Sénégal: un député d'opposition condamné, une autre relaxée

Un tribunal de Dakar a condamné mardi à une peine de six mois de prison avec sursis un député d'opposition pour avoir bravé une interdiction de manifester et relaxé dans le même dossier une autre députée, dans un climat de tension préélectorale.

AFRICA RADIO

28 juin 2022 à 4h36 par AFP

Les députés d'opposition Déthié Fall et Mame Diarra Fame étaient jugés par le Tribunal de grande instance de Dakar avec 82 autres prévenus, qui ont tous été relaxés. Ils avaient été arrêtés le 17 juin, lors d'une manifestation à l'appel de l'opposition qui avait été interdite par les autorités en raison notamment de "risques de troubles". Dakar et la Casamance (sud) avaient été ce jour-là le théâtre de heurts ayant fait trois morts, selon l'opposition qui avait chiffré à 200 le nombre de personnes interpellées à travers le pays et exigé leur libération. Le député Déthié Fall "a constamment reconnu avoir été l'organisateur principal" de la manifestation du 17 juin. "Il convient de le condamner à six mois assortis de sursis et à 100.000 FCFA (152 euros) d'amende", a déclaré le président du tribunal Ahmed Bâ. Pour la député Mame Diarra Fame, "les faits qui lui sont reprochés ne sont pas suffisamment établis. Elle est renvoyée des fins de la poursuite", a dit le juge Bâ. Le parquet avait requis un an de prison dont six mois ferme pour M. Fall et six mois ferme pour Mme Fame. Le tribunal a prononcé la relaxe pour leurs 82 co-accusés en raison "de faits insufisamment établis". A leur arrivée au tribunal lundi matin, les députés Fall et Fame avaient été acclamés par le public venu en nombre pour les soutenir. Le principal opposant, Ousmane Sonko, était également présent au milieu de plusieurs cadres de son mouvement, a constaté un journaliste de l'AFP. "Je rejette tous ces faits dont on m'accuse", a clamé Déthié Fall. "Je n'ai pas participé à la manifestation parce qu'elle n'a pas existé. Nous sommes au Sénégal. Le droit de manifester est inscrit dans la Constitution", a renchéri le parlementaire. "J'allais voir Barthélémy Dias", maire de Dakar et figure de l'opposition, "avec mes deux enfants et je me suis retrouvée dans un fourgon de la gendarmerie. Maintenant il faut me dire si au Sénégal, les lois interdisent d'aller voir des amis, des parents ou des connaissances", a plaidé de son côté Mame Diarra Fame. Les deux députés ont affirmé avoir été "enlevés", sans "aucun respect" pour leur fonction. Par ailleurs, un maire d'opposition, Ahmed Aïdara, qui dirige la commune de Guédiawaye (banlieue de Dakar), a été condamné lundi à un mois avec sursis, pour avoir également bravé l'interdiction de la manifestation du 17 juin, par le tribunal de Pikine, une commune voisine. Les tensions vont grandissant au Sénégal depuis que le Conseil constitutionnel a confirmé l'invalidation le 3 juin de la liste nationale des titulaires de la coalition Yewwi Askan wi pour les législatives du 31 juillet. L'opposant Ousmane Sonko, troisième de la présidentielle de 2019 et candidat déclaré à celle de 2024, et d'autres figures de l'opposition se retrouvent écartés de la course. L'opposition réclame le rétablissement de la liste et a menacé d'empêcher la tenue des élections. Elle a appelé à une nouvelle manifestation mercredi. De nombreuses organisations de la société civile ont appelé ces derniers jours l'opposition et les autorités au dialogue et à la retenue pour éviter une escalade.