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Niger: les putschistes rompent la coopération militaire avec Paris, quatre ambassadeurs limogés

Les putschistes au Niger ont dénoncé jeudi soir des accords militaires avec Paris et promis une "riposte immédiate" à "toute agression" de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), annonçant également le limogeage de quatre ambassadeurs de Niamey dont celui basé en France. 

AFRICA RADIO

4 août 2023 à 2h51 par AFP

Niamey (AFP)

La tension est encore montée d'un cran après l'arrivée d'une délégation de la Cédéao jeudi soir à Niamey pour tenter de trouver une sortie de crise, huit jours après le coup d'Etat au Niger qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum, le 26 juillet.

Les militaires au pouvoir ont annoncé dans un communiqué lu à la télévision qu'ils dénonçaient "les accords de coopération dans le domaine de la sécurité et de la défense" avec Paris, qui compte 1.500 soldats déployés au Niger.

Ils ont aussi promis une "riposte immédiate" à "toute agression" de pays de la Cédéao, à l'exception du Burkina Faso et du Mali, suspendus de l'organisation et également dirigés par des putschistes.

Les ambassadeurs du Niger en France, aux Etats-Unis, au Nigeria et au Togo ont été limogés.

Ces annonces interviennent à trois jours de la date butoir fixée par la Cédéao, qui a imposé de lourdes sanctions à Niamey et donné jusqu'à dimanche aux putschistes pour rétablir M.Bazoum, sous peine de potentiellement utiliser "la force".

Le président du Nigeria Bola Tinubu, aussi président en exercice de la Cédéao, a cependant demandé à Abdulsalami Abubakar, qui mène la délégation, de "tout faire" pour trouver une "résolution à l'amiable".

L'organisation, qui a notamment suspendu les transactions financières avec le Niger, a dit se préparer à une opération militaire, même si elle a souligné qu'il s'agissait de "la dernière option sur la table".

Les chefs d'état-major de la Cédéao sont réunis à Abuja jusqu'à vendredi, alors que plusieurs armées ouest-africaines, dont celle du Sénégal, se disent prêtes à intervenir si l'ultimatum n'est pas respecté dimanche.

- "Revenir à la raison" -

Dans un entretien à l'AFP, le désormais ex-ambassadeur du Niger à Washington, Kiari Liman-Tinguiri, a appelé la junte à "revenir à la raison", mettant en garde contre l'"effondrement" de "tout le Sahel". 

Les relations sont tendues entre Niamey et le bloc ouest-africain, et le sont également avec la France, ancienne puissance coloniale. 

Jeudi, les programmes de RFI (Radio France Internationale) et de la chaîne de télévision d'information France 24 ont été interrompus au Niger, "une décision prise hors de tout cadre conventionnel et légal", selon la maison-mère des deux médias, France Médias Monde. 

Les signaux des deux médias ont été coupés "sur instructions des nouvelles autorités militaires", a indiqué à l'AFP un haut fonctionnaire nigérien.

La France a condamné "très fermement" cette décision, a déclaré le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué.

RFI et France 24 sont déjà suspendus au Burkina Faso et au Mali voisins, où les militaires nigériens au pouvoir ont envoyé des délégations mercredi.

Le Mali et le Burkina Faso ont affirmé que toute intervention armée au Niger serait considérée "comme une déclaration de guerre" à leurs deux pays.

- Evacuations -

Depuis le coup d'Etat, les relations avec Paris se sont dégradées.Des incidents dimanche lors d'une manifestation devant l'ambassade de France ont entraîné l'évacuation de plus de 500 Français.

Des milliers de manifestants soutenant la junte au pouvoir sont sortis jeudi dans le calme dans les rues de plusieurs villes nigériennes, à l'appel du M62, une coalition d'organisations de la société civile "souverainistes". 

Nombre d'entre eux scandaient des slogans critiques de la France et brandissaient des drapeaux de la Russie -- dont se sont déjà rapprochés le Mali et le Burkina. 

Les accès à l'ambassade française et à d'autres chancelleries proches étaient bloqués jeudi par les forces de l'ordre nigériennes, ont constaté des journalistes de l'AFP.Avant la manifestation, Paris avait rappelé "que la sécurité des emprises et des personnels diplomatiques (étaient) des obligations au titre du droit international".

L'ex-puissance coloniale a fait évacuer 577 de ses ressortissants au Niger mardi et mercredi. 

Selon le chef de la junte, le général Abdourahamane Tiani, il n'y a "aucune raison objective" de "quitter" le pays.

Les Etats-Unis, partenaires du Niger comme la France, ont de leur côté affrété un avion pour évacuer leur personnel non essentiel du Niger, quand le président Joe Biden a appelé "à la libération immédiate du président Bazoum".

Les deux alliés de ce pays en proie à des violences jihadistes depuis plusieurs années y déploient respectivement 1.100 et 1.500 militaires, dont l'évacuation n'est pas prévue.

M. Bazoum, 63 ans, est retenu avec sa famille depuis le jour du putsch dans sa résidence présidentielle.L'électricité y a été volontairement coupée jeudi, a affirmé son parti.