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La semaine dernière, la porte-parole du Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed est sortie de son rôle habituel en postant sur Twitter un poème de 37 vers défendant le gigantesque barrage sur le Nil que son pays entend commencer à remplir très prochainement.

"Mes m&egrave;res cherchent du r&eacute;pit/Apr&egrave;s des ann&eacute;es d'abjecte pauvret&eacute;/Leurs fils un futur brillant/Et le droit d'atteindre la prosp&eacute;rit&eacute;", a &eacute;crit Billene Seyoum dans ce po&egrave;me intitul&eacute; "L&rsquo;&Eacute;thiopie parle".
Comme cette po&eacute;sie le laisse transpara&icirc;tre, l'&Eacute;thiopie consid&egrave;re le Grand barrage de la Renaissance (Gerd), un projet d'un co&ucirc;t de 4 milliards d'euros, comme essentiel pour son &eacute;lectrification et son d&eacute;veloppement.
Mais le Gerd, qui doit devenir le plus grand barrage hydro&eacute;lectrique d'Afrique avec une capacit&eacute; de production de plus de 6.000 m&eacute;gawatts, a provoqu&eacute; de vives tensions avec l'&Eacute;gypte et le Soudan, qui craignent que leur acc&egrave;s &agrave; l'eau du Nil n'en soit restreint.
L'&Eacute;thiopie a fait savoir samedi qu'elle envisageait de commencer &agrave; remplir le barrage "dans les deux prochaines semaines", malgr&eacute; la demande du Caire et de Khartoum qu'un accord soit pr&eacute;alablement trouv&eacute;.
Les principaux points achoppement concernent le fonctionnement de l'installation en p&eacute;riode de s&eacute;cheresse et les m&eacute;canismes de r&eacute;solution des &eacute;ventuels diff&eacute;rends.L'Union africaine a d&eacute;cid&eacute; de prendre en charge le dossier, pour obtenir un compromis.
Alors que l'attention internationale est d&eacute;sormais sur le barrage, ses d&eacute;fenseurs se font plus actifs, notamment sur les r&eacute;seaux sociaux, pour demander au gouvernement de le mettre en service.
Certains observateurs voient dans le Gerd un rare facteur d'unit&eacute; dans un pays qui conna&icirc;t une difficile transition d&eacute;mocratique et o&ugrave; les &eacute;lections g&eacute;n&eacute;rales pr&eacute;vues en ao&ucirc;t ont &eacute;t&eacute; report&eacute;es sine die en raison du nouveau coronavirus.

- "C'est mon barrage" -

Abebe Yirga, un universitaire expert en gestion de l'eau, &eacute;tablit une comparaison avec la lutte contre le colonisateur italien &agrave; la fin du 19e si&egrave;cle.
"A cette &eacute;poque, les &Eacute;thiopiens, quelles que soient leur religion ou leurs origines vari&eacute;es, s'&eacute;taient rassembl&eacute;s pour lutter contre le pouvoir colonial", dit-il."Maintenant, au 21e si&egrave;cle, le barrage r&eacute;unit les &Eacute;thiopiens qui sont divis&eacute;s politiquement et ethniquement."
Le projet a &eacute;t&eacute; lanc&eacute; en 2011 par l'ancien Premier ministre Meles Zenawi, qui l'a pr&eacute;sent&eacute; comme le meilleur moyen d'&eacute;radiquer la pauvret&eacute; en Ethiopie.
Cette ann&eacute;e-l&agrave;, les fonctionnaires ont donn&eacute; un mois de salaire pour le financer, et le gouvernement a depuis&nbsp;&eacute;mis des obligations ciblant les &Eacute;thiopiens de la diaspora comme ceux rest&eacute;s au pays.
Pr&egrave;s d'une d&eacute;cennie plus tard, le barrage est une source d'espoirs pour un pays dans lequel plus de la moiti&eacute; d'une population de 110 millions d'habitants vit sans &eacute;lectricit&eacute;.
Meles Zenawi &eacute;tant d&eacute;c&eacute;d&eacute;, le projet est aujourd'hui incarn&eacute; par le ministre de l'Eau, Seleshi Bekele, un ancien universitaire qui a d&eacute;montr&eacute; une certaine habilet&eacute; avec les m&eacute;dias.
Lors d'une conf&eacute;rence de presse en janvier, &agrave; un journaliste qui lui demandait si d'autres pays pourraient &ecirc;tre associ&eacute;s &agrave; la gestion du barrage, il a r&eacute;pondu en le regardant droit dans les yeux: "C'est mon barrage".&nbsp;En cinq secondes, un hashtag &eacute;tait n&eacute;.
Cet &eacute;change est devenu viral et depuis une recherche sur Twitter avec #ItsMyDam (C'est mon barrage) fait appara&icirc;tre une suite sans fin de messages &agrave; la gloire du projet.

- Pression sur Abiy -

R&eacute;cemment, des officiels ont m&ecirc;me distribu&eacute; des tee-shirts floqu&eacute;s avec le slogan &agrave; des journalistes &eacute;thiopiens, qui l'arborent depuis fi&egrave;rement.
Des &eacute;trangers&nbsp;ont aussi &eacute;t&eacute; rattrap&eacute;s par cette fi&egrave;vre contagieuse.Anna Chojnicka a commenc&eacute; en mars &agrave; utiliser un peigne et un coupe-fil&nbsp;pour imprimer des dessins sur des bananes.
Sa s&eacute;rie #BananaOfTheDay inclut la silhouette d'immeubles londoniens, des images tir&eacute;es de films Disney ou encore le portrait de la chanteuse Amy Winehouse.
Mais ses bananes les plus populaires sont de loin celles li&eacute;es au barrage, dont la premi&egrave;re parue la semaine derni&egrave;re montre l'eau jaillissant au travers du colosse en ciment.
L'enthousiasme envers le barrage signifie que la pression est intense sur M. Abiy pour qu'il ordonne le remplissage du r&eacute;servoir quel que soit le r&eacute;sultat des discussions avec l&rsquo;&Eacute;gypte et le Soudan.
S'il ne le fait pas, cela entra&icirc;nera une r&eacute;action violente qui sera "catastrophique pour le Premier ministre et son gouvernement", estime Jawar Mohammed, un des principaux dirigeants d'opposition.
Le Premier ministre n'a laiss&eacute; para&icirc;tre aucun signe sugg&eacute;rant&nbsp;qu'il pourrait renoncer au remplissage.
En octobre, le m&ecirc;me mois qu'il recevait le prix Nobel de la Paix, M. Abiy &eacute;tait all&eacute; jusqu'&agrave; laisser entendre que l&rsquo;&Eacute;thiopie pourrait mobiliser des "millions" de soldats pour d&eacute;fendre le barrage si besoin en &eacute;tait.

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