et surtout le menton de nombreux habitants...&nbsp;
Reste que la densit&eacute; de la population et la n&eacute;cessit&eacute; pour chacun de travailler pour acheter &agrave; manger rendent les appels &agrave; la distanciation sociale presque vains.
George Juma, artisan-&eacute;lectricien de 39 ans, tout en rondeurs, n'a pas re&ccedil;u un appel depuis un mois."Tout le monde a peur du virus donc ils ne vous font pas venir chez eux", explique-t-il.Il a obtenu de son propri&eacute;taire de payer son loyer "quand ce sera fini".En attendant, son foyer de quatre personnes tient gr&acirc;ce &agrave; une r&eacute;cente distribution de nourriture par une ONG et &agrave; la bienveillance de certains commer&ccedil;ants qui lui font cr&eacute;dit.
L'heure du couvre-feu a sonn&eacute;.Un h&eacute;licopt&egrave;re de la police &eacute;quip&eacute; d'un spot lumineux survole le bidonville, comme un rappel &agrave; la loi.&nbsp;Les d&eacute;tonations de deux grenades lacrymog&egrave;nes se font entendre plus loin dans le bidonville.



- 21H00, centre de Nairobi, d&eacute;sert -
Sur la fa&ccedil;ade du groupe de presse priv&eacute; Nation Media Group, une installation au laser diffuse des messages de pr&eacute;vention: "Stay home", "Wash hands" ("restez chez vous", "lavez-vous les mains").Rare personne &agrave; pouvoir contempler l'installation, Lilian balaye les rues de la capitale.Elle finira &agrave; minuit, ira dormir quelques heures dans un abri en attendant 05H00 et la lev&eacute;e du couvre-feu pour prendre son taxi collectif et rentrer chez elle.

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